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HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

MESSE À UN GROUPE DE PARLEMENTAIRES ET
DE REPRÉSENTANTS DU GOUVERNEMENT ITALIEN
À L'AUTEL DE LA CHAIRE DE LA BASILIQUE SAINT-PIERRE

Jeudi 27 mars 2014

 

(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 15 du 10 avril 2014)

Nous pouvons définir les lectures que l’Eglise nous offre aujourd’hui comme un dialogue entre les plaintes de Dieu et les justifications des hommes. Dieu, le Seigneur, se plaint. Il se plaint de ne pas avoir été écouté au cours de l’histoire. C’est toujours la même chose: «Ecoutez ma voix... je serai votre Dieu... Tu seras heureux...». Mais «ils n’ont pas écouté ni prêté l’oreille; ils ont marché selon leurs desseins, dans l’obstination de leur cœur mauvais, tournés vers l’arrière et non vers l’avant» (Jr 7, 23-24). C’est l’histoire de l’infidélité du peuple de Dieu.

Et cette plainte de Dieu vient parce que ce fut un travail très, très grand qu’a accompli le Seigneur pour ôter du cœur de son peuple l’idolâtrie, pour le rendre docile à sa Parole. Mais ils suivaient cette route quelque temps, puis ils faisaient marche arrière. Et ainsi, pendant des siècles et des siècles, jusqu’au moment où arriva Jésus.

Et la même chose est arrivée avec le Seigneur, avec Jésus. Certains disaient: «Celui-ci est le Fils de Dieu, c’est un grand Prophète!»; d’autres, ceux dont parle aujourd’hui l’Evangile, disaient: «Non c’est un sorcier qui guérit avec le pouvoir de Satan». Le peuple de Dieu était seul, et cette classe dirigeante — les docteurs de la loi, les sadducéens, les pharisiens — était enfermée dans ses idées, dans sa pastorale, dans son idéologie. Et cette classe est celle qui n’a pas écouté la Parole du Seigneur, et pour se justifier dit ce que nous avons entendu dans l’Evangile: «C’est par Béelzéboul, le prince des démons, qu’il expulse les démons» (Lc 11, 15). Ce qui revient à dire «C’est un soldat de Béelzéboul ou de Satan ou de la clique de Satan», c’est la même chose. Ils se justifient de ne pas avoir écouté l’appel du Seigneur. Ils ne pouvaient pas l’entendre: ils étaient tellement, tellement enfermés, éloignés du peuple, et cela est vrai. Jésus regarde le peuple et il s’émeut, parce qu’il le voit comme des «brebis sans bergers», comme le dit l’Evangile. Et il va voir les pauvres, il va voir les malades, il va voir tout le monde, les veuves les lépreux pour les guérir. Et il leur parle avec une parole qui provoque l’admiration du peuple: «Mais celui-ci parle comme quelqu’un qui a de l’autorité!», il parle différemment de cette classe dirigeante qui s’était éloignée du peuple. Et elle avait uniquement de l’intérêt pour ses propres affaires: pour son groupe, pour son parti, pour ses luttes internes. Et le peuple, là-bas... Ils avaient abandonné le troupeau. Et ces gens étaient-ils des pécheurs? Oui. Oui, nous sommes tous pécheurs, tous. Nous tous qui sommes ici nous sommes pécheurs. Mais ceux-ci étaient plus que des pécheurs: le cœur de ces personnes, de ce petit groupe avec le temps s’était tellement durci, au point qu’il était impossible d’écouter la voix du Seigneur. Et de pécheurs, ils ont glissé, ils sont devenus corrompus. Il est très difficile qu’un corrompu parvienne à revenir en arrière. Le pécheur, oui, parce que le Seigneur est miséricordieux et il nous attend tous. Mais le corrompu est englué dans ses affaires, et ceux-ci étaient corrompus. Et c’est pour cette raison qu’ils se justifiaient, parce que Jésus, avec sa simplicité, mais avec sa force de Dieu, les dérangeait. Et, petit à petit, ils finissent par se convaincre qu’ils devaient tuer Jésus, et l’un d’eux a dit: «Il vaut mieux qu’un homme meure pour le peuple».

Ceux-ci se sont trompés de chemin. Ils ont résisté au salut d’amour du Seigneur et ainsi ils ont glissé hors de la foi, d’une théologie de foi à une théologie du devoir: «Vous devez faire cela, cela, cela...». Et Jésus leur dit cet adjectif si laid: «Hypocrites! Tant de poids oppressants attachés sur les épaules du peuple. Et vous? Vous ne les touchez pas même avec un doigt! Hypocrites!». Ils ont refusé l’amour du Seigneur et ce refus a fait qu’ils se retrouvaient sur une route qui n’était pas celle de la dialectique de la liberté qu’offrait le Seigneur, mais celle de la logique de la nécessité, où il n’y a pas de place pour le Seigneur. Dans la dialectique de la liberté, il y a le Seigneur bon, qui nous aime, nous aime tant! En revanche, dans la logique de la nécessité, il n’y a pas de place pour Dieu: on doit faire, on doit faire, on doit... Ils sont devenus comportementaux. Des hommes aux bonnes manières, mais aux mauvaises habitudes. Jésus les appelle des «sépulcres blanchis». Telle est la douleur du Seigneur, la douleur de Dieu, la plainte de Dieu.

«Venez, adorons le Seigneur parce qu’il nous aime». «Revenez à moi de tout votre cœur» — nous dit-il — «parce que je suis empli de miséricorde et de piété». Ceux-ci qui se justifient ne comprennent pas la miséricorde ni la pitié. En revanche, ce peuple qui aimait tant Jésus, avait besoin de miséricorde et de pitié et il allait la demander au Seigneur.

Sur cette route du Carême, cela nous fera du bien, à nous tous, de penser à cette invitation du Seigneur à l’amour, à cette dialectique de la liberté où il y a l’amour et nous demander, tous: mais moi, suis-je sur cette route? Ou suis-je en train de courir le risque de me justifier et d’aller sur une autre route?, une route conjecturale, parce qu’elle ne conduit à aucune promesse. Et prions le Seigneur qu’il nous donne la grâce d’aller toujours sur la route du salut, de nous ouvrir au salut qui ne vient que de Dieu, de la foi, pas de ce que proposaient ces «docteurs du devoir», qui avaient perdu la foi et régnaient sur le peuple avec cette théologie pastorale du devoir. Demandons nous-mêmes cette grâce: Donne-moi, Seigneur, la grâce de m’ouvrir à ton salut. Le Carême sert à cela. Dieu nous aime tous: il nous aime tous! Faire l’effort de nous ouvrir: il nous demande uniquement cela: «Ouvre-moi la porte. Le reste, je m’en occupe». Laissons-le entrer en nous, nous caresser et nous offrir le salut. Ainsi soit-il.

 



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