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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DE LA COMMISSION SOCIALE ET SANITAIRE
DU PARLEMENT EUROPÉEN*

Jeudi 16 avril 1970

 

Monsieur le Président,
Chers Messieurs,

Est-il besoin de vous dire la joie que Nous éprouvons à recevoir les membres de la Commission Sociale et Sanitaire du Parlement Européen, assistés de représentants qualifiés des Parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe? Vous savez le prix que Nous attachons à cette construction harmonieuse de notre vieille Europe à laquelle vous travaillez de façon opiniâtre depuis plus de vingt ans. Et le vaste programme de votre Commission Nous est particulièrement cher, puisqu’il touche l’ensemble des problèmes posés par le développement de l’économie, la promotion sociale, le droit au travail, la protection de la santé, bref la recherche de conditions de vie plus humaines pour notre société.

Nous ne l’ignorons pas, la situation présente requiert de vos services une vigilance accrue, à l’heure où la période transitoire d’application du Traité de Rome cède le pas à une phase plus décisive d’échanges et de rapports mutuels. L’élaboration d’une communauté aussi vaste s’inscrit dans un progrès qui suscite beaucoup d’espoirs : Nous voulons les partager avec confiance. Elle entraine aussi des bouleversements économiques et sociaux fort complexes, qu’il importe de maîtriser, afin que, en définitive, cette mutation demeure, comme Nous ne cessons de le redire, «au service de l’homme, de tout homme et de tout l’homme» (Allocution à l’O.I.T. à Genève, le 10 juin 1969). Certes les responsabilités sont multiples et partagées, depuis la plus modeste entreprise qui aura peut-être à faire avec courage des reconversions difficiles, jusqu’aux grands consortiums privés ou nationaux, en passant par les relais commerciaux et bancaires. Mais qui pourrait veiller mieux que vous à ce que les régions ou les secteurs défavorisés, les catégories de personnes, jeunes ou âgées, déjà en situation difficile, et les travailleurs eux-mêmes, ne soient pas les victimes d’un développement déséquilibré? Il vous revient, Nous semble-t-il, de poursuivre l’étude de ces questions, d’alerter l’opinion et les responsables, mais aussi de prévoir cette protection efficace des droits que vous avez si hautement proclamés dans la Convention européenne des droits de l’homme, et d’inscrire dans les faits de réelles possibilités pour tous d’accéder à des conditions de vie dignes des hommes et de leurs familles.

Avec satisfaction, Nous avons relevé que figurent parmi vos objectifs le plein emploi, la libre circulation de la main-d’œuvre, l’élévation du niveau de vie. La sécurité de l’emploi et la protection de la santé exigent un effort constant. Il faut aussi vous employer sans relâche à satisfaire ces requêtes primordiales que sont le respect des personnes, leur intégration dans la société, leur participation responsable à la vie des communautés humaines, le soutien apporté aux valeurs morales, l’aide donnée à cette cellule fondamentale de la vie sociale qu’est une famille unie, la protection efficiente aussi contre des fléaux qui se font de nos jours plus menaçants pour les jeunes, - telle la drogue dont il faut, à tout prix et sans retard, juguler la diffusion périlleuse -, la possibilité enfin assurée pour tous les groupes humains de satisfaire leurs exigences spirituelles les plus profondes. Si l’un de ces éléments vient à manquer, c’est l’homme lui-même qui faillit à sa vocation et la civilisation qui peu à peu se désagrège, comme rongée de l’intérieur.

Nous voudrions aussi vous dire que Nous portons un souci tout spécial au problème crucial des migrants à la recherche d’un travail, à l’intérieur de la Communauté européenne. Ils sont légion, Nous le savons, et on peut sans nul doute s’attendre à voir le phénomène aller en s’accentuant. Peut-on affirmer que ces migrants trouvent vraiment l’assistance qui leur est nécessaire, et que la communauté à laquelle ils apportent leur travail leur fournit en justice une contrepartie appropriée? Des bruits alarmants Nous parviennent sur ce sujet si douloureux. Nous avons cherché Nous-même à promouvoir une pastorale mieux adaptée à la situation de ces personnes et de leurs familles. La Charte sociale de l’Europe contient du reste, en son article 19, des dispositions que Nous approuvons de tout cœur. Puissent-elles trouver une application effective, grâce à la collaboration de tous, personnes, communautés, gouvernements! Quel dommage ce serait, pour une civilisation qui se targue de progrès, de laisser s’aggraver pareille situation, aussi inique que dangereuse pour la paix sociale! Et quelle tâche pour une société pétrie de christianisme et initiée depuis tant de siècles à la justice et à la charité chrétiennes!

Oui, il reste encore beaucoup à faire chez nous pour y assurer un développement intégral. Mais comment ne pas le redire inlassablement: «Le développement intégral de l’homme ne peut aller sans le développement solidaire de l’humanité» (Populorum progressio, 43). Le tiers-monde a les yeux fixés sur nous. C’est au milieu de difficultés sans nombre qu’il lutte pour assurer ce développement auquel il a droit, lui aussi, à partir des conditions de vie souvent plus que précaires qui sont les siennes. Nous vous confions, Messieurs, ce dernier souci qui Nous angoisse (Cfr. Ibid., 87): saurons-nous éviter le repliement égoïste sur nous-mêmes et, il faut bien le dire, sur des privilèges et des talents que Dieu nous a donnés pour les mettre au service de tous nos frères? La communauté que nous construisons sera-t-elle pour le monde de la faim, et des antagonismes raciaux ou idéologiques, un motif d’espoir, une main tendue fraternellement?
Ces questions sont graves. Mais tant de bonnes volontés sont à l’œuvre, tant de générosités se manifestent, tant d’appels de l’Esprit Saint se font entendre, que Nous regardons l’avenir avec confiance.
Vous entendez pour votre part participer généreusement à sa construction, et Nous vous y encourageons de grand cœur. C’est à cette intention que Nous appelons sur vos personnes, vos familles et vos pays, comme sur vos travaux, la Bénédiction du Christ ressuscité.


*AAS 62 (1970), p.285-287.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII, p.322-325.

L'Osservatore Romano, 17.4.1970 p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.17 p.1, 5.

La Documentation catholique, n.1562 p.414-415.



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