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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS MONDIAL
SUR LES «VALEURS SPIRITUELLES DU TOURISME»

Vendredi 21 avril 1967

 

Le spectacle de votre magnifique assemblée, chers Fils et amis, avec son caractère œcuménique et international si clairement manifesté, est pour Nous un motif de profonde satisfaction.

C’est l’étude des «valeurs spirituelles du Tourisme» qui vous a réunis en un Congrès Mondial, sous l’égide des Autorités, tant civiles que religieuses, les plus compétentes en ce domaine. Et il suffit de considérer la variété de vos provenances et de vos qualifications pour saisir le caractère vraiment universel que revêt aujourd’hui le phénomène du tourisme.

Nous tenons à saluer d’abord les hautes personnalités qui rehaussent par leur présence la singulière importance de cette assemblée: Messieurs les Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine; le si distingué Président de votre Congrès, que Nous avions plaisir à accueillir ici même il y a quelques jours; Son Eminence le Métropolite de Calabre Emilien Timiadis, chef du Bureau du Patriarcat œcuménique près le Conseil Œcuménique des Eglises; Messieurs les Ministres et Sous-Secrétaires d’Etat; Messieurs les Délégués des diverses communautés protestantes; et vous tous enfin, qui, sur l’invitation du Bureau pour la Pastorale du Tourisme auprès de la Congrégation du Concile, êtes venus mettre en commun vos expériences et dégager de cette rencontre quelques principes de doctrine et d’action susceptibles d’orienter et d’inspirer les efforts de demain.

«TOURISME, PASSEPORT POUR LA PAIX»

Nous n’oublions pas que ce Congrès a lieu dans le cadre d’une «année mondiale» proclamée par la XXIème Assemblée des Nations Unies, sur proposition de l’Union internationale des organismes officiels du Tourisme, et Nous relevons avec plaisir le mot d’ordre si suggestif sous le signe duquel elle est placée: «Tourisme, passeport pour la paix».

Le Saint-Siège, qui, comme vous le savez, est membre de l’Union, a voulu apporter sa contribution à cette campagne en donnant son appui - entre autres manifestations - au présent Congrès, destiné à promouvoir le rôle culturel, éducatif et surtout spirituel du tourisme. Il estime, en effet, qu’il s’agit là d’une très heureuse illustration du désir de l’Eglise de coopérer avec tous les hommes de bonne volonté, qu’ils soient ou non chrétiens, en vue de résoudre ensemble, dans le respect des valeurs universelles communes, certains problèmes majeurs et urgents de notre temps.

Il n’est pas de Notre intention de développer devant vous une théologie des loisirs, d’autant moins que les divers thèmes traités au cours du Congrès vous ont offert comme une vue d’ensemble de la doctrine catholique en ce domaine et des applications pratiques qui en découlent pour la pastorale. Nous voudrions seulement souligner l’intérêt de l’Eglise catholique pour ce phénomène social nouveau qu’est le tourisme, et montrer les valeurs positives et spirituelles qu’il comporte.

L'INTÉRÊT DE L'EGLISE POUR LES VALEURS SPIRITUELLES DU TOURISME

A vrai dire, c’est depuis toujours que les hommes ont, sous une forme ou sous une autre, pratiqué le tourisme. Qu’il suffise d’évoquer le merveilleux poème de l’Odyssée, ce monument impérissable du patrimoine culturel de l’humanité, dont les épisodes pathétiques sont dans toutes les mémoires. Qu’il suffise de rappeler cette intense avidité de la découverte qui, pendant des siècles, et au mépris de tous les dangers, a jeté les hommes sur toutes les routes terrestres et maritimes du globe, en quête de nouvelles terres. Non, le tourisme n’est pas seulement une mode propre à notre époque. Il répond à un besoin de l’homme, sans cesse poussé, comme par un instinct incoercible, à parcourir le monde en vue de découvrir d’autres pays, d’entrer en contact avec des populations différentes, de s’enrichir de l’apport culturel et spirituel de formes de civilisations autres que la sienne.

Cette curiosité, qui pousse l’homme à vouloir connaître le monde, voyager au delà des horizons limités et étroits que lui impose souvent le cadre de sa vie quotidienne, ce besoin de s’évader et de chercher en dehors de soi, est sans aucun doute une bonne, une très bonne chose, mise par le Créateur lui-même au cœur de sa créature.

Nous irons même plus loin, en affirmant que ce besoin de chercher hors de soi est comme le symbole d’une autre quête: celle de Dieu en soi et au-dessus de soi. Aussi n’est-il pas surprenant que la Bible et les auteurs chrétiens emploient volontiers l’image du voyage, du pèlerinage, pour décrire le cheminement de l’homme et du Peuple de Dieu vers la patrie céleste. Le mouvement de pèlerinages qui, du moyen âge à nos jours, a porté les foules vers des sanctuaires renommés, illustre on ne peut mieux cette recherche, par les croyants, d’une cité permanente et d’une demeure définitive, qui est à la fois au dedans et au delà de l’homme.

Mais cette poursuite de Dieu par le fidèle, et cette marche de l’Eglise vers le Royaume des Cieux, s’inscrivent dans des conditions extérieures, qui ont varié selon les époques et selon les lieux. Elles ont été tantôt favorisées, tantôt entravées par ces contingences historiques et matérielles.

Lors du dernier Concile œcuménique du Vatican, où l’Eglise s’est efforcée de discerner «les signes des temps», afin d’annoncer au monde, dans un langage qui fut accessible aux hommes d’aujourd’hui, la bonne nouvelle de salut dont elle est la messagère, il est apparu clairement que tous les problèmes humains de quelque importance ont pris de nos jours une dimension universelle, «planétaire», pour reprendre une expression souvent utilisée.

Il en va ainsi du phénomène qui fait l’objet de vos préoccupations et de votre sollicitude. Et c’est là que réside principalement la nouveauté du tourisme, tel qu’il est pratiqué maintenant. Par son côté commercial, publicitaire, technique et économique il est devenu sous nos yeux une vaste entreprise mettant en jeu des intérêts multiples et divers. Il affecte aussi des couches de populations de plus en plus nombreuses et tend à constituer un «nomadisme» d’un genre inédit. Ce phénomène de masse peut présenter quelques aspects négatifs, mais il faut convenir qu’il est riche aussi de valeurs humaines et spirituelles.

L'ACTUALITÉ DU CONCILE ET DE «POPULORUM PROGRESSIO»

Il peut en effet, comme s’est plu à le rappeler votre interprète, contribuer fort heureusement à faire cesser l’isolement néfaste des peuples, à dissiper les préjugés et malentendus, de quelque ordre qu’ils soient, à favoriser une meilleure connaissance réciproque, à faciliter l’échange et le dialogue entre les hommes, à servir finalement la cause de la paix et la construction d’un monde plus fraternel et plus juste, que Nous appelions de Nos vœux dans Notre récente Encyclique «Populorum progressio».

Toutes ces valeurs positives que comporte le tourisme, l’Eglise catholique non seulement les reconnaît et les défend, mais elle s’efforce pour sa part de les promouvoir et les encourager.

C’est ainsi que s’expliquent Nos diverses interventions écrites ou orales sur ce sujet, les exhortations que Nous avons prodiguées aux symposiums, colloques et réunions sur le tourisme, la création enfin d’un Bureau spécialement chargé de l’étude des conséquences de ce phénomène sur la vie spirituelle des fidèles et de la coordination des efforts d’ordre apostolique pour répondre aux besoins nouveaux, tant des touristes eux-mêmes que des diverses catégories de personnel chargées de leur accueil ou de leur service.

On pourrait encore signaler d’autres domaines où le tourisme semble appelé à être un facteur de rapprochement des cœurs et des esprits, notamment celui de l’œcuménisme et de la vie culturelle proprement dite. Il y aurait là matière à bien des considérations encourageantes, que les trop brèves limites d’une audience ne permettent malheureusement pas de développer autant que Nous l’aurions voulu.

ENRICHIR ET HUMANISER LES CONTACTS

Qu’il Nous soit permis, avant de conclure, de vous féliciter, Messieurs, pour la haute tenue des travaux de votre Congrès dont Nous avons suivi avec intérêt le déroulement et apprécié les conclusions.

Qu’il Nous soit également permis de former le souhait que tous les hommes chargés de quelque responsabilité dans le domaine du tourisme aient toujours à cœur de l’humaniser et de le spiritualiser. Que les pouvoirs publics eux-mêmes, qui ont tenté, cette année notamment, de faire du tourisme comme un «passeport pour la paix», n’aient pas seulement en vue le côté matériel et publicitaire de ce phénomène, mais aussi son aspect spirituel et éducatif. Que le temps consacré aux loisirs et particulièrement aux voyages ne soit pas une occasion de dissipation et de divertissements malsains, mais bien un moment de saine détente physique et morale. Que le temps des loisirs et des vacances ne soit pas, comme Nous le disions dans une autre occasion, synonyme d’oisiveté vile et pesante, plaisir désordonné qui arrêterait la marche de l’esprit (cf. Oss. Rom., 17/18-8-1963). Mais qu’au contraire il aide celui-ci à comprendre que l’homme est destiné à un état de vie qui transcende son cheminement terrestre, et à découvrir que cet instinct qui le pousse à chercher hors de lui - quaere extra te! - n’a de sens que s’il est le symbole et l’amorce de cette autre recherche bien plus fondamentale qui l’invite à regarder au dedans de lui - quaere intra te! - et au-dessus de lui - quaere supra le! -. Ce n’est qu’à cette condition que le tourisme pourra conduire l’homme vers de plus hautes ascensions et attirer sur lui les bénédictions de Dieu (cf. L’Oss. Rom., 1-9-1963).

C’est dans cette perspective que Nous prenons congé de vous, chers Messieurs, et c’est dans ces sentiments que Nous appelons de grand cœur sur vos personnes et sur vos activités l’abondance des célestes faveurs. A Nos fils catholiques Nous accordons volontiers, en témoignage de Notre bienveillance et en gage des meilleures grâces, une paternelle Bénédiction Apostolique.

                                                   



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