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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PARTICIPANTS À LA
II SEMAINE INTERNATIONALE DE L'ECOLE

Samedi 8 janvier 1972

 

Chers Messieurs,

Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui, à l’occasion du deuxième Congrès international qui vous réunit à Rome, à l’instigation de l’Unione Nazionale dell’Istruzione Tecnica e Professionale, en collaboration avec le CESMO, dans le cadre de la Semaine internationale de l’Ecole.

C’est en effet avec vif intérêt que Nous avons pris connaissance des deux thèmes qui sont à votre ordre du jour: «L’école dans la société technologique» et «L’instruction technique et professionnelle dans la perspective des réformes». Et il Nous plaît de savoir que ces échanges ont lieu entre professeurs, experts des questions économiques et culturelles, avec des personnalités hautement qualifiées de la cité et de la nation, appartenant aux différents pays de la Communauté Européenne. Car, s’il s’agit de préparer des millions de jeunes aux responsabilités qu’ils exerceront demain dans une société de plus en plus technique, ne convient-il pas de se livrer à une recherche commune et d’harmoniser projets, efforts et méthodes?

La formation professionnelle, envisagée dans votre assemblée, comporte bien des aspects qu’il vous revient d’approfondir avec la compétence qui est la vôtre. Elle apparaît d’abord, certes, dans son aspect scolaire et technique. Mais elle ne peut faire abstraction du contexte économique où s’inscrira le travail de ces jeunes, encore moins des problèmes sociaux qui seront en jeu, car «il ne suffit pas de promouvoir la technique pour que la terre soit plus humaine à habiter», comme Nous le rappelions dans notre encyclique Populorum progressio (n. 34). Enfin, pour préparer des hommes complets, dignes de l’avenir exigeant qui les attend, on ne peut négliger la formation psychologique, morale et spirituelle.

Et cet aspect, vous le savez, intéresse aussi, et au plus haut point, l’Eglise. La charge des âmes, qui est sa mission spécifique, elle la ressent particulièrement face à cette jeunesse innombrable, aux visages contrastés. Avec tous les éducateurs, elle souhaite que ces jeunes acquièrent le goût du travail, d’un travail précis et bien fait, comme le requiert d’ailleurs la qualification professionnelle. Elle voudrait qu’ils sachent demain gagner noblement leur vie, prendre leur place active dans la société, contribuer à sa prospérité, y assurer les services du bien commun, et en même temps épanouir le plus possible leurs talents humains. Mais le pourront-ils sans posséder une vision morale et spirituelle de la vie, ces «raisons de vivre» qu’une grande partie de la jeunesse semble bien désirer, sans être en mesure de les rejoindre avec certitude?

Plus notre monde moderne tend à se spécialiser, à se perfectionner dans les différentes branches de plus en plus diversifiées de la technique, plus aussi il devient nécessaire de lui donner une âme, de le référer sans cesse à des normes morales qui l’empêchent de tourner non plus au bien de l’homme, mais à sa ruine. La technique pure, sans la morale, peut devenir instrument d’esclavage et non de libération, elle peut enchaîner la personne humaine au lieu de l’affranchir, de l’enrichir, de l’épanouir; en un mot elle peut devenir cause de mort et non de vie pour les hommes, pour la société. C’est là qu’on voit toute l’importance que revêtent les grands principes comme le respect de la personne humaine, que l’Eglise ne cesse de rappeler, que les pouvoirs temporels proclament eux aussi, mais sans réussir bien souvent, hélas!, à les faire observer.

Quand il s’agit d’éduquer, d’instruire, de former, il ne suffit pas d’inculquer le respect de la personne, il faut encore le faire dans un climat d’optimisme moral. La jeunesse aujourd’hui est terriblement allergique à tout ce qui revêt un caractère répressif, à toute limitation injustifiée de la liberté; elle interprète facilement comme une brimade, comme une sorte de revanche des adultes sur les jeunes toute exigence éducative dont elle n’aperçoit pas le bienfondé. La référence à des règles morales, pour être acceptée, doit donc apparaître non comme un élément négatif, une limitation, mais comme une promotion, une élévation, une marche en avant. C’est l’optimisme moral qui doit être le climat de cette jeunesse et c’est sans doute aujourd’hui pour des éducateurs l’art le plus difficile à pratiquer.

Ce n’est pourtant que dans cette atmosphère d’optimisme que le jeune d’aujourd’hui s’ouvrira à la sociabilité, à l’acceptation d’une société solidaire et ordonnée, où les exigences du bien commun ne seront plus perçues comme des entraves, comme des pièges tendus aux individus, mais comme des progrès, des éléments d’épanouissement pour tous et pour chacun.

Dans ce cadre, la religiosité, cet élément si fondamental de la personne humaine, trouve naturellement sa place; elle est reconnue, appréciée, recherchée, et l’âme qui s’ouvre vers Dieu est du même coup équilibrée dans toutes ses autres démarches; elle réfléchit à la vocation divine inscrite dans sa nature et révélée par la foi, elle envisage comme possible et désirable la réponse au Dieu vivant sans lequel il n’est pas d’humanisme plénier. Nous devons tous être bien persuadés que la grande transformation de l’histoire qui se prépare sous nos yeux, et à laquelle il nous est donné de contribuer, ne consistera pas dans la seule transformation de la technique économique (Cfr. J. MARITAIN, Humanisme intégral, Collection Foi vivante, Paris, Aubier 1968, p. 217): la dimension morale et spirituelle y demeure décisive.

Tels sont, chers Messieurs, les soucis que Nous n’hésitons pas à vous confier, en vous manifestant l’estime profonde que Nous inspirent les sujets abordés par votre Congrès. Nous vous remercions de votre aimable visite et Nous appelons de grand cœur sur vos personnes, sur vos familles et sur tous ces jeunes qui sont au centre de vos préoccupations et de vos travaux, l’abondance des divines Bénédictions.

                                        



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