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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PARTICIPANTS
À LA SESSION EXTRAORDINAIRE
DE L'ORGANISATION DE L'AVIATION CIVILE INTERNATIONALE*

Mercredi 19 septembre 1973

 

Monsieur le Secrétaire général, chers Messieurs,

C'est bien volontiers que Nous avons accueilli le désir de tette rencontre que vous avez manifesté au nom des participants à la Session extraordinaire de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale et à la Conférence diplomatique internationale de droit aérien. Vos paroles, Monsieur le Secrétaire général, indiquent bien l’enjeu du débat humain qui retient toute notre attention.

Certes, de par sa nature tout à fait particulière, le Saint-Siège semblerait moins concerné, pour lui-même, par les dispositions pratiques que vous élaborez pour les Etats, sur la répression de la capture illicite d’aéronefs. Nous vous remercions d’autant plus de l’avoir invité à vos travaux, comme observateur à l’Assemblée générale et plénipotentiaire à la table de la Conférence. Vous êtes bien convaincus, en effet, qu’étaient en péril le bien de l’homme, non seulement les droits des personnes innocentes - droits qui à nos yeux demeurent toujours inviolables -, mais aussi ce qu’on peut appeler le bien commun international: la sécurité que tous les passagers de l’aviation civile internationale sont en droit d’attendre d’un tel service, aujourd’hui capital pour les relations internationales, la possibilité aussi d’arriver à la paix par des moyens qui excluent la violence. Or, vous savez comment ces objectifs de justice et de paix, de droit international, rencontrent, à leur niveau le plus élevé, le message de l’Eglise catholique, et combien ils tiennent à cœur au Saint-Siège.

Vous n’attendez pas de Nous que Nous entrions ce matin dans la complexité des travaux que vous avez tenu à mener constamment sur les deux plans complémentaires. Les termes sont difficiles à définir, les processus difficiles à mettre en œuvre. Cette recherche des instruments juridiques les plus adéquats, c’est-à-dire les plus justes et les plus efficaces, compte tenu de l’adhésion effective et de l’engagement assuré des participants, aura été, au cours de ce mois, une tâche de patience. Mais Nous pensons utile de réaffirmer ici les principes de droit international qui, dans la conscience d’un monde civilisé et à plus forte raison dans la conscience chrétienne, devraient toujours inspirer les solutions techniques.

Et d’abord, Nous déplorons, Nous condamnons la violence. C’est pour Nous une aberration d’y recourir de façon générale, mais spécialement lorsqu’il s’agit de cette forme spécifique de violence que certains appellent terrorisme international et piraterie aérienne. Dans ces excès se trouvent en effet impliquées des personnes étrangères au conflit que l’on veut exacerber, comme peuvent l’être des femmes et des enfants. Ils compromettent la sécurité des transports internationaux, augmentent les ruines et les ressentiments. Ils ralentissent la marche vers la paix. «Comme d’autres faits, ajoutions- Nous le 13 septembre 1970, que le monde civilisé tout entier condamne aujourd’hui - séquestrations de créatures innocentes, tortures de prisonniers politiques, trafics clandestins et lucratifs de la drogue . . . -, ces actes énormes de piraterie, d’injustes représailles et d’inadmissible chantage ne devraient plus jamais se reproduire» (Cfr. L’Osservatore Romano, 14-15 septembre 1970). Dieu merci, du reste, la réprobation, non seulement d’individus, mais aussi de multiples collectivités, semble de plus en plus nette et unanime. Nous voulons y voir une sagesse prometteuse, celle qui cherche d’autres voies plus conformes à la raison et à la justice.

Puisse être aussi unanime la recherche des causes de semblables aberrations! «C’est un problème grave et urgent, disions-Nous au début de cette année aux membres du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, qu’il appartient à tous les partenaires de résoudre ensemble, par une loyale approche, sans omettre d’attirer aussi l’attention sur les causes de ce phénomène, ses modes et ses mobiles» (AAS 65, 1973, 39-40). Ceux-ci peuvent être bien lamentables et recouvrir des intérêts très particuliers. Ils peuvent aussi être suscités par la misère, la frustration, le désespoir qui résultent de conditions estimées intolérables au point de vue social, politique et économique: ainsi éclate une révolte, anarchique ou organisée, que l’on espère fructueuse dans ses résultats immédiats ou au moins dans l’opinion publique internationale. Tous les pays du monde doivent reconnaître éventuellement de telles causes, pour y porter remède avant qu’elles ne dégénèrent en violence: bien fragile serait la lutte contre le terrorisme sans cette prise de conscience, et sans la volonté tenace d’en éloigner les raisons, autant que faire se peut, et par des voies appropriées qui n’aggravent pas l’injustice.

Cependant, Nous le déclarons avec netteté, de telles causes ne sauraient justifier le recours à la violence exercée sur les aéronefs civils, sur leurs pilotes et leurs passagers. Non, la fin ne justifie pas les moyens, en ce domaine comme dans les autres. C’est particulièrement évident lorsqu’on met en œuvre des moyens si injustes et si dangereux pour l’ensemble de la navigation aérienne. Ce grave problème ne saurait non plus passer du domaine civil au domaine politique, Nous voulons dire se laisser grever de considérations politiques partielles. Ou alors, il faut envisager la politique au sens le plus élevé, celui de la sauvegarde du bien commun international, garanti par des Conventions ou par des accords internationaux, si possible multilatéraux, à défaut d’une autorité publique internationale. Nous formons le vœu que tous les membres de la communauté internationale en viennent à ratifier de tels accords, dans la conviction qu’il y va aussi, finalement, de leur propre intérêt. Est-ce rêver de penser que l’humanité est capable de se hausser à une telle conscience, avec le secours du Très-Haut qui inspire ce vœu au cœur de tout être humain digne de ce nom? Nous ne le croyons pas. C’est ce que Nous appelions dans notre message pour la Journée mondiale de la paix, le premier janvier 1973, «une loi sévère et pacifique pour régir les rapports internationaux»: N’êtes-vous pas fondamentalement à la recherche d’une telle loi?

L’Eglise, pour sa part, n’aura de cesse qu’elle ne forme la conscience de tous ses fils, qu’elle n’invite tous les hommes de bonne volonté, à promouvoir cette sécurité, à protéger les droits humains universels, à les défendre courageusement, à réaliser une justice pour tous, pour les victimes innocentes comme pour les populations injustement opprimées. Tout homme a droit au respect de sa dignité inviolable, tout l’homme est frère. La violence est un langage inhumain pour résoudre les conflits humains. La règle d’or demeure la raison et l’amour. Voilà le dessein du Créateur. Sans cet apport d’ordre moral, les instruments juridiques les plus perfectionnés risquent un jour ou l’autre d’être tournés et inopérants. C’est dans ce sentiment que Nous encourageons aussi, avec une particulière admiration, les instances qualifiées comme les vôtres, qui mettent en œuvre la solidarité internationale en ce domaine particulièrement important et vulnérable. Votre responsabilité est grande, grande aussi celle des Gouvernements. De tout cœur Nous implorons sur votre entreprise l’Esprit de justice et de paix du Très-Haut.


*AAS 65 (1973), p.497-499;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI, p.862-865;

ORf n.39 p.2;

La Documentation catholique, n.1639 p.815-816.



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