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PÈLERINAGE APOSTOLIQUE EN AFRIQUE
(2-12 MAI 1980)

DISCOURS DE JEAN PAUL II
À L'ARCHIDIOCÈSE DE KINSHASA
ET
ACTE DE CONSÉCRATION À LA MÈRE DU CHRIST

Kinshasa (Zaïre)
Vendredi, 2 mai 1980

 

Loué soit Jésus-Christ!
Que Dieu notre Père et Jésus-Christ notre Seigneur vous donnent la grâce et la paix!
Que l’Esprit Saint soit votre joie!

1. Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

Votre Archevêque, le cher Cardinal Joseph Malula, vient de me souhaiter la bienvenue au nom de vous tous, évêques, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes et laïcs de l’archidiocèse de Kinshasa et des autres communautés catholiques du Zaïre. Je le remercie vivement. Il a évoqué la vitalité de l’Eglise qui est au Zaïre, une vitalité que l’Eglise de Rome connaît et apprécie. Et moi, Evêque de Rome, j’avais un grana désir de venir jusqu’à vous.

Je viens comme Serviteur de Jésus-Christ, le Chef invisible de l’Eglise. Je viens comme Successeur de l’Apôtre Pierre, auquel Jésus a dit: “Affermis tes frères”, puis, par trois fois: “Sois le pasteur de mes agneaux... sois le pasteur aussi de mes brebis”[1], c’est-à-dire de tout le troupeau de mes disciples. Par la volonté de Dieu, malgré mon indignité, j’ai hérité à mon tour de cette charge, qui est celle du Pape, c’est-à-dire du Père, celle du Vicaire du Christ sur la terre, qui préside à l’unité dans la foi et la charité.

2. Tout d’abord, je rends grâce à Dieu avec vous pour tout ce qu’il a réalisé au Zaïre pendant cent ans. Je viens aujourd’hui célébrer avec vous le centenaire de l’évangélisation, regarder avec vous le chemin parcouru, un chemin qui a connu des difficultés et des peines, des joies et des espérances.

Un chemin de grâces! Le centenaire nous permet de mieux mesurer en quelque sorte les bienfaits du Seigneur et les mérites de vos prédécesseurs. Et de prendre appui sur cette histoire chrétienne pour un nouvel élan.

Il y a juste un siècle, en effet, quelques missionnaires, brûlant d’amour pour le Christ et pour vous, venaient partager avec vous la foi qu’ils avaient eux-mêmes reçue; ils ont voulu, dès le début, implanter l’Eglise, faire naître une Eglise locale, avec les Africains. La moisson fut grande. Vos pères ont accueilli la Parole de Dieu avec générosité et enthousiasme. Aujourd’hui l’arbre de l’Eglise s’est solidement enraciné dans ce pays; ses branches s’étendent dans toute la contrée. La foi est devenue le lot d’un nombre considérable de citoyens et de citoyennes du Zaïre. De vos familles zaïroises sont issus des évêques, des prêtres, des religieuses, des catéchistes, des laïcs engagés, qui encadrent ou soutiennent vos communautés. Et l’Evangile a imprimé sa marque dans la vie et dans les mœurs. Dieu soit loué! Et bénis soient tous ceux qui ont fait fleurir cette Eglise, ceux qui sont venus de loin et ceux qui sont nés dans ce pays! Bénis soient ceux qui la guident aujourd’hui!

3. Chers amis, vous avez vécu une première grande étape, une étape irréversible. Une nouvelle étape vous est ouverte, non moins exaltante, même si elle comporte nécessairement de nouvelles épreuves, et peut-être des tentations de découragement. C’est celle de la persévérance, celle où il faut poursuivre l’affermissement de la foi, la conversion en profondeur des âmes, des façons de vivre, afin qu’elles correspondent toujours mieux à votre sublime vocation chrétienne; sans compter l’évangélisation qu’il faut continuer vous-mêmes dans des secteurs ou des milieux où l’Evangile est encore ignoré. Comme saint Pierre l’écrivait aux premières générations de convertis dans la Dispersion, je vous dis: “Soyez vigilante... à l’exemple du Saint qui vous a appelés, soyez saints vous aussi dans toute votre conduite”[2].

C’est ainsi que l’Eglise qui est au Zaïre atteindra sa pleine maturité chrétienne et africaine.

4. Je sais que vos évêques - qui sont vos Pasteurs et vos Pères - vous guident avec lucidité et courage sur ces chemins du Royaume de Dieu, comme en témoignent les Exhortations, Lettres ou Appels qu’ils vous ont adressés personnellement ou collégialement. Je viens affermir et encourager le ministère de ces évêques qui sont mes frères. Mais en même temps, je viens encourager tous les chrétiens et chrétiennes de Kinshasa et du Zaïre.

Je suis heureux que ma première rencontre, en cette cathédrale, soit avec les prêtres, les religieux, les religieuses, les séminaristes. Dans l’édification de l’Eglise, vous avez une place de choix. Votre ordination, votre consécration religieuse, votre appel au sacerdoce sont des grâces inestimables.

Remerciez le Seigneur! Servez-le dans la joie, la simplicité et la pureté de cœur. Vous êtes destinés, plus que les autres disciples du Christ, à être, le sel qui donne saveur, et la lumière qui brille; j’ai désiré avoir un entretien prolongé avec les prêtres, puis avec les religieuses, au cours des journées qui viennent. Mais dès ce soir, je vous salue avec toute mon affection. Mon premier mot est un mot de réconfort, dans la note d’action de grâces qui convient à un centenaire.

Prêtres, soyez heureux d’être ministres du Christ, annonciateurs de sa Parole et dispensateurs de ses mystères: Imitamini quod tractatis, “vivez ce que vous accomplissez”. Soyez des éducateurs de la foi, des hommes de prière, ayez le zèle et l’humilité du serviteur, vivez votre consécration totale au Royaume de Dieu dont votre célibat est le signe.

Religieux et religieuses, soyez heureux d’avoir donné tout votre amour au Christ et de servir l’Eglise, vos frères et sœurs en toute disponibilité. Avec toutes les personnes consacrées du Zaïre, laissez le Christ saisir vos vies, afin de devenir des témoins transparents pour le peuple de Dieu et pour les hommes de bonne volonté. Je pense à votre Sœur, Zaïroise, qui vous a précédés, en laissant un lumineux exemple de pureté et de courage dans la foi, la Servante de Dieu, Sœur Anwarite, que, j’espère, l’Eglise pourra bientôt béatifier.

Et vous, prêtres, religieux, religieuses et laïcs venus d’autres pays comme missionnaires, et qui continuez à coopérer aux divers services de l’Eglise en ce pays, soyez heureux d’être ici où votre entraide est précieuse et nécessaire, et où vous êtes témoins de l’Eglise universelle. Poursuivez ce service amical et désintéressé, sous la conduite des Pasteurs zaïrois qui sauront accueillir tous les prêtres à part entière dans leur presbyterium.

Séminaristes, soyez heureux de répondre à l’appel du Maître qui ne déçoit pas. Accueillez la pédagogie du Christ qui a formé tant de vos aînés. Préparez-vous en assimilant à fond la doctrine solide et la discipline de vie qui vous permettront d’être à votre tour des guides spirituals. Je souhaite que beaucoup suivent vos traces. Les vocations sacerdotales sont la preuve de la vitalité et la maturité d’une Eglise locale qui devient ainsi capable de prendre en mains la responsabilité de l’œuvre de l’Evangile, en donnant au message évangélique et à la mission de l’Eglise leur pleine authenticité chrétienne et africaine.

Je ne veux pas oublier les laïcs chrétiens que je rencontrerai aussi: pères et mères de famille, animateurs de petites communautés catéchistes, éducateurs, laïcs engagés, étudiants et jeunes de Kinshasa ou des autres cités ou villages. Qu’ils soient heureux et fiers de leur foi! Partout où ils travaillent, qu’ils soient les témoins de l’Amour du Christ qui les a aimés le premier! Et qu’ils poursuivent un apostolat où ils sont irremplaçables!

5. Je dois vous faire à tous la recommandation que l’Apôtre saint Paul exprimait dans toutes ses lettres, lui qui visitait tant de premières communautés chrétiennes. C’est celle qui a suscité la dernière prière de Jésus après la Cène: “Que tous soient un”. Oui, bannissez toute division, vivez dans l’unité qui plaît à Dieu et qui fait votre force, autour de vos prêtres. Et que les prêtres soient unis dans un même presbyterium autour de leurs évêques. Manifestez un accueil bienveillant et une réelle collaboration entre vous, Zaïrois et Zaïroises, et avec les étrangers venus partager votre vie.

L’Eglise, c’est une famille, d’où personne n’est exclu.

En recevant votre témoignage, je vous apporterai à mon tour celui de l’Eglise qui est à Rome, et celui de l’Eglise universelle qui a son centre à Rome. C’est une seule famille. Aucune communauté ne vit fermée sur sol: elle se relie à la grande Eglise, à l’unique Eglise. Votre Eglise a été greffée sur le grana arbre de l’Eglise, où, durant cent ans, elle a puisé sa sève, ce qui lui permet maintenant de donner ses fruits à elle et de devenir elle-même missionnaire auprès des autres. Votre Eglise devra approfondir sa dimension locale, africaine, sans jamais oublier sa dimension universelle. Je sais votre attachement fervent au Pape. Aussi je vous dis: par lui, demeurez unis à toute l’Eglise.

Et maintenant, je vous invite à tourner avec moi, vos regards et vos cœurs vers la Vierge Marie.

6. Permettez-moi, en effet, en cette année où vous rendez grâce à Dieu pour le centenaire de l’évangélisation et du baptême de votre pays, de me référer à la tradition que nous trouvons au début de ce siècle, au début de l’évangélisation en terre africaine.

Les missionnaires qui venaient pour annoncer l’Evangile commençaient leur service missionnaire par un acte de consécration à la Mère du Christ.

Ils s’adressaient à elle de cette façon:

“Voici que nous nous trouvons parmi ceux qui sont nos frères et nos cœurs, et que ton Fils, o Vierge Marie, a aimés jusqu’à la fin. Par amour, il a offert sa vie pour eux sur la croix; par amour, il demeure dans l’Eucharistie pour être la nourriture des âmes; par amour, il a fondé inébranlable dans laquelle on trouve le salut. Tout cela, ces frères et ces sœurs au milieu desquels nous arrivons ne le savent pas encore; ils ne connaissent pas encore la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Mais nous, nous croyons profondément que leurs cœurs et leurs consciences sont préparés à accueillir l’Evangile du salut par l’œuvre du sacrifice du Christ, et aussi grâce à ton intercession maternelle et à la médiation.

Nous croyons que, lorsque le Christ, du haut de la croix, t’a donné chaque homme comme fils, en la personne de son disciple saint Jean, tu as accepté aussi comme fils et comme filles ces frères et ces sœurs auxquels sa sainte Eglise nous envoie maintenant, nous, comme missionnaires.

Aide-nous à accomplir le mandat missionnaire de ton Fils sur cette terre; aide-nous à accomplir ici la mission salvifique de l’Evangile et de l’Eglise. Nous te consacrons tous ceux-là que l’Esprit de Jésus-Christ désire illuminer de la lumière de la foi et en qui il veut allumer le feu de son amour.

Nous te consacrons leurs familles, leurs tribus, les communautés et sociétés qu’ils forment, leur travail, leurs joies et leurs souffrances, leurs villages et leurs cités. A toi, nous te consacrons tout, nous te les consacrons tous. Accueille-les dans cet Amour éternel dont tu as été la première servante, et daigne guider, tout indigne qu’il soit, le service apostolique que nous commençons”.

7. Aujourd’hui, cent ans ont passé depuis ces commencements. Au moment où l’Eglise, dans ce pays du Zaïre, rend grâce à Dieu dans la Sainte Trinité pour les eaux du saint baptême qui ont donné le salut à tant de ses fils et de ses filles, permets, ô Mère du Christ et Mère de l’Eglise, que moi, le Pape Jean-Paul II, à qui il est donné de participer à ce jubilé, je rappelle et que je renouvelle en même temps cette consécration missionnaire qui a eu lieu sur cette terre au début de son évangélisation.

Se consacrer au Christ par ton intermédiaire!

Se consacrer à Toi pour le Christ!

Permets aussi, ô Mère de la divine Grâce, que, tout en remerciant pour toutes les lumières que l’Eglise a reçues et pour tous les fruits qu’elle a portés au cours de ce siècle sur cette terre du Zaïre, je te confie à nouveau cette Eglise, que je la remette entre tes mains pour les années et les siècles à venir, jusqu’à l’achèvement des siècles!

Et en même temps, je te confie encore toute la nation, qui vit aujourd’hui de sa vie propre et indépendante. Je le fais dans le même esprit de foi et avec la même confiance que les premiers missionnaires, et je le fais en même temps avec une joie d’autant plus grande que l’acte de consécration et d’abandon que je fais maintenant, tous les pasteurs de cette Eglise et aussi tout le peuple de Dieu le font en même temps avec moi; ce peuple de Dieu qui désire assumer et poursuivre avec ses pasteurs, dans l’amour et le courage apostolique, l’œuvre de la construction du Corps du Christ et de l’approche du règne de Dieu sur cette terre.

Accepte, ô Mère, cet acte de confiance que nous faisons, ouvre les cœurs, et donne la force aux âmes pour écouter la parole de vie et pour faire ce que ton Fils ne cesse de nous ordonner et nous recommander.

Que la grâce et la paix, la justice et l’amour soient le partage de ce peuple; qu’en rendant grâce pour le centenaire de sa foi et de son baptême, il regarde avec confiance vers son avenir temporel et éternel! Amen!


 [1] Io. 21, 15-17.

 [2] 1 Petr. 1, 13-16.

 

 

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