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RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ
MUSULMANE DU
NIGERIA

Votre Altesse royale,
le Sultan de Sokoto,
Vos Altesses royales les Emirs,
Illustres représentants de la communauté musulmane,

1. Bien que mon séjour au Nigeria soit bref, je ne voulais pas manquer une rencontre si importante avec les plus hauts représentants de l'islam dans ce pays. Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour avoir accepté l'invitation à venir ici ce soir; j'apprécie profondément cette occasion de saluer à travers vous toute la communauté musulmane au Nigeria. Je remercie Son Altesse royale pour ses aimables paroles exprimées au nom de Leurs Altesses ici présentes et, à mon tour, j'adresse à chacun de vous un salut de Paix, la paix qui a sa véritable source en Dieu, dont, selon votre tradition, l'un des «Noms splendides», est également al-Salam, Paix.

Comme vous le savez, le but de ma visite a été de proclamer solennellement la sainteté d'un fils de ce pays, le Père Cyprian Michael Iwene Tansi. Il a été déclaré un modèle d'homme religieux qui aimait les autres et qui s'est sacrifié pour eux. L'exemple de personnes qui conduisent une vie de sainteté nous enseigne non seulement à pratiquer le respect et la compréhension mutuels, mais également à être nous-mêmes des modèles de bonté, de réconciliation et de collaboration, au-delà des frontières ethniques et religieuses pour le bien de tout le pays et pour la plus grande gloire de Dieu.

2. En tant que chrétiens et musulmans, nous partageons la croyance dans «le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour» (Lumen gentium, n. 16). Bien que notre façon de comprendre ce Dieu unique diffère, nos efforts pour connaître et accomplir sa volonté n'en sont pas moins les mêmes. Cette aspiration religieuse elle-même constitue un lien spirituel entre chrétiens et musulmans, un lien qui peut constituer une base solide et large pour la coopération dans de nombreux domaines. Cela est important partout où les chrétiens et les musulmans vivent ensemble. Cela est particulièrement important au Nigeria, où les chrétiens et les musulmans sont présents en si grand nombre.

Parmi les convictions importantes que nous partageons, le christianisme et l'islam placent tous deux l'accent sur la dignité de chaque personne humaine, qui a été créée par Dieu dans un but particulier. Cela nous conduit à promouvoir la valeur de la vie humaine à toutes ses stades, et à soutenir la famille en tant qu'unité de base de la société. En conséquence, nous considérons comme un péché contre le Créateur tout abus contre les membres les plus faibles de la société et contre les femmes et les enfants en particulier. De plus, nos religions soulignent la responsabilité des individus à répondre à ce que, en conscience, ils considèrent comme ce que Dieu leur demande. Il est préoccupant de réfléchir sur la condition actuelle des droits humains, car dans certaines parties du monde, des personnes sont encore persécutées et emprisonnées pour des raisons de conscience et pour leur croyance religieuse. Ces victimes innocentes sont la triste preuve que c'est la force — et non les principes démocratiques — qui prévalent, et que l'intention n'est pas de servir la vérité et le bien commun, mais de défendre les intérêts particuliers à tout prix. Nos deux traditions, au contraire, enseignent une éthique qui refuse un individualisme qui recherche sa propre satisfaction et qui ne prête pas attention aux nécessités d'autrui. Nous croyons qu'aux yeux de Dieu, les ressources de la terre sont destinées à tous, et pas exclusivement à quelques-uns. Nous sommes conscients que l'exercice du pouvoir et de l'autorité doit être compris comme un service à la communauté et que toute forme de corruption et de violence représente une grave offense à la volonté de Dieu pour la famille humaine.

Nous avons en commun tant d'enseignements concernant la bonté, la vérité et la vertu, qu'une profonde compréhension est possible entre nous. Elle est même nécessaire. Dans le Message que j'ai adressé aux communautés musulmanes à Kaduna, au cours de ma première visite dans votre pays, en 1982, j'ai affirmé: «Je suis convaincu que si nous (chrétiens et musulmans) joignons nos mains au nom de Dieu, nous pouvons faire beaucoup de bien [...] Nous pouvons collaborer à la promotion de la justice, de la paix et du développement. J'espère très sérieusement que notre fraternelle solidarité, sous la garde de Dieu, enrichira vraiment l'avenir du Nigeria et de toute l'Afrique» (14 février 1982, n. 4).

3. Dans toute société, des divergences peuvent naître. Parfois, les disputes et les conflits qui en découlent revêtent un caractère religieux. La religion elle-même est parfois utilisée sans scrupules pour provoquer des conflits. Le Nigeria a connu de tels conflits, même s'il faut reconnaître avec gratitude que dans de nombreuses parties du pays, des personnes de traditions religieuses différentes vivent côte à côte dans une relation de bon et pacifique voisinage. Les différences ethniques et culturelles ne devraient jamais être utilisées pour justifier les conflits. Au contraire, ces diversités, comme les différentes voix qui composent un chœur, peuvent coexister de façon harmonieuse, à condition qu'il existe toutefois un désir authentique de respect réciproque.

Les chrétiens et les musulmans sont d'accord sur le fait que, en matière religieuse, il ne peut y avoir de coercitions. Nous sommes engagés à promouvoir des attitudes d'ouverture et de respect à l'égard des fidèles des autres religions. Toutefois, il est possible de faire un usage erroné de la religion et il est certainement du devoir des dirigeants religieux de veiller afin que cela ne se produise pas. Surtout, chaque fois qu'une violence est accomplie au nom de la religion, nous devons expliquer à tous que, dans ces circonstances, nous ne nous trouvons pas face à la véritable religion. En effet, le Tout-Puissant ne peut tolérer la destruction de sa propre image dans ses fils. De ce lieu, au cœur de l'Afrique occidentale, j'adresse un appel à tous les musulmans, tout comme je l'ai fait avec mes frères évêques et avec tous les catholiques: faisons en sorte que l'amitié et la coopération soient notre source d'inspiration! Travaillons ensemble en vue d'une nouvelle ère de solidarité et de service commun, face au défi immense de construire un monde meilleur, plus juste et plus humain! Lorsque des problèmes apparaissent, que ce soit au niveau local, régional ou national, les solutions doivent être trouvées à travers le dialogue. N'est-ce pas là l'habitude de la tradition africaine? Lorsque des Nigérians de divers milieux se réunissent pour prier pour les besoins de leur pays — chaque groupe selon sa tradition — ils sont conscients de se trouver ensemble en tant que peuple uni. De cette façon, ils rendent un véritable honneur au Seigneur très-haut du ciel et de la terre.

Au terme du discours, le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

Le Cardinal Arinze, du Nigeria, est un Cardinal catholique romain, un Cardinal nigérian. S'il promeut le dialogue avec les musulmans dans le monde entier, il le fait car il a l'expérience du dialogue avec les musulmans au Nigeria. Je considère donc cela comme une grande contribution de votre pays, de votre communauté à l'activité universelle et au dialogue dans l'Eglise du monde entier aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup pour cette rencontre.

 


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