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VISITE PASTORALE EN SUISSE
(11-17 JUIN 1984)

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II
AU CONSEIL DE LA FÉDÉRATION
DES ÉGLISES ÉVANGÉLIQUE DE SUISSE

Kehrsatz (Berne)
Jeudi, 14 juin 1984

 

Monsieur le Président,
Mes Frères et mes Sœurs dans le Christ
,

1. Nous venons de prier ensemble. C’était pour moi une grande grâce que j’ai partagée avec vous. Lorsque nous disons ensemble le Notre Père, nous sommes réunis au nom du Seigneur, car c’est l’Esprit de Dieu qui nous permet de dire “Père”, il met en nous les sentiments du Fils (Cf. Phil. 2, 5), et c’est donc l’Esprit de Dieu aussi qui nous permet de dire “frères” et “sœurs”. Je suis heureux d’avoir pu venir chez vous. Je vous remercie de votre invitation. Je n’ai pas oublié, Monsieur le Président, ce que vous m’avez écrit si noblement il y a trois ans, quand, pour les raisons que vous savez, j’ai dû renoncer à mon voyage chez vous. J’apprécie l’élévation de vos sentiments, votre franchise, votre foi et votre confiance. Vous venez de les manifester de nouveau et je vous en remercie de tout cœur.

Je me trouve chez vous à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Que la grâce du Seigneur m’aide, en union spirituelle avec tous les chrétiens de ce pays, à correspondre à cette intention! L’unité fondamentale qui nous a été donnée par l’Esprit de Dieu dans le baptême, de par sa nature, tend vers “une Eglise de Dieu, une et visible, vraiment universelle, envoyée au monde pour qu’il se convertisse à l’Evangile et qu’il soit ainsi sauvé pour la gloire de Dieu”. Nous reconnaissons avec gratitude tout ce que le Seigneur - dans la puissance de l’Esprit -, par les dialogues fraternels et la collaboration œcuménique, a réalisé à travers le monde et surtout dans votre pays, pour nous rendre davantage capables de porter un témoignage commun à la réconciliation qui nous a été donnée en Jésus-Christ.

2. Cette année, nous avons présent à notre esprit le souvenir du zèle qui animait deux personnalités religieuses marquantes de l’histoire suisse: l’une, Huldrych Zwingli, dont vous célébrez le cinquième centenaire par diverses manifestations en l’honneur de sa personne et de son œuvre; l’autre, Jean Calvin, qui est né il y a 475 ans.

Nous trouvons l’impact historique de leur témoignage, non seulement dans la sphère de la théologie et de la structure ecclésiale, mais aussi dans le domaine culturel, social et politique. L’héritage de la pensée et des options éthiques propres à chacun de ces deux hommes continue d’être présent, avec force et dynamisme, en diverses parties de la chrétienté. D’une part, nous ne pouvons oublier que l’œuvre de leur réforme reste un défi permanent entre nous et rend nos divisions ecclésiales toujours actuelles; mais d’autre part nul ne peut nier que des éléments de la théologie et de la spiritualité de chacun d’eux maintiennent des liens profonds entre nous. Le fait que nous jugeons différemment les événements complexes de l’histoire d’alors, ainsi que les différences qui persistent dans des questions centrales de notre foi, ne doivent pas nous diviser pour toujours. Surtout, le souvenir des événements du passé ne doit pas limiter la liberté de nos efforts actuels en vue de réparer les dégâts provoqués par ces événements. La purification de la mémoire est un élément capital du progrès œcuménique. Elle comporte la franche reconnaissance des torts réciproques et des erreurs commises dans la manière de réagir les uns envers les autres, alors que tous avaient l’intention de rendre l’Eglise plus fidèle à la volonté de son Seigneur. Peut-être viendra le jour, et je l’espère proche, où catholiques et réformés de Suisse seront en mesure d’écrire ensemble l’histoire de cette époque troublée et complexe avec l’objectivité que donne une profonde charité fraternelle. Une telle réalisation permettra de confier sans réticence le passé à la miséricorde de Dieu et d’être, en toute liberté, tendus vers l’avenir pour le faire plus conforme à sa volonté (Cf. Phil. 3, 13), qui veut que les siens n’aient qu’un cœur et qu’une âme (Cf. Act. 4, 24) pour s’unir dans la louange et la proclamation de la gloire de sa grâce (Cf. Eph. 1, 6).

3. Il s’agit en fait pour chaque chrétien d’opérer cette profonde et continuelle conversion du cœur et pour chaque communauté de tenter sans cesse de se renouveler dans une fidélité approfondie. Ce sont là, j’en suis convaincu, les fondements nécessaires de tout engagement œcuménique personnel et communautaire (Cf. Unitatis Redintegratio, 6). Mais tous nos efforts humains, parfois trop humains, doivent être sans cesse suscités, orientés, entraînés, purifiés dans une intercession par laquelle nous manifestons une conviction vécue que c’est Dieu seul qui fait croître (Cf. 1 Cor. 3, 6). Vous l’avez dit très justement: en priant les uns pour les autres, nous nous rendons disponibles à l’Esprit qui veut nous réconcilier, un changement s’opère en nous vis-à-vis des autres, et nous nous retrouvons dans la même conscience d’une identique dépendance reconnue et aimée vis-à-vis de notre unique Seigneur.

4. Il est évident que, lorsque nous nous rejoignons à ce niveau, tout le dynamisme provenant de notre commun baptême nous fait ardemment désirer de communier ensemble au corps et au sang du Seigneur, sans lequel nous ne pouvons pas avoir la vie en nous (Cf. Io. 6, 53). Ce désir que vous venez d’exprimer, Monsieur le Pasteur, est aussi, profondément, le mien. C’est tout le sens du dialogue dans lequel nous sommes engagés tant au niveau national entre votre Fédération et l’Eglise catholique en Suisse qu’au niveau international entre l’Alliance réformée mondiale et le Secrétariat pour l’unité et au sein de la Commission “Foi et Constitution” du Conseil œcuménique des Eglises. En effet, la célébration eucharistique est pour l’Eglise une profession de foi en acte, et un accord complet dans la foi est le présupposé d’une commune célébration eucharistique qui soit réellement fidèle et vraie. Nous ne pouvons pas donner un signe trompeur. Tout notre dialogue tend vers une telle célébration commune. Il ne servirait à rien de supprimer la souffrance de la séparation si nous ne remédions pas à la cause de cette souffrance qui est précisément la séparation elle-même. Fasse le Seigneur que vienne le jour où notre commun désir sera exaucé!

5. Pour préparer ce jour, il est important que, dès maintenant, nous nous efforcions de faire ensemble tout ce qu’il est possible de faire ensemble. C’est en faisant la vérité que l’on vient vers la lumière (Cf. Ibid. 3, 21). L’urgence est grande de ce témoignage commun et efficace de tous les chrétiens.

Ne perdons pas de temps, car aujourd’hui, dans ce pays où, avec les autres chrétiens, vous témoignez de l’évangile du salut, il y a des hommes et des femmes pour qui Dieu n’est plus rien, pour qui Jésus n’est rien alors qu’Il est le plus grand trésor que Dieu ait donné au monde. Cela souligne l’urgence d’une nouvelle évangélisation. Et par ailleurs le visage de ce monde sauvé par Jésus est aujourd’hui horriblement défiguré en maints endroits du globe par la guerre, la famine, l’injustice et d’innombrables atteintes à la dignité de la personne humaine. Nous porterions mal le nom de chrétiens si, devant tant d’actions qui s’opposent au dessein divin de tout réconcilier dans le Christ et de rassembler les hommes dans l’amour, nous ne nous engagions pas ensemble et toujours davantage, avec les hommes et les femmes de bonne volonté, pour que chacun et chacune aujourd’hui soit respecté dans sa dignité et puisse jouir de la paix et de la liberté. Quel chrétien oserait prétendre qu’il a déjà fait tout ce qu’il a pu pour atteindre ce but? Les besoins sont immenses et “l’amour du Christ nous presse” (2 Cor. 5. 14). Cela ne doit pas nous décourager, mais nous maintenir les uns et les autres dans l’humilité, la vigilance et la confiance dans la grâce du Christ. Notre œuvre n’est qu’une coopération à l’œuvre du Seigneur, à l’Amour répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné (Cf. Rom. 5, 5). Permettez-moi de vous remercier au nom du Seigneur et, avec vous, de remercier Dieu qui nous a appelés sur les chemins difficiles de l’œcuménisme. Celui qui a commencé cette œuvre parmi nous saura la mener à son terme (Cf. Phil. 1, 6). Le désir d’arriver à ce terme ne doit pas nous faire méconnaître les dons magnifiques qu’il nous a faits et ne cesse de nous faire sur ce chemin. Nous devons lui en rendre grâce. Qu’il nous aide à nous pardonner tout ce que nous avons à pardonner! Qu’il nous aide à rester fidèles à sa Parole et qu’il nous donne la grâce de l’unité plénière et visible entre nous!

 

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