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VOYAGE APOSTOLIQUE AU SÉNÉGAL, EN GAMBIE ET EN GUINÉE

ORDINATION SACERDOTALE DE TROIS NOUVEAUX PRÊTRES
AU STADE «28 SEPTEMBRE»

HOMÉLIE DE JEAN-PAUL II

Conakry (Guinée)
Mardi, 25 février 1992

 

1. “Le Seigneur... m’a envoyé”[1].

Quand Jésus avait trente ans, il est entré un jour de sabbat dans la synagogue de Nazareth. On lui donna le rouleau du prophète Isaïe, et il commença à lire. Il a lu précisément les paroles que nous lisons aujourd’hui dans cette liturgie d’ordination sacerdotale[2]: «L’esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé»[3].

Les paroles du prophète Isaïe se sont accomplies. Oui, le Christ était le Messie envoyé par le Père dans la puissance du Saint-Esprit. Il réalisait les paroles du prophète.

Peuple de Dieu en Guinée, l’Évêque de Rome est heureux de te saluer, à Conakry aujourd’hui. Rendons grâce à Dieu, l’Évangile a été annoncé sur cette terre, le Christ a été accueilli, la grande communauté des baptisés s’est encore agrandie.

Je remercie Mgr Robert Sarah, Archevêque de Conakry et Administrateur apostolique de Kankan, qui m’a souhaité la bienvenue en votre nom; je vous félicite d’ouvrir les portes de vos maisons et de vos cœurs pour vous laisser pénétrer par la grâce de Dieu. Je salue Mgr Philippe Kourouma, Évêque de N’zérékoré. Et je suis heureux de la présence de mon Frère Mgr Raymond-Marie Tchidimbo qui a vécu avec vous des années d’épreuve.

Je voudrais dire à tous les prêtres que je leur suis particulièrement proche en cette cérémonie d’ordination. Je tiens à évoquer aussi l’œuvre des missionnaires qui ont fondé l’Église sur votre terre, notamment les Pères du Saint-Esprit à Conakry et les Pères Blancs à N’zérékoré. À cette occasion, nous rendons un hommage fervent à la mémoire du Cardinal Lavigerie, fondateur des Pères Blancs qui célèbrent cette année le centenaire de sa mort.

J’offre mes vœux amicaux aux religieux et aux religieuses, aux sémi naristes, aux catéchistes, ainsi qu’aux fidèles venus de tout le pays.

J’adresse un salut déférent aux personnalités civiles qui ont bien voulu s’associer à cette cérémonie liturgique.

Et je salue tout le peuple de Guinée, en disant mes sentiments cordiaux aux Guinéens appartenant à d’autres traditions religieuses qui ont voulu partager ici la joie de leurs amis catholiques.

En ce jour, chers Frères et Sœurs de Guinée, des fils de votre peuple sont mis à part et envoyés par le Christ lui-même, notre Rédempteur, pour être prêtres dans son Église. Comme prêtres, ils sont appelés à prendre part tout spécialement à la mission salvifique de Jésus crucifié et ressuscité.

2. Le sacerdoce qu’ils reçoivent est un ministère. Il a été institué comme un service pour les hommes que le Christ a sauvés par son sang.

Dans l’Évangile que nous lisons aujourd’hui, les paroles de Jésus sur la coupe peuvent s’appliquer particulièrement au sacrement de l’Ordre. Le Christ pose cette question aux fils de Zébédée, Jacques et Jean: «Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire»? Ils lui disent: «Nous le pouvons»[4].

La coupe à laquelle a bu le Christ, c’était son sacrifice sanglant au Golgotha. Par ce sacrifice, le Christ-Serviteur a accompli la rédemption du monde. Ainsi se sont totalement réalisées les paroles adressées par le Christ à ses disciples: le Fils de l’homme «n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude»[5].

Le prêtre qui célèbre le sacrifice du Corps et du Sang du Christ doit entrer dans le même esprit de service: «Il sera votre esclave, de même que le Fils de l’homme»[6].

Le sacerdoce que vous recevez, chers Fils, est le sacrement du service: servez Dieu, en servant le Peuple de Dieu, vos frères et sœurs parmi lesquels vous avez été appelés[7].

En répondant joyeusement à cet appel, vous prenez un bel engagement: librement et sans réserve, vous offrez votre personne au Seigneur pour son Église. Vous renoncez à fonder une famille et vous vous consacrez entièrement, pour une pleine et pure disponibilité. Vous promettez une humble obéissance à l’Évêque qui vous appelle à l’ordre sacré, et, à travers lui, c’est à l’Église et au Christ que vous vous soumettez pour prendre votre part de la mission commune avec tout le presbyterium. Vous vous engagez à participer fidèlement à la prière de l’Église, pour que votre ministère soit inspiré et rendu fécond par votre intimité avec le Seigneur.

3. Ce ministère vous unit d’une manière particulière au Christ, unique Prêtre de la Nouvelle Alliance, Prêtre éternel. L’imposition des mains vous consacre tout entiers par le don de l’Esprit Saint; par l’onction de vos mains, il vous est donné d’offrir à Dieu le sacrifice eucharistique, au nom du Christ (in persona Christi).

Toute la mission du prêtre a pour centre le Sacrifice eucharistique. En participant, jour après jour, à l’offrande suprême du Sauveur, il offre avec lui l’humanité entière au Père qui l’aime. Prêtres, vous qui avez la charge d’agir au nom du Christ, restez pénétrés de son amour et porteurs de ses dons dans vos rencontres et vos activités multiples. A l’exemple du Seigneur, soyez proches des plus humbles, écoutez et soulagez les souffrances, partagez les joies de vos frères et sœurs. Ainsi vous serez dans le monde les témoins du Verbe de vie.

4. En célébrant le Sacrifice du Christ, vous entrerez dans sa sollicitude pour le salut des âmes qui vous seront confiées, la sollicitude du Bon Pasteur.

C’est pourquoi l’Apôtre Paul vous parle à travers les paroles qu’il adressait à son disciple Timothée: «Devant Dieu et devant le Christ... je te le demande solennellement...: proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire»[8]. Ne te décourage pas quand les hommes «refuseront d’entendre la vérité»[9]. Ne te décourage pas... «garde ton bon sens, supporte la souffrance, travaille à l’annonce de l’Évangile, accomplis jusqu’au bout ton ministère»[10].

Ces paroles de Paul, vous aurez à vous en souvenir souvent. Comme prêtres pour le peuple de Dieu, vous serez les témoins de la vérité et du bien avec persévérance. Serviteurs de la vérité, vous le serez quand vous éclairerez vos fidèles et vos compatriotes qui vous écoutent sur le sens de l’Évangile et l’enseignement de l’Église. Serviteurs du bien, vous le serez chaque fois que vous aiderez vos frères et sœurs à faire la volonté de Dieu dans leur famille, dans leur travail, dans la société.

5. Chers amis qui allez être ordonnés prêtres, votre ministère va être fondé sur l’amour de votre peuple. Tous les membres de l’Église prennent loyalement part à l’histoire de leur nation. Catholiques de Guinée, je sais que vous désirez participer au progrès de votre pays. Vous avez connu avec vos frères de longs temps d’épreuve, vous devez faire face, aujourd’hui encore, à beaucoup de difficultés. Mais, dans tous les domaines, montrez un sens du service infatigable.

Le Seigneur Jésus vous demande d’être des artisans de paix. C’est là un commandement: un disciple du Christ doit tout faire pour la réconciliation, pour la bonne entente et l’unité de ceux qui vivent sur la même terre et partagent le destin d’une même patrie. La paix est le fruit de la justice. La paix dans la société suppose que chacun recherche le bien commun avant de défendre le groupe particulier auquel il appartient.

Pour que le développement du pays progresse, soyez les premiers, avec vos talents, à collaborer dans un travail commun, afin de mieux mettre en valeur les richesses de votre terre et de préserver sa fécondité: elle doit nourrir les générations à venir. Et surtout, ne cédez pas à la tentation égoïste de chercher votre propre intérêt à n’importe quel prix. Un attachement exagéré aux biens matériels ne peut assurer équitablement le bonheur des hommes. Sans justice, les bénéfices de l’économie peuvent ne pas profiter à ceux qui en ont le plus besoin. Sans respect des règles morales, la vie sociale ne peut satisfaire humainement toutes les personnes. Comme le rappelait votre Évêque, seuls les hommes de foi réalisent en vérité les libérations constructives, définitives et solides.
Chers amis, vous savez que l’Église tient à défendre l’homme qui a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et ce qui fait la dignité de l’homme, c’est qu’il est capable de reconnaître les plus hautes valeurs spirituelles au cœur de sa vie quotidienne: la fidélité à la vérité et à la parole donnée, le respect de toute vie, la grandeur de la famille avec la solidité des liens qui unissent les époux et les enfants, le sens d’une solidarité généreuse envers ceux qui sont blessés dans leur corps par la maladie ou que le malheur décourage, l’ouverture à la présence de Dieu profondément bienveillant à l’égard de ses créatures et source de notre espérance. Je crois que votre héritage africain vous dispose spontanément à préserver ces valeurs. La parole de Jésus et son sacrifice offert pour la multitude appellent avec force ses disciples à en faire leurs principes de conduite à toutes les étapes de leur route.

Chers ordinands, comme vous le demande l’Apôtre, ayez le souci d’instruire et d’encourager vos frères à s’inspirer toujours des valeurs qui fondent la dignité et la grandeur de l’homme. Soyez les témoins fidèles de l’infinie générosité de notre Maître et de sa miséricorde. Rayonnez l’Esprit de vérité, d’amour et de paix qui vous est donné.

6. Vous tous qui entourez aujourd’hui les nouveaux prêtres, ne cessez pas de recommander au Bon Pasteur leur ministère.

Réjouissez-vous de ce qu’ils ont été pris parmi vous. Priez pour que naissent de nouvelles vocations sacerdotales, si nécessaires à l’Église sur la terre africaine et dans le monde entier.

Que la Mère du Prêtre éternel leur porte un amour particulier. Que le Règne de Dieu grandisse au milieu de vous, comme le grain de sénevé qui, au commencement, est la plus petite de toutes les semences, mais qui grandit ensuite et devient un arbre[11].

L’Esprit du Seigneur est sur vous tous, Frères et Sœurs, pour vous annoncer un temps de grâce accordé par le Dieu vivant.

 


[1] Is 61, 1.

[2] Cf. Lc 4, 16-22.

[3] Is 61, 1.

[4] Mt 20, 22.

[5] Ibid. 20, 28.

[6] Ibid. 20, 27-28.

[7] Cf. He 5, 1.

[8] 2 Tm 4, 1-2.

[9] Ibid. 4, 4.

[10] Ibid. 4, 5.

[11] Cf. Mt 13, 31-32.

 



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