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DISCOURS DE JEAN-PAUL II
À LA XIIIe COMMISSION PONTIFICALE "JUSTICE ET PAIX"

Salle du Trône
Samedi, 9 février 1980

 

1. C’est avec joie que je vous salue tous ici ce matin, membres de la Commission pontificale « Justice et Paix » et membres de son secrétariat, qui avez participé à la XIIIe Assemblée générale de la Commission, qui est aussi la troisième après l’approbation définitive de ses statuts.

Venus de différents continents, vous avez consacré ces jours, hors de Rome, à une réflexion commune approfondie, où chacun a contribué à la compréhension des problèmes à l’ordre du jour en apportant l’expérience de sa propre vie, celle de sa patrie, de l’Eglise dans son pays et de sa propre culture.

2. Je me rappelle encore très bien notre première rencontre, quelques mois après mon élection au Siège de Pierre. A cette occasion, je vous ai dit: « Je compte sur vous, je compte sur la Commission pontificale "Justice et Paix" pour m’aider et pour aider l’Eglise entière à redire aux hommes de ce temps... "N’ayez pas peur! ... Ouvrez toutes grandes les portes au Christ!" » [1]. Je veux répéter aujourd’hui encore que je compte sur vous tous, et je sais que vous désirez apporter cette aide à moi-même et à toute l’Eglise.

Il s’agit d’une tâche noble qui est avant tout un service. En effet, cette Commission a été établie pour cela: être au service du Pape, des Evêques, et donc de toute l’Eglise. Ce service que vous rendez à l’Eglise au sein de la Curie romaine est une raison de légitime fierté et de joie intérieure; c’est aussi une raison de gratitude envers Dieu dont nous sommes tous les serviteurs, et envers le Christ « le centre du Cosmos et de l’histoire » [2], et donc centre de notre vie, de nos efforts et de notre travail.

3. Au cours de votre rencontre à Nemi, vous avez discuté de plusieurs sujets qui revêtent un intérêt particulier pour l’Eglise et pour le monde de nos jours. Vous avez de nouveau examiné, de manière spéciale, le thème fondamental qui est une des raisons d’être de votre Commission, le développement. Il s’agit d’une réalité en constante évolution au cours des dix dernières années, posant des problèmes qui doivent être abordés à chaque reprise dans un contexte bien différent, bien que cette réalité ne cesse jamais de se référer aux exigences fondamentales que sont le bien des personnes et celui de la société. Je sais que vous avez abordé cette discussion pour percevoir la parole propre que l’Eglise pourra offrir comme contribution au débat dans lequel sont engagés tant de personnes, de groupes et de sociétés si divers.

En ce qui concerne le développement, je veux rappeler ici ce que j’ai dit à la vingtième Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) au mois de novembre dernier: « Mais le perfectionnement de la personne suppose... la réalisation concrète des conditions sociales qui constituent le bien commun de chaque communauté politique nationale comme de l’ensemble de la communauté internationale. Un tel développement collectif, organique et continu, est le présupposé indispensable pour assurer l’exercice concret des droits de l’homme, aussi bien de ceux qui ont un contenu économique que de ceux qui concernent directement les valeurs spirituelles. Un tel développement requiert cependant, pour être l’expression d’une véritable unité humaine, d’être obtenu en faisant appel à la participation libre et à la responsabilité de tous, dans le domaine public comme dans le domaine privé, au niveau intérieur comme au niveau international » [3].

4. Au moment où s’annonce la Troisième Décennie du Développement, proclamée par les Nations Unies, au moment aussi où tant de peuples se voient confrontés à des problèmes écrasants concernant leur avenir économique et social, l’Eglise ne peut se dérober à son devoir d’être présente, de témoigner par sa parole, de tendre la main pour aider. Elle le fera, car elle sait être la voix évangélique qui proclame toujours que la mesure de tout développement réel est l’intégrité et le respect de la personne humaine.

Cette parole d’Eglise, et la préoccupation de tous les chrétiens, devront être toujours l’expression de l’inspiration évangélique. Alors, l’Eglise encouragera les forces vives de la société à mettre en œuvre les ressources disponibles pour parvenir à la solution des problèmes de développement, problèmes qui sont devenus d’une complexité inconnue jusqu’ici. Elle offrira sa contribution en fonction de sa propre mission et en accord avec elle. Mon grand prédécesseur, le Pape Paul VI, mettait en lumière cette exigence évangélique quand il disait, dans l’Exhortation Apostolique « Evangelii Nuntiandi », que « l’évangélisation ne serait pas complète si elle ne tenait pas compte des rapports concrets et permanents qui existent entre l’Evangile et la vie, personnelle et sociale, de l’homme. C’est pourquoi, disait-il, l’évangélisation comporte un message explicite, adapté aux diverses situations, constamment actualisé, sur les droits et les devoirs de toute personne humaine... sur la vie en commun dans la société, sur la vie internationale, la paix, la justice, le développement » [4].

5. Telle est la voie pour définir, à chaque étape et dans le contexte de chaque situation nouvelle, le rôle et la contribution de l’Eglise dans le domaine du développement. Guidés par cette parole, nous pouvons tous chercher, vous et moi, à exprimer en termes clairs le message de l’Evangile pour les hommes qui vivent aujourd’hui dans des conditions qui ont profondément évolué.

Un des facteurs déterminants, dans le nouveau, contexte du développement, est l’interaction entre les problèmes du développement et les menaces contre la paix, que prennent à l’heure actuelle des formes nouvelles et très réelles. J’ai eu l’occasion de rappeler devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, le 2 octobre dernier, la règle constante de l’histoire de l’homme qui indique la relation étroite existant entre les droits de l’homme, le développement et la paix: « Cette règle est fondée sur le rapport entre les valeurs spirituelles et les valeurs matérielles ou économiques. Dans ce rapport, le primat appartient aux valeurs spirituelles par égard pour la nature même de ces valeurs et aussi pour des motifs qui concernent le bien de l’homme. Le primat des valeurs de l’esprit définit la signification des biens terrestres et matériels ainsi que la manière de s’en servir, et se trouve par le fait même à la base de la juste paix. Ce primat des valeurs spirituelles, par ailleurs, contribue à faire que le développement matériel, le développement technique et le développement de la civilisation soient au service de ce qui constitue l’homme, autrement dit qu’ils lui permettent d’accéder pleinement à la vérité, au développement moral, à la possibilité de jouir totalement des biens de la culture dont nous héritons, et à la multiplication de ces biens par notre créativité » [5].

6. Dans mon message pour la Journée mondiale de la Paix, j’ai parlé des menaces qui trouvent leur origine dans toutes les formes de « non-vérité ». La paix est menacée quand « règne l’incertitude, le doute et le soupçon » [6]. L’incertitude et le mensonge créent un climat qui affecte les efforts visant à réaliser, dans la paix et la fraternité, le plein développement des peuples, des personnes, et des sociétés. Un tel climat existe de nos jours en de nombreux domaines de la vie collective et risque d’affecter la pensée et l’action de ceux qui s’efforcent d’assurer à chaque homme et à chaque femme un avenir meilleur. Les nations ont donc le devoir de revoir sans cesse leurs positions afin de s’engager dans un mouvement qui aille « d’une situation moins humaine à une situation plus humaine, dans la vie nationale comme dans la vie internationale » [7]. Ceci exige d’être capable de renoncer aux slogans et aux expressions stéréotypées pour chercher et affirmer la vérité, qui est la force de la paix. Ceci signifie aussi être prêt à placer, à la base et au cœur de tout souci politique, social ou économique, l’idéal de la dignité de la personne humaine: « Tout être humain possède une dignité qui, bien que la personne existe toujours dans un contexte social et historique concret, ne pourra jamais être diminuée, blessée ou détruite, mais qui, au contraire, devra être respectée et protégée, si on veut réellement construire la paix » [8].

7. Les ravages de la « non-vérité » se manifestent de manière aiguë dans l’actualité avec les menaces de guerre qui persistent ou qui se manifestent à nouveau; mais ils sont visibles aussi dans bien d’autres domaines, tels ceux de la justice, du développement et des droits de l’homme. Comme je l’ai dit dans mon encyclique « Redemptor Hominis » [9], l’homme moderne semble menacé par ses propres créations et risque de perdre le vrai sens de la réalité et la vraie signification des choses, s’aliénant dans ses propres productions parce qu’il ne ramène pas constamment toutes choses à une vision centrée sur la dignité, l’inviolabilité et le caractère sacré de la vie humaine et de tout être humain.

C’est ici que se manifeste l’importance de votre tâche et de votre travail en tant que membres de la Commission pontificale « Justice et Paix ». C’est à vous de chercher à présenter, dans les relations sociales, aux hommes de notre temps, l’idéal de l’amour. Cet amour social doit constituer le contrepoids à l’égoïsme, à l’exploitation, à la violence; il doit être la lumière d’un monde dont la vision risque d’être obscurcie constamment par les menaces de la guerre, par l’exploitation économique ou sociale, par la violation des droits humains; il doit conduire à la solidarité active avec tous ceux qui veulent promouvoir la justice et la paix dans le monde. Cet amour social doit renforcer le respect pour la personne et sauvegarder les valeurs authentiques des peuples et des nations comme de leurs cultures. Pour nous, le principe de cet amour social, de la sollicitude de l’Eglise pour l’homme, se trouve en Jésus-Christ lui-même, comme en témoignent les évangiles.

A tous, à vous, cher Monsieur le Cardinal, qui êtes un témoin infatigable de l’amour du Christ pour tous les peuples, à vous, chers Frères dans l’épiscopat, et à vous tous, membres de la Commission pontificale « Justice et Paix » et du secrétariat, je donne de grand cœur ma bénédiction, en vous assurant que je recommande votre travail au Seigneur: je lui demande de bénir lui-même et de faire fructifier vos généreux efforts.


[1] Alloc. à la Commission "Justice et Paix", 22 novembre 1978, AAS 71 (1979), 26.

[2] Redemptor Hominis, n.1.

[3] Cf. L'Osservatore Romano, 12-13 novembre 1979.

[4] N. 29.

[5] N. 14.

[6] Message pour la célébration de la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier 1980, AAS 71, 1572, n.4.

[7] Ibid. n. 8.

[8] Discours à la XXXIVe Assemblée générale de l'ONU, 2 octobre 1979, n. 12.

[9] Cf. n.15.

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