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CÉRÉMONIE DE BÉATIFICATION DES SERVITEURS DE DIEU
VICENTE SOLER ET SIX COMPAGNONS, MANUEL MARTÍN SIERRA,
NICOLAS BARRÉ ET ANNA SCHÄFFER

JEAN-PAUL II

HOMÉLIE

Dimanche 7 mars 1999

  

[en italien]

1. «Qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif» (Jn 4, 14). Aujourd'hui, troisième dimanche de Carême, la rencontre de Jésus avec la Samaritaine auprès du puits de Jacob constitue une catéchèse extraordinaire sur la foi. Aux catéchumènes qui se préparent à recevoir le Baptême et à tous les croyants en chemin vers la Pâque, l'Evangile montre aujourd'hui «l'eau vive» de l'Esprit Saint, qui régénère l'homme de l'intérieur, en le faisant renaître «d'en-haut» à la vie nouvelle.

L'existence humaine est un «exode», de l'esclavage à la terre promise, de la mort à la vie. Sur ce chemin, nous ressentons parfois l'aridité et la difficulté de l'existence: la pauvreté, la solitude, la perte de signification et d'espérance, au point qu'il peut nous arriver à nous aussi, comme aux Israélites en chemin, de nous demander: «Yahvé est-il au milieu de nous, ou non?» (Ex 17, 7).

Cette femme de Samarie elle aussi, si éprouvée par la vie, aura pensé de nombreuses fois: «Où est le Seigneur?». Jusqu'à ce qu'un jour, elle rencontre un Homme qui lui révèle, à elle, femme, et de surcroît samaritaine, c'est-à-dire doublement méprisée, toute la vérité. Dans un simple dialogue, Il lui offre le don de Dieu: l'Esprit Saint, source d'eau vive pour la vie éternelle. Il se manifeste à elle comme le Messie attendu et lui annonce le Père, qui veut être adoré en esprit et en vérité.

2. Les saints sont les «véritables adorateurs du Père»: hommes et femmes qui, comme la Samaritaine, ont rencontré le Christ et ont découvert, grâce à lui, le sens de la vie. Ils ont ressenti en première personne ce que dit l'Apôtre Paul dans la seconde Lecture: «L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné» (Rm 5, 5).

Chez les nouveaux bienheureux également, la grâce du baptême a apporté la plénitude de son fruit. Ils se sont à tel point abreuvés à la source de l'amour du Christ qu'ils en ont été profondément transformés et sont devenus à leur tour des sources débordantes pour étancher la soif des si nombreux frères et sœurs qu'ils ont rencontrés le long de la route de la vie.

[en espagnol]

3. «Ayant donc reçu notre justification de la foi, nous sommes en paix avec Dieu [... ] et nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu» (Rm 5, 1-2). Aujourd'hui, l'Eglise, en proclamant bienheureux les martyrs de Motril, place sur leurs lèvres ces paroles de saint Paul. En effet, Vicente Soler et ses six compagnons augustins récollets et Manuel Martín, prêtre diocésain, obtinrent à travers le témoignage héroïque de leur foi l'accès à la «gloire des fils de Dieu». Ils ne moururent pas au nom d'une idéologie, mais offrirent librement leur vie pour Quelqu'un qui était déjà mort auparavant pour eux. Ainsi, ils offrirent au Christ le don qu'ils avaient reçu de Lui.

Au nom de la foi, ces simples hommes de paix, loin du débat politique, travaillèrent pendant des années sur des territoires de mission, endurèrent de nombreuses souffrances aux Philippines, irriguèrent de leur sueur les champs du Brésil, de l'Argentine et du Venezuela, fondèrent des œuvres sociales et éducatives à Motril et dans d'autres parties de l'Espagne. Avec la force de la foi, au moment du martyre, ils affrontèrent la mort avec une âme sereine, réconfortant les autres condamnés et pardonnant à leurs bourreaux. Nous nous demandons: comment cela fut-il possible? et Saint Augustin nous répond: «car celui qui règne aux cieux soutenait l'esprit et la langue de ses martyrs et à travers eux, était vainqueur sur la terre» (Sermons, 329, 1-2).

Bienheureux soyez vous, martyrs du Christ! Que tous se réjouissent de l'honneur qui échoit à ces témoins de la foi. Dieu les aida dans leurs expériences douloureuses et leur conféra la couronne de la victoire. Puissent-ils inspirer tous ceux qui, aujourd'hui, œuvrent en Espagne et dans le monde en faveur de la réconciliation et de la paix!

[en français]

4. Le peuple qui campait dans le désert avait soif, comme nous le rappelle la première lecture, tirée du livre de l'Exode (cf. 17, 3). Le spectacle du peuple spirituellement assoiffé était aussi sous les yeux de Nicolas Barré, de l'Ordre des Minimes. Son ministère le mettait continuellement en contact avec des personnes qui, vivant dans le désert de l'ignorance religieuse, risquaient de s'abreuver à la source corrompue de certaines idées de leur temps. C'est pourquoi il ressentit le devoir de devenir un maître spirituel et un éducateur pour ceux qu'il rejoignait par son action pastorale. Pour élargir son rayon d'action, il fonda une nouvelle famille religieuse, les Sœurs de l'Enfant-Jésus, avec le devoir d'évangéliser et d'éduquer la jeunesse délaissée, afin de lui révéler l'amour de Dieu, de lui communiquer en plénitude la Vie divine et de contribuer à l'édification des personnes.

Le nouveau Bienheureux ne cessa d'enraciner sa mission dans la contemplation du mystère de lIncarnation, car Dieu étanche la soif de ceux qui vivent en intimité avec Lui. Il a montré qu'une action faite pour Dieu ne peut qu'unir à Dieu et que la sanctification passe aussi par l'apostolat. Nicolas Barré invite chacun à faire confiance à l'Esprit Saint, qui guide son peuple sur le chemin de l'abandon à Dieu, du désintéressement, de l'humilité, de la persévérance jusque dans les épreuves les plus rudes. Une telle attitude ouvre à la joie du cheminement vers l'expérience de l'action puissante du Dieu vivant.

[en allemand]

5. En tournant enfin notre regard vers la bienheureuse Anna Schäffer, la lecture de sa vie nous apparaît comme le commentaire vivant de ce que saint Paul a écrit aux Romains: «L'espérance ne déçoit point, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné» (Rm 5, 5).

Plus sa vie s'emplissait de souffrances, plus croissait en elle la conscience que la maladie et la faiblesse pouvaient être les lignes sur lesquelles Dieu écrit son Evangile. Elle appelait sa chambre «l'atelier de la douleur», pour pouvoir devenir toujours plus semblable à la Croix du Christ. Elle parlait de trois clés célestes, que Dieu lui avaient données: «La plus grande qui est en fer forgé et qui est la plus lourde, est ma souffrance. La seconde est l'aiguille et la troisième le porte-plume. C'est avec ces trois clés que je veux travailler chaque jour pour pouvoir ouvrir la porte du ciel».

C'est précisément dans une profonde douleur qu'Anna Schäffer devint consciente que chaque chrétien était responsable de la sainteté de son prochain. C'est dans ce but qu'elle utilisait son porte-plume. Son lit de malade devint le berceau d'un vaste apostolat épistolaire. Elle employait le peu de forces qui lui restaient pour réaliser des travaux de couture et donner ainsi un peu de joie aux autres. Dans ses lettres comme dans ses ouvrages manuels, son motif préféré était le cœur de Jésus comme symbole de l'amour de Dieu. A ce propos, il est frappant qu'elle représentait les flammes du cœur de Jésus non pas comme des langues de feu, mais comme des épis de blé. La référence à l'Eucharistie, qu'Anna Schäffer recevait chaque jour de son curé, est sans équivoque. Le cœur de Jésus, ainsi représenté, sera donc le symbole de la nouvelle bienheureuse.

[en italien]

6. Très chers frères et sœurs, rendons grâce à Dieu pour le don de ces nouveaux bienheureux! En dépit des épreuves de la vie, leur cœur ne s'est pas endurci, mais ils ont écouté la voix du Seigneur, et l'Esprit Saint les a remplis de l'amour de Dieu. Ils ont pu ainsi ressentir que l'«espérance ne déçoit point» (Rm 5, 5). Ils ont été comme des arbres plantés le long de cours d'eau qui, en temps utile, ont porté des fruits abondants (cf. Ps 1, 3).

C'est pourquoi, aujourd'hui, en admirant leur témoignage, toute l'Eglise proclame: Seigneur, tu es véritablement le Sauveur du monde, tu es la roche dont jaillit l'eau vive pour étancher la soif de l'humanité!

Seigneur, donne-nous toujours de cette eau, afin que nous connaissions le Père et que nous l'adorions en Esprit et en Vérité. Amen!

  



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