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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AU PRÉSIDENT DE LA FRANCE
*

Mercredi 31 mai 1967

 

Monsieur le Président,

La venue de Votre Excellence en visite officielle au Vatican éveille en Notre âme de profondes résonances.

En votre personne, c’est d’abord la France que Nous saluons, cette nation qui a tant contribué à enrichir le patrimoine culturel de l’humanité, et dont l’incomparable rayonnement religieux et missionnaire est d’un si grand prix aux yeux de l’Eglise; la France, à laquelle Nous sommes personnellement redevable, depuis Nos jeunes années, de tant de précieux éléments de Notre propre formation.

Que Votre Excellence Nous permette, en l’accueillant aujourd’hui dans Notre demeure, de l’assurer de l’estime profonde que Nous inspire l’élite intellectuelle et spirituelle de son Pays, avec ses pasteurs, ses théologiens, ses philosophes, ses sociologues, ses écrivains, toujours si noblement soucieux d’inventer de nouvelles voies pour porter l’éternel message de l’Evangile aux hommes de notre temps.

Et la France vient à Nous dans la personne d’un des plus illustres de ses fils, dont l’histoire dira les services hors de pair qu’en des heures difficiles il a rendus à sa Patrie. C’est assez vous dire, Monsieur le Président, l’honneur et, le plaisir que Nous ressentons de votre visite.

Cette rencontre n’est pas la première. Et ce n’est pas sans émotion que Nous évoquerons la Messe qu’il Nous fut donné de célébrer en votre présence, comme Archevêque de Milan, devant l’ossuaire de Magenta, lors du centenaire de la célèbre bataille. Nous Nous étions permis, à l’issue de la cérémonie, d’exalter, en quelques brèves paroles, les valeurs de la concorde et de la fraternité entre les peuples. Et Votre Excellence, quittant la tribune officielle, Nous fit l’inoubliable honneur de venir vers Nous pour Nous manifester, par un geste d’une exceptionnelle cordialité, son plein acquiescement à Nos pensées et à Nos sentiments.

Ces pensées et ces sentiments n’ont pas changé. Nous estimons que si le dix-neuvième siècle vit les nationalités prendre conscience d’elles-mêmes et se constituer en Etats, le vingtième - sous peine de courir à de nouvelles catastrophes - doit être celui qui verra ces Etats se rapprocher dans une fraternelle entente.

Ce processus de rapprochement est, grâce à Dieu, en cours. Et Nous n’en voulons pour preuve que l’événement qui a été l’occasion de votre venue à Rome: la célébration du Dixième Anniversaire des Traités signés dans cette ville et instituant la «Communauté Economique Européenne» et l’«Euratom».

Que la France soit présente à ce rendez-vous en la personne du Chef de l’Etat lui-même, c’est assez pour montrer le prix qu’il attache au bon fonctionnement de ces jeunes institutions et à l’heureux affermissement de la Communauté européenne.

Mais ce n’est là qu’une étape sur la route de la paix et de la véritable fraternité entre tous les peuples du globe. Il faut viser plus loin, élargir l’horizon aux dimensions du monde. Et c’est ce qu’a voulu rappeler Notre récente encyclique sur le «développement», ce «nouveau nom de la paix» en notre siècle.

Nos fils de France ont bien saisi la portée de cet acte de Notre magistère, et Nous l’évoquons d’autant plus volontiers devant Votre Excellence que Nous savons combien elle partage personnellement Nos préoccupations et Nos espoirs en ce domaine.

Nous n’oublions pas, en effet, avec quel courage et au prix de quels sacrifices, parfois bien douloureux, la France, s’adaptant, sous votre impulsion, aux exigences des temps nouveaux, a su favoriser l’essor des jeunes nations, qui furent jadis ses colonies. Nous n’oublions pas davantage qu’avec une exemplaire générosité, elle a eu à cœur de consacrer, pour l’aide au «tiers-monde», une part proportionnellement notable de son revenu national. Attitude sagement réaliste et bien digne d’être relevée. Qui ne voit, en effet, que c’est seulement par une solidarité active et courageuse que pourront s’atténuer les divergences économiques entre les peuples et s’établir une paix solide et durable, dans la justice et dans la liberté? Cette paix, Votre Excellence le sait, est l’objet de Nos soucis constants, comme elle le fut de Nos deux prédécesseurs, auxquels Votre Excellence rendit également visite, Pie XII et Jean XXIII.

Que Votre Excellence Nous permette, en prenant congé d’elle, de saluer en sa personne la nation française et son Gouvernement, dont Nous sommes heureux d’accueillir, aux côtés de Votre Excellence et de Madame de Gaulle, deux des membres les plus distingués: Monsieur le Premier Ministre et Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères.

Qu’elle Nous permette enfin de l’assurer de Nos vœux et de Nos prières pour sa Personne, pour que Dieu l’assiste dans l’accomplissement de ses hautes tâches et pour qu’il daigne répandre sur tout le peuple français, qui Nous est si cher, l’abondance de ses divines bénédictions.

                        


*AAS 59 (1967), p.627-629.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. V,l p.273-276.

L’Attività della Santa Sede 1967 p.514-515.

L’Osservatore Romano, 1.6.1967, p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n. 23 p.1.

La Documentation catholique, n.1496 col.1057-1062.

                 



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