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   LETTRE DU PAPE
JEAN-PAUL II
AUX PRÊTRES
POUR LE JEUDI SAINT 19
93

   

 

1. " Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui, il le sera à jamais " (He 13, 8). Chers frères dans le sacerdoce du Christ, nous nous retrouvons aujourd’hui, membres de la communauté presbytérale de toutes les Églises avec les Pasteurs des diocèses, auprès des nombreux sièges épiscopaux du monde, et à notre esprit reviennent avec une force nouvelle ces paroles sur Jésus-Christ qui sont devenues le fil conducteur du cinq centième anniversaire de l’évangélisation du Nouveau Monde.

Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui, il le sera à jamais " : telles sont les paroles qui désignent le Prêtre unique et éternel, le Prêtre qui " entra une fois pour toutes dans le sanctuaire… avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle " (He 9, 12). Nous voici parvenus au " Triduum sacré " de la sainte liturgie de l’Église, ces jours où, avec un esprit de vénération et d’adoration plus profondes, nous renouvelons la Pâque du Christ, " son heure " (cf. Jn 2, 4 ; 13, 1) qui n’est autre que le moment béni de la " plénitude des temps " (Ga 4, 4).

Cette " heure " de la rédemption du Christ continue, dans l’Église, à être source de salut grâce à l’Eucharistie, et c’est aujourd’hui précisément que l’Église rappelle son institution au cours de la dernière Cène. " Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous " (Jn 14, 18). " L’heure " du Rédempteur, " heure " de son passage de ce monde au Père, " heure " qu’il désigne lui-même en disant : " Je m’en vais et je reviendrai vers vous " (Jn 14, 28). C’est à travers son " chemin pascal " qu’il vient sans cesse et qu’il est sans cesse présent parmi nous, par la force de l’Esprit Paraclet. Il est présent de manière sacramentelle. Il est présent par l’Eucharistie. Il est réellement présent.

Et nous, chers frères, nous avons reçu à la suite des Apôtres ce don ineffable de manière à pouvoir être les ministres de ce départ du Christ par la Croix et, en même temps, de sa venue grâce à l’Eucharistie. Qu’il est grand pour nous, ce saint Triduum ! Qu’il est grand pour nous, ce jour, le jour de la dernière Cène ! Nous sommes les ministres du mystère de la rédemption du monde, ministres du Corps offert et du Sang versé pour la rémission de nos péchés. Ministres du sacrifice par lequel Lui, l’Unique, est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire : " En s’offrant lui-même sans tache à Dieu, il purifie notre conscience des œuvres mortes, pour que nous servions le Dieu vivant " (cf. He 9, 14).

Si tous les jours de notre vie sont marqués par ce grand mystère de la foi, ce jour-ci l’est de manière particulière. C’est le jour où nous sommes avec lui.

2. En ce jour, nous nous retrouvons tous ensemble, dans nos communautés sacerdotales, afin que chacun puisse contempler plus profondément le mystère de ce sacrement qui nous a fait devenir ministres, dans l’Église, de l’offrande sacerdotale du Christ. Nous sommes devenus, en même temps, serviteurs du sacerdoce royal de tout le peuple de Dieu, de tous les baptisés, pour annoncer les " magnalia Dei ", les " merveilles de Dieu " (Ac 2, 11).

Cette année, il est bon d’inclure dans notre action de grâce une reconnaissance particulière pour le don du Catéchisme de l’Église catholique. Ce texte, en effet, est également une réponse à la mission confiée par le Seigneur à son Église : garder le dépôt de la foi et le transmettre dans son intégralité aux générations successives, d’une manière attentive, assurée et affectueuse.

Fruit d’une féconde collaboration de tout l’épiscopat de l’Église catholique, il nous est confié d’abord à nous, pasteurs de Peuple de Dieu, pour resserrer nos liens de profonde communion dans la même foi venue des Apôtres. Résumé de la foi catholique unique et perpétuelle, il constitue un instrument valable et autorisé, témoin et garant de l’unité dans la foi pour laquelle le Christ lui-même, à l’approche de son " heure ", a adressé au Père une prière (cf. Jn 17, 21-23).

Parce qu’il propose à nouveau le contenu fondamental et essentiel de la foi et de la morale catholiques, tel qu’il est aujourd’hui l’objet de l’adhésion, de la célébration, de l’expérience vécue et de la prière de l’Église, le Catéchisme est un moyen privilégié pour approfondir la connaissance de l’inépuisable mystère chrétien, pour donner un nouvel élan à une prière intimement unie à celle du Christ, pour encourager l’engagement à rendre un témoignage cohérent par sa vie.

En même temps, ce Catéchisme nous est donné comme un point de référence sûr pour l’accomplissement de la mission qui nous a été confiée lorsque nous avons reçu le sacrement de l’Ordre : annoncer au nom du Christ et de l’Église la " Bonne Nouvelle " à tous les hommes. Grâce à lui, nous pouvons mettre en œuvre, de manière toujours renouvelée, le commandement permanent du Christ : " Allez donc, de toutes les nations faites des disciples… leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit " (Mt 28, 19-20).

Dans ce résumé synthétique du dépôt de la foi, nous pouvons en effet trouver une norme authentique et sûre pour l’enseignement de la doctrine catholique, pour l’activité catéchétique au bénéfice du peuple chrétien, pour la nouvelle évangélisation dont le monde d’aujourd’hui a un profond besoin.

Chers prêtres, si nous sommes enracinés dans la vérité du Christ, notre vie et notre ministère deviendront, par eux-mêmes, d’éloquentes catéchèses pour toute la communauté qui nous est confiée. Notre témoignage, dès lors, ne sera plus isolé, mais, à l’unisson de tous, il sera rendu par des personnes unies dans une même foi et communiant à la même coupe. Telle est la " contagion " de vie à laquelle nous devons tendre tous ensemble, dans une communion effective et affective, pour réaliser la " nouvelle évangélisation " qui se fait toujours plus urgente.

3. Réunis le Jeudi saint dans toutes les communautés sacerdotales de l’Église sur la terre entière, nous rendons grâce pour le don du sacerdoce du Christ auquel nous participons par le sacrement du l’Ordre. Dans cette action de grâce, nous voulons inclure le thème du " Catéchisme ", parce que son contenu et son objectif sont liés de manière particulière à notre vie sacerdotale et au ministère pastoral dans l’Église.

Voici que, sur le chemin qui la mène vers le grand Jubilé de l’an 2000, l’Église est parvenue à élaborer, après le Concile Vatican II, le résumé de la doctrine de la foi et de la morale, de la vie sacramentelle et de la prière. Cette synthèse peut apporter de multiples manières un soutien à notre ministère sacerdotal. Elle peut également illuminer la conscience apostolique de nos frères et de nos sœurs qui, conformément à leur vocation chrétienne, désirent avec nous rendre raison de l’espérance (cf. 1 P 3, 15) qui nous fait revivre ensemble dans le Christ Jésus.

Le Catéchisme présente la " nouveauté du Concile ", tout en la replaçant dans l’ensemble de la Tradition ; c’est un Catéchisme tellement nourri des trésors de la Sainte Ecriture, puis des Pères et des Docteurs de l’Église de ces deux millénaires, qu’il permet à chacun de nous de devenir semblable à l’homme de la parabole évangélique " qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien " (Mt 13, 52), les richesses anciennes et toujours nouvelles du Dépôt divin.

Ravivant en nous la grâce du sacrement de l’Ordre, conscients de ce que signifie pour notre ministère sacerdotal le " Catéchisme de l’Église catholique ", nous confessons dans l’adoration et l’amour Celui qui est " la Voie, la Vérité et la Vie " (Jn 14, 6).

Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui, il le sera à jamais ".

Du Vatican, le 8 avril 1993, Jeudi saint, en la quinzième année de mon Pontificat.

IOANNES PAULUS II

 


" Afin d’aider à l’approfondissement des problèmes qui concernent la spiritualité du prêtre de notre époque, le Saint-Père a décidé de joindre à la présente Lettre le texte des réflexions et de la prière qu’il a prononcées à la fin de sa rencontre avec les présidents des Conférences épiscopales d’Europe, le 1er décembre 1992, au Vatican " (cf. DC 1993, n. 2064, p. 59 [§ 5c] - 61).

***

Au terme de cette réunion qui nous conduit à approfondir la communion et la solidarité ecclésiales, je veux partager avec vous quelques réflexions, en marge du Synode des évêques de 1990, et conclure par une prière, pour confier au Seigneur toutes nos préoccupations pastorales, et en particulier l’engagement de nos collaborateurs dans le sacerdoce, ainsi que leur fidélité à l’appel au service du Royaume de Dieu, dans une consécration totale.

Le célibat sacerdotal

Les paroles qui concernent le célibat pour le Royaume des cieux sont liées à l’explication que le Christ fournit à ses Apôtres : " Tous ne peuvent le comprendre, mais seulement ceux à qui cela a été donné " (Mt 19, 11). Sous cette forme évangélique, le célibat est un don pour la personne et, en elle et grâce à elle, pour l’Eglise.

Le Synode des évêques de 1990 a encore une fois invité à mettre ce don en valeur, et encore une fois exprimé la volonté que celui-ci demeure l’héritage de l’Église latine, pour le bien de sa mission. Cela a été exprimé dans l’Exhortation post-synodale Pastores dabo vobis. Ce document contient une synthèse des déclarations des Pères synodaux, dont sont citées les propositions finales. Mais qui a participé au Synode ne peut oublier la série de témoignages individuels des évêques du monde entier sur la grande valeur du célibat sacerdotal ; ils ont donné d’une façon substantielle le " ton " du Synode.

Il ne peut y avoir d’autre conséquence que celle-ci : la foi et la confiance que " celui qui a commencé en nous cette œuvre bonne la portera à son achèvement " (cf. Ph 1, 6). De notre part, est donc requise une entière confiance dans le divin Donateur des dons spirituels. Cette confiance est particulièrement importante là où l’Église est exposée au risque d’une épreuve particulière en ce qui concerne les vocations. Dans un monde marqué par une sécularisation croissante, ces épreuves sont le fruit d’un climat général. Il est souvent difficile de se soustraire à l’influence qui procède ici d’une stratégie spécifique ayant entre autres comme but d’éloigner l’Église de la fidélité à son Seigneur et Époux.

Cependant, lui-même est fidèle à son Alliance, et il a aussi la force de travailler par le Saint-Esprit, qui permet de vaincre l’esprit de ce monde et de considérer le célibat pour le Royaume de Dieu comme un choix de vie contre les faiblesses et les stratégies humaines. Il faut seulement que nous ne nous découragions pas et que nous ayons le souci de ne pas créer autour de cette vocation et de ce choix un climat de découragement. L’Église catholique estime les autres traditions, particulièrement celles des Églises d’Orient, mais elle veut rester fidèle au charisme qu’elle a reçu et accueilli de son Seigneur et Maître. Cette fidélité et cette prière ardente ouvriront la voie au sacerdoce jusque dans les conditions les plus défavorables.

J’écris ces paroles en marge de l’Exhortation Pastores dabo vobis ; elles contiennent, en même temps, l’exhortation la plus vive adressée à toute l’Église et, d’une façon particulière, à ses pasteurs. La tradition séculaire, confirmée par Vatican II et ensuite par les Synodes, en particulier par le dernier, consacré à la formation sacerdotale, nous place tous devant l’exigence de la fidélité et de la confiance au " Maître de la moisson " (Mt 9, 38). Dans le contexte de l’Église universelle, la solidarité des Pasteurs permettra de trouver une solution grâce à un " échange des dons " entre les Églises qui souffrent du manque des vocations et celles qui peuvent leur offrir une aide. En effet, le Christ a dit : " À ceci tous sauront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres " (Jn 13, 35). La solidarité des Pasteurs réside précisément dans cet amour communautaire qui sait offrir et accueillir le don.

Prière au Maître de la moisson

Pastores dabo vobis "… Avec ces mots, toute l’Église se tourne vers Toi, qui es le " Maître de la moisson ", demandant des ouvriers pour ta moisson qui est immense (cf. Mt 9, 38). Bon Pasteur, jadis, Tu as toi-même envoyé les premiers ouvriers à ta moisson. Ils étaient Douze. Or, après deux mille ans, leur voix s’est répandue jusqu’aux confins de la terre, et nous ressentons plus encore le besoin de prier, afin qu’ils ne manquent pas de successeurs en notre temps – que ne manquent pas, en particulier, ceux qui, par le sacerdoce ministériel, construisent l’Église grâce à la puissance de la Parole de Dieu et des sacrements ; ceux qui, en ton Nom, sont les ministres de l’Eucharistie qui fait croître sans cesse l’Église, qui est ton Corps.

Nous te remercions, car la crise temporaire des vocations, dans le contexte de l’Église universelle, est en voie d’être surmontée. Avec une grande joie, nous assistons au processus d’une reprise numérique des vocations, dans les différentes parties du globe : dans les jeunes Églises, mais aussi dans les nombreux pays qui ont une longue tradition chrétienne, multi-séculaire, ainsi que là où, en notre siècle, l’Église a subi de multiples persécutions. Mais avec une ferveur particulière, nous faisons monter notre prière, en pensant à cette société où domine un climat de sécularisation, où l’esprit de ce monde fait obstacle à l’action du Saint-Esprit, si bien que la semence jetée dans l’âme des jeunes, ou bien ne prend pas, ou bien ne se développe pas. Pour ces sociétés, précisément, nous élevons davantage encore notre supplication : " Envoie ton Esprit, et renouvelle la face de la terre ".

L’Église te rend grâces, ô divin Époux, de ce que, depuis les temps les plus anciens, elle a su accueillir l’appel au célibat consacré pour la cause du Royaume de Dieu ; parce que, depuis des siècles, elle conserve en elle le charisme du célibat sacerdotal. Nous te remercions pour le Concile Vatican II et pour les récents Synodes des évêques qui, confirmant ce charisme, l’ont indiqué comme une voie juste pour l’Église de l’avenir. Nous sommes conscients de la grande fragilité des vases dans lesquels nous portons ce trésor, mais nous croyons en la force de l’Esprit Saint qui opère par la grâce du sacrement en chacun de nous. Avec plus de ferveur encore, nous demandons de savoir collaborer avec cette force de façon persévérante.

Nous te demandons, à Toi qui es l’Esprit du Christ Bon Pasteur, de demeurer fidèles à cet héritage particulier de l’Église latine. " N’éteignez pas l’Esprit " (1 Th 5, 19) – nous dit l’Apôtre. Nous te demandons donc de ne pas tomber dans le doute et de ne pas semer le doute chez les autres, de ne pas devenir – Dieu nous en garde ! – des partisans de choix différents et d’une spiritualité autre pour la vie et le ministère sacerdotaux. Saint Paul dit encore : " Et ne contristez pas l’Esprit Saint de Dieu… " (Ep 4, 30).

Pastores dabo vobis !

Nous Te prions de pardonner toutes nos fautes qui regardent la réalisation de ce saint ministère, qui est ton sacerdoce dans notre vie. Nous Te demandons de savoir collaborer d’une façon persévérante à cette " grande moisson ", de savoir faire tout le nécessaire pour le réveil et la maturation des vocations. Nous Te demandons, par-dessus tout, de nous aider à prier avec constance. Toi-même a dit, en effet : " Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson " (Mt 9, 38).

Face à ce monde qui montre de diverses manières son indifférence aux propositions du Royaume de Dieu, que nous accompagne la certitude que Toi, le Bon Pasteur, tu as infusé dans le cœur des Apôtres : " Gardez la foi, car j’ai vaincu le monde ! " (Jn 16, 33). Ce monde qui est – en dépit de tout – celui-là même que le Père a tant aimé, au point de Te donner à nous, Toi, son Fils unique (cf. Jn 3, 16).

Mère du divin Fils, Mère de l’Église, Mère de tous les peuples, prie avec nous ! Prie pour nous !

 



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