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JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 24 janvier 2001

L'engagement pour un avenir digne de l'homme

Lecture:  1 Jn 2, 12-14

1. Si nous jetons un regard sur le monde et sur son histoire, il semble, à première vue, que domine l'étendard de la guerre, de la violence, de l'oppression, de l'injustice, de la dégradation morale. Il nous semble, comme dans la vision du chapitre 6 de l'Apocalypse, que sur les landes désolées de la terre chevauchent les chevaliers qui, tour à tour, tiennent la couronne du pouvoir triomphateur, l'épée de la violence, la balance de la pauvreté et de la faim, la faux affilée de la mort (cf. Ap 6, 1-8).

Face à la tragédie de l'histoire et à l'immoralité qui se diffuse, on en vient à répéter la question que le prophète Jérémie adresse à Dieu, se faisant la voix de nombreuses personnes qui souffrent et qui sont opprimées:  "Tu es trop juste, Yahvé, pour que j'entre en contestation avec toi. Cependant, je parlerai avec toi de questions de droit:  Pourquoi la voie des méchants est-elle prospère? Pourquoi tous les traîtres sont-ils en paix?" (12, 1). A la différence de Moïse, qui du haut du Mont Nebo, contemple la terre promise (cf. Dt 34, 1), nous nous penchons sur un monde tourmenté, dans lequel le Royaume de Dieu éprouve de la difficulté à se frayer un chemin.


2. Saint Irénée, au IIème siècle, trouvait une explication à cela dans la liberté de l'homme qui, au lieu de suivre le projet divin de coexistence pacifique (cf. Gn 2), déchire les relations avec Dieu, avec l'homme et avec le monde. L'Evêque de Lyon écrivait donc:  "Ce qui est imparfait n'est pas l'art de Dieu, qui est en mesure de donner un fils à Abraham à partir de pierres, mais c'est celui qui ne le suit pas qui est la cause de sa propre perfection manquée. Ce n'est pas, en effet, la lumière qui manque à cause de la faute de ceux qui se sont aveuglés, mais ceux qui se sont  aveuglés  qui  demeurent  dans l'obscurité à cause de leur faute, alors que la lumière continue à briller. La lumière n'assujettit personne par la force, et Dieu ne contraint personne à accepter son art" (Adversus haereses IV, 39, 3).

Il y a donc besoin d'un effort de conversion permanent qui redresse la route de l'humanité, afin qu'elle choisisse librement de suivre "l'art de Dieu", c'est-à-dire son dessein de paix et d'amour, de vérité et de justice. C'est cet art qui se révèle pleinement dans le Christ, et que Paulin de Nola, qui s'était converti, faisait sien avec ce touchant programme de vie:  "Mon seul art est la foi et la musique est le Christ" (Carme XX, 32).


3. Avec la foi l'Esprit Saint dépose également dans le coeur de l'homme la semence de l'espérance. En effet, la foi est, comme le dit l'Epître aux Hébreux, "la garantie des biens que l'on espère, la preuve des réalités qu'on ne voit pas" (11, 1). Dans un contexte souvent marqué par le découragement, par le pessimisme, par des choix de mort, d'inertie et de superficialité, le chrétien doit s'ouvrir à l'espérance qui naît de la foi. Cela apparaît dans la scène évangélique de la tempête qui se déchaîne sur le lac:  "Maître, maître, nous périssons!", s'écrient les disciples. Et le Christ leur demande:  "Où est votre foi?" (Lc 8, 24-25). En ayant foi dans le Christ et dans le Royaume de Dieu, on n'est jamais perdu, et l'espérance du calme serein réapparaît à l'horizon. Pour un avenir digne de l'homme, il est également nécessaire de faire refleurir la foi active qui engendre l'espérance. A propos de celle-ci, un poète français a écrit:  "L'espérance est l'attente impatiente du bon semeur, elle est l'inquiétude de celui qui se présente comme candidat à l'éternité. L'espérance est l'infinité de l'amour" (Charles Péguy, Le portique du mystère de la seconde Vertu).


4. L'amour pour l'humanité, pour son bien-être matériel et spirituel, pour un progrès authentique, doit animer tous les croyants. Tout acte accompli pour créer un avenir meilleur, une terre plus habitable et une société plus fraternelle participe, même si c'est de façon indirecte, à  l'édification   du Royaume de Dieu. Précisément dans la perspective de ce Royaume, "l'homme, l'homme vivant, constitue la route première et fondamentale de l'Eglise" (Evangelium vitae, n. 2; cf. Redemptor hominis, n. 14). C'est la voie que le Christ a lui-même suivie, en se faisant dans le même temps la "voie" de l'homme (cf. Jn 14, 6).

Sur cette voie, nous sommes tout d'abord appelés à effacer la peur de l'avenir. Celle-ci tenaille souvent les jeunes générations, en les conduisant par réaction à l'indifférence, au refus face aux engagements dans la vie, à l'anéantissement de soi-même dans la drogue, la violence, la déchéance. Il faut ensuite manifester la joie pour chaque enfant qui naît (cf. Jn 16, 21), afin qu'il soit accueilli avec amour et qu'on lui offre la possibilité de grandir physiquement et en esprit. De cette façon, on collabore à l'oeuvre même du Christ, qui a ainsi défini sa mission:  "Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on en abondance" (Jn 10, 10).


5. En ouverture, nous avons écouté le message que l'Apôtre Jean adresse aux pères, aux fils, aux personnes âgées et aux jeunes, afin qu'ils continuent ensemble à lutter et à espérer, dans la certitude qu'il est possible de vaincre le mal et le Malin, en vertu de la présence efficace du Père céleste. Montrer l'espérance est une tâche fondamentale de l'Eglise. Le Concile Vatican II nous a laissé à ce propos une note lumineuse:  "On peut légitimement penser que l'avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre  et  d'espérer"  (Gaudium  et   spes, n. 31). Dans cette perspective, j'ai plaisir à reproposer l'appel à la confiance que j'ai lancé dans mon discours aux Nations unies, en 1995:  "Nous ne devons pas avoir peur de l'avenir [...] Nous sommes capables de sagesse et de vertu. Avec ces dons et avec l'aide de la grâce de Dieu, nous pouvons construire dans le siècle qui est sur le point d'arriver et pour le prochain millénaire, une civilisation digne de la personne humaine, une vraie culture de la liberté.
Nous pouvons et nous devons le faire! Et, en le faisant, nous pourrons nous rendre compte que les larmes de ce siècle ont préparé la voie d'un nouveau printemps de l'esprit humain" (cf. Insegnamenti XVIII/2 [1995], p. 744, cf. ORLF n. 41, du 10 octobre 1995).


                                                                  * * *


Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 24 janvier 2001, se trouvait le groupe suivant, auquel le Saint-Père s'est adressé en français: 

De France:  Lycée Notre-Dame des Dunes, de Dunkerque.

Chers Frères et Sœurs,

Un regard sur les événements du monde, qui sont faits de violence et de guerres, d’injustices et d’oppressions, pourrait conduire au découragement. Mais nous sommes invités à témoigner de notre espérance, fondée sur le Christ et déposée en nos cœurs par l’Esprit Saint. Le mal n’est pas une fatalité; l’amour nous presse de bâtir un avenir digne de l’homme. Alors que l’inquiétude de l’avenir tenaille tant de personnes, notamment les jeunes, les chrétiens doivent montrer qu’il est possible de vaincre le mal, avec la grâce de Dieu et par un engagement résolu.

L’amour pour les hommes, le souci de leur bien-être matériel et spirituel, doivent animer tous les croyants, en vue d’un progrès authentique de chaque personne et de l’humanité entière. Tout acte accompli pour édifier une société plus fraternelle y participe, contribuant à la venue du Règne de Dieu. Nous ne devons donc pas avoir peur de l’avenir, mais nous avons à témoigner de nos raisons de vivre et d’espérer (Gaudium et spes, n.31).

 

Je salue cordialement les francophones présents à cette audience, en particulier les jeunes du lycée Notre-Dame des Dunes, de Dunkerque. Que votre pèlerinage sur la tombe de l’Apôtre saint Pierre ravive votre foi et fasse de vous des artisans de paix au milieu de vos frères ! A tous, je donne de grand cœur la Bénédiction apostolique.

                               



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