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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX DÉLÉGUÉS ÉPISCOPALES POUR L’ŒCUMÉNISME

Mercredi 22 novembre 1972

 

Chers Frères et chers Fils,

«Ecce quam bonum et quam iucundum fratres habitare in unum». C’est une grande joie pour des frères, pour une famille, de se retrouver et de vivre ensemble durant quelques jours. Venus de cinquante-six pays, répartis dans les cinq continents, vous éprouvez en ces jours cette joie fraternelle dont parle le psalmiste. Plus encore, représentants de Conférences épiscopales localement très distantes les unes des autres, vous faites l’expérience de la communion qui les unit; vous faites l’expérience de l’unité de l’Eglise dans sa variété. Aussi sommes-Nous très heureux de vous recevoir aujourd’hui et, en Nous trouvant parmi vous, de participer à cette joie familiale.

Cette joie nous porte tout spontanément à rendre grâce à Dieu pour cette unité qu’il nous a donnée. Ce don, comme tous les dons de Dieu d’ailleurs, nous avons à le recevoir toujours mieux, à nous y ouvrir toujours davantage. Nous avons et aurons toujours à progresser dans l’unité. Nous voudrions nous arrêter quelque peu sur ces pensées aujourd’hui: vous êtes précisément réunis par la préoccupation de travailler à la réintégration de tous les chrétiens dans l’unité ecclésiale voulue par le Christ. Vous êtes en effet venus à Rome, auprès des tombeaux des saints apôtres Pierre et Paul, pour faire le point avec Nous, par l’intermédiaire de notre Secrétariat pour l’unité, sur votre effort œcuménique, et rechercher ensemble les voies les meilleures pour le poursuivre et l’intensifier. Découlant en grande partie du deuxième Concile du Vatican, l’actuel engagement de l’Eglise catholique dans le mouvement œcuménique doit non seulement se poursuivre selon les directives du Concile, mais encore il doit être inspiré du même esprit conciliaire de solidarité et d’entraide mutuelle qui nous ouvre et nous rend dociles à l’action de l’Esprit- Saint.

Quelles que soient les difficultés rencontrées, les succès, ou parfois même les insuccès, nous devons continuer notre effort, car nous savons que c’est l’Esprit qui nous guide dans l’accomplissement de cette œuvre pour laquelle le Père a envoyé son Fils dans le monde: rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés (Cfr. Io. 11, 32). La mission première de l’Eglise n’est-elle pas d’appeler les hommes à entrer en communion avec Dieu, par le Christ, dans l’Esprit-Saint, puis de les aider à vivre dans cette communion qui les sauve et qui établit entre eux une unité aussi profonde et mystérieuse que celle du Père et du Fils? (Ibid. 17, 21-23)

Dans ces perspectives, cette unité apparaît comme un don tout gratuit de Dieu et nous devons croître sans cesse en cette unité, en même temps que nous devons croître sans cesse dans cette vie divine. Nous avons, tout au long de notre vie, comme l’Eglise tout au long de son pèlerinage terrestre, à progresser dans l’unité, à la manifester, à la défendre. Unité de la foi vécue et proclamée; unité du culte qui, dans la diversité de ses formes, est centré sur la célébration eucharistique rendant présent parmi nous et pour nous l’unique sacrifice du Christ; unité nourrie et approfondie par les sacrements qui rendent plus étroite ou rétablissent notre union avec le Christ; unité de notre vie commune sous la conduite des évêques groupés autour de l’évêque de Rome, chacun, selon sa responsabilité propre, étant chargé d’assurer la fidélité au don de Dieu et de faire régner la charité; unité catholique fortifiée et mise en lumière par la diversité des charismes, des cultures, des mentalités, des traditions, des coutumes et des disciplines qui, dans un même corps, par l’action du même Esprit, deviennent comme une immense symphonie à la louange de la gloire de Dieu.

Ce ministère de la réconciliation, cette tâche de l’Eglise, cette construction de l’unité dureront autant que l’existence terrestre de l’Eglise, jusqu’au jour où tout étant réuni dans le Christ, le Christ soumettra tout à son Père, où Dieu sera tout en tous (Cfr. 1 Cor. 15, 28).

Nous, chrétiens, nous sommes tendus de tout notre être vers ce but magnifique. Nous avons reçu ce ministère de réconciliation. L’incroyance de beaucoup de nos contemporains doit nous faire prendre une nouvelle conscience de l’urgence de porter remède à notre actuelle division: l’unité des disciples du Christ n’est-elle pas le grand signe qui doit solliciter la foi du monde? N’est-ce pas la raison pour laquelle le deuxième Concile du Vatican demandait que l’action œcuménique soit promue de telle sorte que la coopération entre les catholiques et les autres chrétiens, en matière sociale et technique, culturelle et religieuse, s’établisse «non seulement entre les personnes privées, mais aussi, au jugement de l’ordinaire du lieu, entre les Eglises ou communautés ecclésiales, et entre leurs œuvres? (Ad gentes, 15)

Le Concile souhaitait également «que tous les chrétiens, face à l’ensemble des nations, confessent leur foi en Dieu un et trine, en le Fils de Dieu incarné, notre Rédempteur et Seigneur, et par un commun effort, dans une estime mutuelle, qu’ils rendent témoignage à notre espérance que ne sera pas confondue (Cfr. Rom. 5, 5). La collaboration de tous les chrétiens exprime vivement l’union déjà existante entre eux, et elle met en plus lumineuse évidence le visage du Christ Serviteur» (Unitatis Redintegratio, 12). L’enseignement conciliaire nous sera un guide pour découvrir localement les domaines où cette collaboration est possible, les formes qu’elle peut revêtir, les écueils qu’elle doit éviter.

Nous ne pouvons pas esquiver, mais nous devons assumer les uns et les autres, avec lucidité et courage, notre responsabilité devant l’incroyance. Malheureusement, dans la situation actuelle de division des chrétiens, nos divergences sur le contenu du témoignage que nous devons donner empêchent que cette responsabilité commune se traduise toujours par des actions communes. Plus notre accord est grand, plus cette collaboration peut se développer. Avec les Eglises orthodoxes par exemple, nous sommes en communion presque totale, et les possibilités de collaboration pastorale sont à la mesure des liens étroits qui nous unissent.

Dans tous les cas il faut veiller à ce que, dans l’exercice de cette responsabilité commune, il y ait l’émulation spirituelle qui convient entre frères animés d’une vraie charité et soucieux, non seulement d’éviter toute vaine compétition, mais avant tout de promouvoir ce qui peut étendre le règne du Christ, leur unique Maître et Seigneur. Entre chrétiens passionnés de la vérité, il n’y a point de rivaux, il ne peut y avoir que des émules et des amis.

Dans ces sentiments Nous voudrions saluer tout particulièrement nos frères les observateurs qui sont ici et les remercier très sincèrement et cordialement de leur intérêt et de leur collaboration.

Nous rendons grâce à l’Esprit de Dieu de ce qu’il a accompli parmi nous en ces dernières années, des progrès, des très grands progrès réalisés dans la voie de la compréhension réciproque et de la charité fraternelle. Celui qui a commencé parmi nous cette œuvre merveilleuse saura la mener à son terme. Aussi est-ce avec générosité, dans une confiance fondée sur l’espérance, que nous devons aller de l’avant, «in nomine Domini».

                                        



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