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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE CONTRE LA LÈPRE

Vendredi 6 avril 1973

 

Chers Messieurs,

Cette rencontre, dont vous avez manifesté le désir, va interrompre quelque instant l’Assemblée générale de la Société européenne contre la Lèpre qui ouvre ce matin ses travaux. Pour notre part, Nous sommes heureux de vous accueillir, comme notre prédécesseur Pie XII avait accueilli les membres du Congrès international pour la défense et la réhabilitation sociale des malades de la lèpre.

Vous êtes en effet personnellement au premier rang de ceux qui se sont acharnés depuis des années à améliorer le sort des millions de personnes affectées par ce terrible fléau: certains ont su toucher profondément l’opinion publique; d’autres ont poursuivi l’invention et l’application de moyens thérapeutiques efficaces; d’autres encore se sont ingéniés à organiser des centres adéquats de soins ou d’éducation professionnelle. Vous représentez par ailleurs des Associations fort méritantes, parmi lesquelles Nous nous plaisons à saluer l’ordre Souverain de Malte, qui a trouvé dans le service des lépreux l’un de ses plus beaux titres de gloire et qui offre aujourd’hui l’hospitalité à cette Assemblée.

Certes, aujourd’hui, et en partie grâce à vous, la lèpre n’apparaît sans doute plus avec le caractère d’horreur qu’elle avait encore naguère et qui en faisait le type même de la maladie hideuse et contagieuse, condamnant ceux qui en étaient atteints à vivre comme des parias, à l’écart de la société, si profondément blessés dans leur dignité humaine qu’ils en perdaient toute espérance. Elle fait moins peur. La science a presque mis au point les moyens d’enrayer, de guérir, de prévenir. On a aussi démythisé, dans l’opinion publique, la fatalité de sa propagation. On a par là même fait tomber en partie l’ostracisme qui frappait les lépreux et leurs familles. Des organismes nombreux se sont créés, se sont fédérés, pour venir au secours des bonnes volontés individuelles, qui avaient souvent lutté seules et héroïquement contre le fléau. Il semble qu’on puisse maintenant envisager avec soulagement la fin de cette horrible plaie au flanc de l’humanité. C’est une victoire dont nous réjouissons vivement et dont Nous félicitons les promoteurs.

Mais peut-être l’opinion publique prend-elle acte de cette victoire de façon trop rapide et un peu légère? Vous qui suivez de près ces misères, vous savez que le progrès est encore loin d’avoir porté tous ses fruits, et que les efforts ne sauraient être relâchés. Le mal est circonscrit; mais il s’agit de dépister sans relâche les malades, de leur appliquer sans tarder les soins appropriés, de les réhabiliter pleinement, en leur permettant une activité professionnelle à la mesure de leurs moyens, de les réintégrer dans leur famille et dans la société. Œuvre moins spectaculaire, qui requiert organisation et technique, sympathie et amour, comme le rappelait Pie XII. C’est maintenant l’heure du dévouement discret et désintéressé, patient et persévérant. De plus, il n’échappe à personne que la lèpre apparaît et se répand principalement dans les pays qui souffrent déjà cruellement de la faim: comment trouveraient-ils, sans aide, les moyens de se procurer les appareils coûteux ou de former le personnel qualifié qui seraient nécessaires? Nous rejoignons là l’un des problèmes, et non des moindres, du développement du Tiers-Monde. C’est dire que votre œuvre n’a rien perdu de son importance ni de son urgence: elle doit continuer à mobiliser les hommes de bonne volonté.

L’Eglise, pour sa part, a toujours considéré cette œuvre comme un secteur privilégié de la charité que le Christ l’appelle à exercer. N’est-ce pas l’un des signes de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu: «les lépreux sont guéris»? (Matth. 11, 5) Et de fait, à plusieurs reprises, nous voyons Jésus étendre vers eux sa main puissante pour les délivrer et les rendre purifiés à leur entourage (Cfr. Luc. 5, 12-14; 17, 11-19). Lui-même, durant sa passion que nous nous apprêtons à célébrer, a été mis au rang de «ceux devant qui on se voile la face» (Cfr. Is. 53, 3), afin que nul ne soit privé de l’espérance permise aux fils de Dieu. Vous connaissez suffisamment ces chrétiens admirables qui, sur les traces de leur Maître, ont su compatir à la souffrance des lépreux, allant jusqu’à partager leur vie et leur sort pour les aider à vivre debout et les convaincre de l’amour tout proche de Dieu: qu’il suffise d’évoquer un Père Damien, un Carlos Ferris, un Pierre Donders, un Père Daniel de Samarate . . . Oui, aujourd’hui comme hier, une véritable communauté chrétienne est celle qui n’hésite pas à consacrer ses forces à réhabiliter ces frères infortunés, en reconnaissant en eux des membres du Christ à part entière. Et Nous osons ajouter: dans une société qui se targue de progrès et de fraternité, qui prétend bannir la discrimination, la promotion désintéressée des lépreux ne serait-elle pas l’une des pierres de touche d’une civilisation vraiment humaine?

Que ces quelques mots vous encouragent et vous réconfortent dans l’œuvre humanitaire et chrétienne qui vous tient à cœur. Sur vos personnes, sur vos institutions, sur votre labeur, comme sur ces amis lépreux qui nous sont chers à Nous aussi, Nous implorons avec abondance les grâces du Tout-Puissant.

                                      



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