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APPEL DU PAPE PAUL VI
POUR LA PAIX AU LIBAN

Dimanche 30 novembre 1975

 

Comme nous sommes heureux d’accueillir votre salutation fraternelle et votre émouvant témoignage de foi, en ce lieu sacré!

Ici, en effet, nous vénérons la tombe de l’apôtre Pierre, le premier Evêque de Rome, celui-là même que le Seigneur Jésus avait choisi comme Pasteur à la tête de son troupeau, comme le fondement et le centre de son Eglise.

Ici, l’Eglise catholique a son point de convergence et son foyer de rayonnement, encore plus manifeste et plus actif en cette Année Sainte célébrée par toute la catholicité!
Ici, c’est aussi le lieu vers lequel l’Eglise maronite a toujours tourné son regard avec révérence et fidélité, au cours de sa longue histoire, et où les Papes, nos prédécesseurs, ont toujours accueilli ses dignes Représentants avec une particulière affection et vénération!

En ce lieu donc, soyez le bienvenu, Bienheureux et vénéré Patriarche de cette Eglise maronite d’Antioche, Antoine Pierre Khoraiche! De votre Eglise qui est la gloire du Liban, vous nous apportez, avec votre présence et cette célébration commune des saints mystères eucharistiques, la confirmation de la communion qui unit la communauté maronite à l’Eglise catholique, et vous nous offrez l’occasion d’échanger avec vous et avec toute votre famille patriarcale nos sentiments de respectueuse et cordiale adhésion!

Bienvenue aussi à tous ceux qui vous accompagnent! Et de même à tous ceux qui se rassemblent autour de vous et de nous pour rendre honneur au nouveau Patriarche de l’Eglise maronite, venu à Rome pour professer sa foi, recevoir le sacré pallium, signe de son autorité métropolitaine, et pour éprouver - Dieu le veuille! – quelque réconfort dans les douloureuses circonstances qui, aujourd’hui, font tant souffrir la chère communauté maronite et cette terre du Liban qui nous tient tant à cœur.

Nous venons d’écouter avec recueillement votre vibrant message, imprégné de foi et d’espérance, votre appel pressant à la charité et à la réconciliation. De grand cœur, nous le faisons nôtre. Pour nous, nous soulignerons seulement la part de choix que votre communauté maronite assume dans la mission des Eglises orientales et dans la mission du Liban.

«Les Eglises d’Orient s’honorent, en effet, d’une ancienneté vénérable grâce à laquelle resplendit en elles la tradition apostolique transmise par les Pères qui fait partie du patrimoine de l’Eglise universelle» (Orientalium Ecclesiarum, 1). Le récent Concile a voulu remettre en pleine lumière ce fait si important. C’est un trésor, un trésor vivant, que représentent ainsi ces communautés ecclésiales, et l’Eglise maronite y occupe une place vénérable, comme un rameau florissant du rite syro-antiochien. Il vous revient donc de garder et d’épanouir la richesse de la foi et de la doctrine, de la spiritualité et de la discipline, de la liturgie et de l’histoire dont vous avez hérité. Votre tradition originale a été restaurée et vous savez combien l’Eglise désire la voir respectée et promue (Ibid. 6). Les Eglises catholiques d’Orient doivent veiller avec le même soin à entretenir avec l’ensemble de l’Eglise catholique une profonde communion, faite d’estime, de connaissance mutuelle et de collaboration; et tout particulièrement avec ce Siège romain, établi comme signe et fondement de l’unité: c’est votre honneur de l’avoir si bien compris. Enfin, par leur proximité et leur affinité spirituelle avec les Eglises séparées, elles ont aussi une responsabilité providentielle de premier plan pour la réconciliation de tous les chrétiens (Cfr. Orientalium Ecclesiarum, 24). Telle est, chers Frères et Fils maronites, la mission commune à tous les catholiques d’Orient, qui vous échoit à un titre spécial, étant donné la cohésion, la force et la fidélité de votre communauté.

Vous avez aussi une responsabilité spéciale au Liban, et, comme libanais, au Proche Orient. Dès le cinquième siècle, le grand évêque Théodoret de Cyr illustrait l’Eglise d’Antioche par ses prises de position courageuses dans les controverses christologiques du temps. Vous êtes toujours les témoins de la tradition de saint Maron, qui a su se maintenir vivante depuis ce fameux monastère de la vallée de l’Oronte, fidèle à la foi authentique au milieu de tous les vents de l’histoire, et soucieuse de sainteté contemplative. Il nous revient en mémoire une parole admirable du «divin Maron», comme aimaient l’appeler ses biographes: Sanctorum autem oratio commune malis omnibus est remedium (PG 82-1418). Oui, cet enracinement dans la prière, ne serait-ce pas, aujourd’hui encore, le remède à bien des maux, l’arme évangélique par excellence, avec la charité, une source de paix et de fraternité, un témoignage de l’essentiel?

Par ailleurs, vous faites partie intégrante de la société libanaise qui, en tant de domaines économiques, sociaux, culturels, a manifesté un si vif souci de se rénover, de correspondre aux besoins de ses populations, aux requêtes légitimes du monde moderne, dans le sens du progrès, de la justice, d’une participation équitable, de la paix. Ce sont là des objectifs dont le Liban peut être fier et qui requièrent évidemment l’engagement des chrétiens, dans la ligne de la Constitution Gaudium et Spes que Votre Béatitude s’est plu à citer. Nous aimons penser que l’Eglise au Liban, dont la communauté maronite constitue une si large part, est la première à donner l’exemple de cet aggiornamento en ce qui la concerne, et de ce service adapté en ce qui concerne la société moderne de ce noble Pays.

Un point mérite d’être aujourd’hui souligné: votre contribution à la paix. Jusqu’ici, votre pays a offert en exemple la possibilité concrète, malheureusement trop rare, d’une vie paisible et fraternelle entre communautés assez diverses sur le !Plan ethnique et religieux; d’une société ouverte également aux apports de civilisations différentes et capable de les harmoniser en gardant son originalité. Aujourd’hui des dissensions, radicalisées jusqu’aux combats meurtriers et destructeurs, sembleraient remettre en question cet équilibre dynamique. Nous en sommes profondément affligé, pour vous-mêmes, pour tous vos compatriotes que nous aimons, pour le Moyen-Orient qui garde les yeux fixés sur cette formule de coexistence entre musulmans et chrétiens, pour tous les hommes épris de paix à travers le monde. Alors, au nom de l’Evangile, nous vous supplions d’user de tout le poids dont vous disposez au Liban pour faciliter la pacification et la réconciliation. Et nous adjurons encore une fois, au nom de l’humanité, tous les responsables de saisir la chance qui demeure de promouvoir l’unité au Liban, en refusant les incitations à la violence d’où qu’elles viennent, en mettant fin aux combats fratricides, en entretenant ou en reprenant des contacts amicaux entre tous les croyants, chrétiens, musulmans et juifs, en recherchant une collaboration sincère entre tous les citoyens. Œuvre délicate, œuvre difficile, certes, qui demande un effort loyal chez tous. Mais, nous n’en doutons pas, c’est le témoignage qui sied à des chrétiens, surtout en cette Année Sainte, c’est l’attitude normale de frères professant la foi au même Dieu, c’est le seul chemin de l’humanité.

Dans cette conjoncture - que nous tenons très présente à l’esprit en célébrant la mort et la résurrection du Seigneur – croyez bien, chers amis, que la compréhension affectueuse de tous vos frères catholiques, leur confiance, leur prière, leur soutien vous accompagnent. Le Saint-Siège, tout spécialement, vous demeure très proche en ces heures douloureuses, en espérant que vous puissiez jouir toujours d’un climat favorable à l’épanouissement de votre communauté maronite et de vos activités pastorales et caritatives. Soyez sûr aussi que la lumière et la force de l’Esprit Saint ne vous manqueront pas pour ce témoignage évangélique. En gage de ces grâces, en signe de notre communion et de notre particulière sollicitude, nous vous donnons notre Bénédiction Apostolique.

                                                                                                  



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