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VOYAGE APOSTOLIQUE AU SÉNÉGAL, EN GAMBIE ET EN GUINÉE

MESSE DANS LE STADE «ALINE SITOE DIATTA»

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II

Ziguinchor (Sénégal)
Jeudi, 20 février 1992

 

«J’écoute: que dira le Seigneur Dieu?»[1].

1. Nous voici rassemblés pour écouter la parole de Dieu. Ce que dit le Seigneur, proclame le psalmiste, «c’est la paix pour son peuple et ses fidèles. Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit»[2]. La parole du Dieu vivant est semblable à une semence. Nos âmes sont comme la terre dans laquelle tombe cette parole pour produire ses fruits.

Chers Frères et Sœurs, je suis heureux de vous saluer chez vous, à l’occasion de la première Messe qu’il me soit donné de célébrer dans votre patrie. Je suis venu parmi vous en pèlerin, vous qui avez accueilli l’Évangile, vous qui avez été baptisés dans le Christ, vous qui formez le peuple de Dieu sur la terre de Casamance et qui êtes membres de l’unique Corps édifié par le Christ avec tous les hommes qui répondent à son amour sauveur.

Je salue votre Pasteur, Monseigneur Augustin Sagna, que je remercie pour ses paroles de bienvenue. Je salue mon frère le Cardinal Hyacinthe Thiandoum et les évêques présents avec lui. Et je dis mes vœux cordiaux aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles. Avec chacun de vous, je voudrais partager les sentiments fraternels qui unissent tous les membres de l’Église.

J’adresse un salut particulier aux Autorités qui ont tenu à assister à cette célébration solennelle de l’Église à Ziguinchor; je les remercie de leur présence.

Je dis ma cordiale sympathie aux personnes qui appartiennent à d’autres familles spirituelles et qui nous font l’amitié de prendre part à cette fête des catholiques de Casamance.

Le Psaume que nous avons chanté, antique prière qui a traversé les siècles, nous dit: «La vérité germera de la terre, et du ciel se penchera la justice»[3]. Oui, nous sommes rassemblés pour recevoir de Dieu la lumière de la Vérité et le don de la Justice. Accueillons ces bienfaits du Seigneur!

2. Comme il est important d’écouter et de mettre en pratique la parole du Dieu vivant! Jésus en témoigne, par ce qu’il dit au Cénacle, la veille de sa Passion: «Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui»[4].

Dieu veut habiter dans le cœur de tous les humains. Ecouter et mettre en pratique la parole divine, cela veut dire aimer Dieu. C’est pourquoi Jésus dit ensuite: «Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles»[5].

Jésus dit cela à ses disciples à la veille de son départ vers le Père, au moment d’achever sa mission messianique sur cette terre. En partant, il promet et il annonce à ses disciples la venue de l’Esprit, du Défenseur. «Mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit»[6].

Par l’action de l’Esprit Saint, la doctrine messianique du Christ reste vivante dans l’Église, de génération en génération, de siècle en siècle. Nous tous, rassemblés ici dans l’Esprit Saint, nous adhérons fermement, après tant de siècles, à la même doctrine du salut. Si nous la mettons en pratique, c’est l’amour de Dieu qui demeure en nous. Et Dieu est présent dans nos cœurs.

3. C’est ainsi que Jésus parlait à ses Apôtres, qui étaient fils du peuple d’Israël et descendants d’Abraham. Dans le passage de la Lettre aux Ephésiens que nous avons écouté, c’est le même message que proclame l’Apôtre à l’intention des chrétiens qui sont entrés dans l’Église tout en n’appartenant pas au peuple d’Israël.

Voici donc, avons-nous lu, que le Christ «a fait tomber le mur»[7] qui, dans l’ancienne Alliance, séparait les membres du peuple élu de tous les autres qu’ils nommaient les païens et qui appartenaient à d’autres tribus, peuples et nations. «Par le sang du Christ», par le sacrifice de la Rédemption offert sur la Croix, nous sommes tous devenus le nouveau Peuple de Dieu, nous avons tous reçu notre part «des alliances et de la promesse»[8]. Les uns et les autres, comme nous le lisons dans la Lettre aux Ephésiens, ont été réconciliés avec Dieu, «en un seul corps, par la Croix»[9] De plus, tous, sans aucune différence, «ont accès auprès du Père dans un seul Esprit»[10]. Ils écoutent le même Évangile, la même doctrine du Christ, et, s’ils la mettent en pratique, ils reçoivent leur part dans le même amour de Dieu.

En eux s’accomplit l’annonce de cette paix que le monde ne peut donner et que le Christ apporte. La source de cette paix, c’est la réconciliation avec Dieu par la Croix rédemptrice du Christ.

Lui, le Christ, il est notre paix[11].

4. Cette réconciliation rédemptrice est le fondement sur lequel l’Église est construite. Elle constitue la source de son unité depuis le temps des Apôtres jusqu’à la fin du monde.

La Lettre aux Éphésiens dit: «Vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les Prophètes; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, des éléments de la construction pour devenir par l’Esprit Saint la demeure de Dieu».

Cela répond à ce que le Christ lui–même a annoncé: «Nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui»[13].

Chers Frères et Sœurs de Casamance, je sais votre ardent désir de vivre dans une demeure où règnent l’harmonie et la paix. Au cours de trop longues années, vous avez connu des périodes de déchirements, des familles divisées, des deuils, des villages et des champs ravagés. Beaucoup d’entre vous ont dû quitter leurs foyers et partir sur les chemins dans le dénuement.

Tous, vous aspirez à la réconciliation et à l’unité.

5. Nous avons écouté les paroles de Jésus et celles de Paul. Ce sont des paroles de paix. Ce sont des paroles de vie. Ce sont des paroles qui vous demandent, à vous-mêmes, ici et aujourd’hui, de bâtir la paix. Ce sont des paroles qui vous aideront, parce qu’elles vous apportent la force et la bonté de Dieu même qui s’adresse à vous. La paix est un don de Dieu; mais elle n’est pas réalisée sans l’homme, elle demande qu’il s’y engage.

Respectez la vie de votre frère et votre propre vie, car toute vie est donnée par la main de Dieu. Tout homme et toute femme, même différent de nous, même pécheur, garde au fond de son être sa dignité de créature du Père des cieux. Dieu est fidèle à chacun. Et chacun peut toujours revenir vers son Père qui l’accueillera et lui pardonnera.

Baptisés dans le Christ, mes Frères et mes Sœurs, laissez l’Esprit de vérité entrer en vous et vous transformer. Disciples du Seigneur, soyez ses témoins, avec humilité, mais avec conviction. Renversez, vous aussi, le mur de la haine, s’il se dresse encore: même si, humainement, vous ne pensez pas y arriver, avec la grâce du Christ sauveur, cela vous sera possible.

Respectez la Parole de Celui qui a voulu réconcilier tous les hommes, en donnant sa vie sur la Croix par amour.

6. Vous devez construire ici la demeure de la paix. Vous ne pourrez le faire que tous ensemble. Vous ne pourrez avancer que si vous entrez en dialogue les uns avec les autres. N’attendez pas pour faire le premier pas vers votre frère. Reconnaissez ce qu’il y a de bon en lui et sachez apprécier les valeurs héritées des ancêtres dans chacune de vos ethnies. Mettez en commun toutes vos richesses humaines, c’est la première condition pour bâtir sur cette terre une demeure digne de l’homme, digne de l’homme qui a confiance en Dieu.

Construisez une maison ouverte à tous, aux plus faibles et aux plus forts. Unissez vos efforts pour obtenir les meilleurs fruits du sol nourricier. Travaillez pour que le pauvre ne reste pas abandonné, pour que vos enfants grandissent dans l’espérance, pour que les malades reçoivent des soins.

Chacun, suivant sa vocation, ses compétences et ses responsabilités dans la société, a le devoir moral de servir son peuple et de tout faire pour rendre ses compatriotes heureux dans l’unité.

7. Frères et Sœurs, vous le savez, la parole de Jésus n’est pas un simple conseil, parce que Dieu s’engage lui-même dans sa parole: il va jusqu’à donner son Fils pour la multitude. A sa suite, si vous voulez demeurer dans la paix, vous devez l’imiter: il s’est fait serviteur, vous devez servir vos frères. Il est le Juste, vous devez être justes envers tous vos concitoyens. Il a révélé l’amour sans limite de Dieu pour la famille humaine: vous êtes appelés à ne refuser votre bienveillance et votre amour à personne.

Ne craignez pas de marcher ainsi sur les pas de Jésus. C’est lui qui vous guide et qui vous permet d’être ses témoins. Son Église vous engage sur sa route et vous donne confiance, en vous redisant la promesse prophétique du Psaume:

«Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit.

La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin»[14].

8. «J’écoute: que dira le Seigneur Dieu?» Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles[15].

Aujourd’hui, nous avons écouté la parole de Dieu.

Maintenant, préparons nos cœurs pour participer au Sacrifice dans lequel, de manière non sanglante, est rendu présent le sacrifice offert par le Christ Seigneur sur la Croix. Le Christ est notre paix. Toujours et en tout lieu, la puissance de son sacrifice réconcilie l’humanité avec Dieu.

Que le Christ, qui a réconcilié le monde avec lui, fasse tomber tous les murs d’indifférence et d’hostilité qui existent entre les hommes!

Que nos cœurs entrent dans l’unité du Peuple de Dieu sauvé par le Christ! Cette unité a été réalisée en Lui une fois pour toutes, et cette unité se renouvelle et se réalise chaque jour.

Loué soit Jésus Christ, notre paix!

 


[1] Ps 85 (84), 9.

[2] Ibid. 9. 13.

[3] Ps 85 (84), 12.

[4] Io. 14, 23.

[5] Ibid. 14, 24.

[6] Io. 14, 26.

[7] Cfr. Eph. 2, 14.

[8] Cfr. ibid. 2, 12.

[9] Cfr. ibid. 2, 16.

[10] Cfr. ibid. 2, 18.

[11] Cfr. ibid. 2, 14.

[12] Eph. 2, 19-22.

[13] Io. 14, 23.

[14] Ps. 85 (84), 13-14.

[15] Ibid. 9.

 



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