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DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II
AU NOUVEL AMBASSADEUR DE NORVÈGE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE*

Vendredi 10 janvier 1986

 

Monsieur l’Ambassadeur,

1. Au moment où vous inaugurez votre mission d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume de Norvège auprès du Saint-Siège, je suis heureux de vous exprimer, avec ma salutation de bienvenue, les vœux cordiaux que je forme pour vous, pour l’accomplissement de votre haute tâche diplomatique, et pour le bonheur de tous ceux que vous représentez ici.

Ma pensée rejoint spécialement Sa Majesté le Roi Olav V qui vous voudrez bien remercier de l’aimable message dont il vous a chargé d’être l’interprète. Je forme pour lui et pour sa famille les meilleurs vœux de santé et de sérénité, priant Se Seigneur de l’aider à présider aux destinées du peuple norvégien, auquel je suis heureux d’exprimer également ma sympathie et mes souhaits cordiaux.

Lorsque votre prédécesseur présenta ses Lettres de créance comme premier Ambassadeur du Royaume de Norvège auprès du Saint-Siège, le 18 février 1983, j’avais parlé d’un moment historique de grand relief dans nos relations. Ces relations, au niveau diplomatique, sont maintenant bien enracinées, et Votre Excellence contribuera, j’en suis sûr, à les rendre toujours plus profondes et fructueuses.

2. Vous avez évoqué la période caractéristique du Moyen Age, où la vitalité religieuse et culturelle de la Norvège – je pense notamment à l’époque des sagas – eut un notable rayonnement sur la Scandinavie et sur une grande partie de l’Europe, prolongeant, sur un autre plan, les expéditions conquérantes de vos compatriotes normands. Et vous avez eu la bonté de relever les rapports sereins et féconds qui existaient alors avec l’Evêque de Rome et qui, en rehaussant le rôle de l’Eglise en votre pays, facilitaient la prise de conscience de vos valeurs propres et du sentiment national.

Ces valeurs humaines s’enracinent dans un patrimoine commun à l’Europe, profondément marqué par la foi chrétienne; en particulier, la belle figure du saint Roi Olav II symbolise à jamais l’attachement des Norvégiens au Christ, après le baptême de leur nation, voilà presque mille ans. Aujourd’hui, après la malheureuse division entre les chrétiens, qui a suivi la Réforme, le christianisme, dans le cadre de la confession luthérienne, demeure lié aux structures sociales du pays.

3. Votre Etat a su lutter à bien des reprises au cours de l’histoire pour maintenir son indépendance et chercher avec ténacité la prospérité du pays à tous égards. C’est désormais en tant qu’Etat moderne, que la Norvège a voulu établir des relations diplomatiques avec le Saint-Siège, de même qu’un grand nombre de pays dans le monde. En effet, la Norvège et le Siège Apostolique – reconnu avec sa personnalité juridique “sui generis” dans la communauté internationale – peuvent se rencontrer sur beaucoup d’objectifs semblables, très importants pour le développement vraiment humain des peuples, pour le service du bien commun qui incombe aux Gouvernants, et pour les relations d’équité et de paix à établir ou consolider entre les nations.

Vous avez vous-même évoqué la démocratie, l’égalité, la solidarité; vous avez fait une mention spéciale de la libre communication des idées et des personnes, dans la ligne du processus d’Helsinki, et notamment du libre exercice de la religion. Je sais gré à la Norvège d’apporter son appui sur ce point qui tient à cœur au Saint-Siège, comme à tous les pays attachés à une juste conception de la liberté. Il s’agit des droits fondamentaux de l’homme, qui demandent à être respectés par tous et en tous, et sans lesquels une civilisation ne mérite pas ce nom.

4. Cette exigence de la dignité de la personne ne permet pas de négliger, bien plus elle appelle – contrairement à l’individualisme qu’encouragent certaines sociétés de consommation – la promotion des hommes d’autres pays qui se débattent dans de lourdes difficultés de développement et de paix. La solidarité ne saurait demeurer un mot qui fait rêver; elle requiert des actions courageuses pour un nouvel ordre économique international; elle appelle une coopération, avec l’ensemble des nations représentées à l’Organisation des Nations Unies, et d’abord au niveau de la région et du continent. La récente rencontre avec le Corps Diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège (11 janvier 1986) m’a permis de développer longuement cet aspect de la valeur universelle de la paix. Et je sais que la Norvège a le souci d’une coopération élargie, dans le cadre du Conseil nordique et du Conseil de l’Europe.

5. Mais tous les projets humains concernant le bonheur des peuples et l’équité de leurs rapports ont besoin de s’appuyer, dans la conscience des citoyens et dans celle de leurs responsables aux divers niveaux – des éducateurs aux Gouvernants –, sur des valeurs spirituelles et morales dont vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, avez souligné l’importance. Précisément, vous savez bien que c’est le rôle propre du Saint-Siège d’aider à les promouvoir, puisque sa mission est avant tout d’ordre spirituel, comme témoin du message évangélique confié par le Christ à l’Apôtre Pierre et à ses frères. Avec les Evêques catholiques européens réunis récemment en symposium, j’évoquais le “modèle” de la société européenne actuelle avec ses aspects positifs et ses ombres: parfois l’homme, au milieu d’une surabondance de biens et de savoir, ne connaît plus le sens de sa vie et de sa dignité d’être créé à l’image de Dieu, les exigences de l’amour et de la stabilité dans la famille. Il ne saurait oublier que ses racines chrétiennes font partie intégrante de son identité et l’appellent à une nouvelle synthèse créatrice entre l’Evangile et les conditions actuelles de sa vie. Il s’agit là, outre la fidélité à la foi reçue, d’un service éminent à rendre à nos sociétés occidentales, dans le respect des consciences. Pour ma part, j’invite tous les catholiques à s’y employer, y compris ceux qui vivent chez vous, au diocèse d’Oslo, dans les prélatures de Trondheim et de Tromsö, et que je salue avec une particulière affection: ils sont en petit nombre, mais bien intégrés à la société norvégienne. D’ailleurs, les valeurs morales et spirituelles sont certainement l’objet de la même préoccupation dans les autres Eglises chrétiennes. Et c’est une raison supplémentaire de promouvoir l’œcuménisme, qui aide tous les chrétiens à se mieux comprendre, à se respecter, à travailler ensemble au bien de leurs frères, tout en préparant entre eux la pleine unité. C’est aussi à ce titre que je salue ici vos compatriotes qui appartiennent presque tous à l’Eglise luthérienne.

6. Monsieur l’Ambassadeur, vous représentez votre patrie et ses intérêts supérieurs. Je pense que les réflexions menées ici rejoignent en profondeur ces intérêts. Je vous renouvelle les vœux fervents que je forme pour votre mission auprès du Saint-Siège, pour tout le peuple norvégien, pour son Souverain et tous ses Gouvernants. Au milieu du long hiver qui fait aspirer vos compatriotes au retour de jours plus ensoleillés, que Dieu ne cesse de les combler de sa Lumière et de ses multiples dons pour leur permettre de vivre dans le bonheur et dans la paix conformes à sa volonté et à son amour!


*Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. IX, 1 1986 pp. 156-159.

L'Attività della Santa Sede 1986 pp. 52-54.

L’Osservatore Romano 21.1.986 p.9.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.4 p.11.

 

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