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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX EVÊQUES SUISSES
EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Jeudi 1 décembre 1977

 

Chers Frères dans le Christ,

Soyez remerciés pour ces paroles qui témoignent d’une confiance affectueuse envers notre Personne, d’un ferme attachement au Siège de Pierre. Et soyez les bienvenus dans cette Maison du Pape, dans cette Cité de Rome qui constitue notre diocèse. Non seulement vous venez y accomplir en commun le pèlerinage aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul et la visite à leur Successeur; mais vous avez choisi la Ville éternelle comme siège de la cent-cinquante-huitième conférence des Evêques suisses, marquant par là votre souci de réfléchir à vos responsabilités pastorales, en harmonie avec ce centre de l’unité et dans le voisinage des Dicastères romains, consacrés aux besoins communs de l’Eglise universelle. De cet esprit, de cet exemple de «Sensus Ecclesiae», Nous vous félicitons et Nous vous remercions. Nous formons des vœux chaleureux pour le ministère de chacun d’entre vous, spécialement de ceux qui ont reçu tout récemment la charge épiscopale.

Notre propos n’est point d’ajouter à vos préoccupations déjà lourdes, ni de Nous substituer à vous dans la recherche et l’adoption de mesures opportunes, aptes à promouvoir la fidélité et le dynamisme apostolique de vos communautés chrétiennes. Les comptes rendus de vos fréquentes «conférences», l’analyse détaillée du volumineux rapport préparé pour cette visite manifestent un tour d’horizon minutieux des problèmes, auxquels vous vous attachez à faire face. Nous sommes heureux d’observer avec vous la vie de l’Eglise en Suisse, d’en éclairer la marche, en soulignant quelques efforts qui Nous paraissent particulièrement importants.

Tout d’abord, sans négliger vos responsabilités proprement diocésaines, vous êtes soucieux d’organiser, entre les différentes régions linguistiques, une collaboration d’autant plus méritoire qu’elle demeure difficile, étant donné la diversité des langues, des cultures, des traditions très enracinées dans un terroir marqué par le régionalisme des cantons et dont il ne s’agit point, bien sûr, de perdre la sève locale. Cet effort de communion dans vos projets pastoraux s’inscrit dans le cadre de votre cher pays, qui a toujours su harmoniser dans la paix, au niveau fédéral, la communauté de destin, et le bien particulier. Nous encourageons cette coordination nécessaire pour vous, face à des problèmes qui, aujourd’hui, deviennent très vite similaires. Le Saint-Siège n’a pas jugé opportun de retenir le projet d’un «Conseil pastoral national» pour les raisons que vous connaissez, et Nous vous savons gré d’avoir loyalement fait comprendre au peuple chrétien le sens d’une telle décision, prise non seulement dans l’intérêt de l’Eglise universelle, mais dans l’intérêt de l’Eglise qui est en Suisse. Il reste à chercher, en accord avec le Saint-Siège et selon les exigences canoniques, la voie la plus opportune et la plus sûre pour établir un style de collaboration fructueuse entre les services diocésains et interdiocésains, sous l’autorité de la Conférence des Evêques, responsables en dernier ressort de l’unité et de l’authenticité de la pastorale.

Vous êtes confrontés, en Suisse comme ailleurs, à un certain nombre de questions nouvelles ou d’initiatives qui demandent intérêt et mûre considération. Il faut en effet annoncer l’Evangile dans le contexte actuel; dans des termes qui puissent atteindre les nouvelles générations; il importe de trouver la meilleure façon de prier et de célébrer; les chrétiens doivent donner un témoignage de charité et de justice adapté aux besoins d’aujourd’hui. Autour de vous, des laïcs et des prêtres manifestent en ces domaines un zèle très actif. Il reste qu’il s’agit souvent de questions délicates: leurs solutions, pour être fructueuses et durables, doivent toujours tenir compte de nombreux éléments qui peuvent échapper à tel individu ou à tel groupe spécialisé, même bien intentionné: la réponse aux divers besoins religieux, avec le respect des sensibilités légitimes, et le souci missionnaire de fidélité à la Révélation, à l’ensemble des énoncés du Magistère, aux règles canoniques, aux décisions du Saint-Siège, à la doctrine sûre, des théologiens. En fonction de tous ces éléments, «nova» et «vetera» comme vous l’avez si bien rappelé, il vous appartient non seulement de veiller à la valeur des efforts proposés ou entrepris, mais de former vos coopérateurs à cette appréciation. Le Concile Vatican II, et les applications autorisées qui en ont résulté, tracent le cadre de pensée et la voie sûre à suivre. Ceux qui les négligent ou veulent les contrecarrer, en invoquant la fidélité au passé, sont infidèles à la mission de l’Eglise aujourd’hui et à sa responsabilité pour demain; ceux qui les outrepassent pour suivre leur propre inspiration édifient sur le sable une Eglise sans racine. Les uns et les autres portent préjudice à l’unité et à la crédibilité de l’Eglise: Nous ne cessons de le dire avec netteté.

Nous sommes réduits, faute de temps, à n’évoquer que quelques secteurs où se déploie la vitalité de l’Eglise en Suisse. Grâce à un intense travail de préparation et d’animation, la liturgie rénovée connaît chez vous un bel essor, avec une heureuse participation du peuple. C’est encourageant. Gardez-lui son premier rôle qui est la gloire du Seigneur et l’expression festive du Salut. Nous espérons que les catholiques de Suisse pourront tirer un grand profit du document pastoral que votre Conférence est en train de mettre au point sur le «dimanche des chrétiens». Nous pensons aussi aux louables efforts réalisés pour une meilleure préparation aux sacrements. A ce sujet, les normes qui sont édictées par le Siège Apostolique garantissent l’authenticité et l’équilibre de ce renouveau, en évitant que des éléments importants ne soient négligés, comme par exemple la confession individuelle des péchés y compris celle des enfants qui se disposent à communier. Il faut que les pasteurs en comprennent le bien-fondé et lui consacrent la place et le temps nécessaires.

La préparation au ministère presbytéral demande évidemment de grands soins et vous en mesurez, comme Nous, les exigences théologiques, spirituelles et pastorales que la «ratio institutionalis sacerdotalis» a pour but de fixer. L’institution du diaconat permanent et l’appel aux divers ministères ecclésiaux non ordonnés, qui peuvent être très bénéfiques, sont inséparables de l’éveil et du soutien des vocations sacerdotales, qu’il vous revient aussi d’encourager. Dans le service de la communauté diocésaine unifiée autour de son Evêque, l’Eglise a grand besoin des uns et des autres, chacun à sa place, comme elle a besoin, en même temps que de fonctions tenues par des hommes, d’une large participation féminine en de nombreux domaines de la pastorale où cet apport est irremplaçable.

Pour tous, prêtres et laïcs, une formation doctrinale approfondie, jointe à la prière, peut seule permettre de faire face, avec l’intelligence et la rigueur qui conviennent, aux remises en question provoquées par les mutations de civilisation, accentuées par les mass media. Nous avons beaucoup apprécié, en son temps, l’œuvre, la sagesse et le sens ecclésial du vénéré Cardinal Charles Journet, qui demeure pour nous tous un exemple du théologien fidèle et ouvert. Les théologiens ont en effet une énorme responsabilité dans l’Eglise: puissent-ils ne jamais oublier qu’ils assument une des plus hautes fonctions au service du peuple de Dieu et que leur première règle est de situer leur recherche et leur enseignement à l’intérieur de la foi! S’ils venaient à l’oublier, que la communauté chrétienne soit dûment avertie des exigences de la vérité; c’est une question non seulement de discipline ecclésiastique, mais de loyauté. Nous sommes heureux de penser que vous disposez, grâce notamment aux Facultés de Théologie de Fribourg et de Lucerne, de possibilités avantageuses pour répondre aux exigences d’aujourd’hui. Outre les prêtres, de nombreux laïcs, en particulier des catéchètes, ont pu déjà bien approfondir leur foi. C’est très important pour eux-mêmes et pour leurs frères. Nous pensons aux jeunes, dont la persévérance, disons plutôt l’épanouissement spirituel, a besoin d’une nourriture solide et d’une expérience de vie chrétienne communautaire.

Nous apprécions aussi la part que vous prenez, comme Evêques, à l’éducation des consciences. Ce faisant, vous aidez à la fois la rectitude morale des croyants, inséparable d’une foi sincère, et l’assainissement des mœurs de la société. Les récentes circonstances vous ont ainsi amenés à préciser, avec clarté et fermeté, le respect dû à toute vie humaine.

Et Nous sommes sûr que vous trouverez les moyens de poursuivre cette éducation de la meilleure façon, sans détacher le point en question des autres exigences de la maîtrise de soi dans l’amour conjugal, de la vie familiale, de la sainteté du mariage. Vous n’omettez pas non plus de développer le sens de la justice, de la paix, de la pauvreté évangélique, du partage, de la solidarité dans le développement des peuples moins favorisés: vos efforts ne sont pas vains, si l’on en juge, pour ne citer qu’un exemple, par la générosité des collectes de Carême.

Certains secteurs posent des problèmes plus aigus chez vous. Le voisinage quotidien des confessions catholique et protestante, notamment dans les foyers de religion mixte, vous incite à pratiquer un œcuménisme sage, à l’intérieur des orientations données par le Saint-Siège pour garantir le bien spirituel des conjoints. Un certain nombre se sont engagés dans cette voie avec beaucoup d’ardeur pour retrouver l’unité voulue par le Christ. Puisse cet œcuménisme, pour l’ensemble des chrétiens, se solder, non par l’indifférentisme ou l’éclectisme, mais par une émulation dans la recherche de la Vérité, vécue dans une vraie charité, par une commune croissance dans la foi et par un souci renforcé d’éduquer les jeunes à une foi exigeante!

La présence des migrants étrangers, venus en Suisse pour travailler, suscite aussi des questions difficiles. L’Eglise a beaucoup contribué à ce qu’ils trouvent l’accueil et la compréhension qu’ils méritent, et aussi l’aide spirituelle dont ils ont besoin, et qu’apportent avec générosité de nombreux missionnaires, «pères spirituels» comme vous avez dit: Nous encourageons ceux-ci à travailler en étroite coopération avec vous. Votre pastorale ne peut non plus ignorer le gros afflux de touristes que vous valent la tradition hospitalière et la beauté de votre pays. Nous pensons enfin à la ville de Genève, internationale par excellence, grâce à la présence d’institutions intergouvernementales au non-gouvernementales dont la plupart dépendent des Nations Unies: Nous recommandons vivement à votre impulsion pastorale l’apostolat spécial que vos prêtres et militants laïcs peuvent offrir aux chrétiens de ces milieux qui portent d’énormes responsabilités au service du monde. Nous arrêtons là une énumération de secteurs pastoraux où Nous savons bien que votre zèle est à l’œuvre. Ils demandent sans doute des institutions bien organisées, mais plus encore un esprit imprégné de l’Evangile et une grande confiance en la grâce de Dieu. «Je suis avec vous» dit le Seigneur: telle est la parole réconfortante que ses apôtres doivent sans cesse se rappeler.

Que l’Esprit Saint vous éclaire et vous soutienne sur ce vaste chantier où il vous appelle à semer le grain de la Bonne Nouvelle et à veiller à sa croissance, même si vous n’avez pas aussitôt la joie de la moisson!

Pour Nous, ce n’est pas sans émotion que Nous nous souvenons de notre voyage à Genève, de notre visite à l’Organisation Internationale du Travail, au Conseil Oecuménique des Eglises, de notre contact avec les autorités helvétiques et avec le peuple chrétien de Genève. Oui, Nous avons apprécié l’accueil de vos compatriotes, comme Nous apprécions quotidiennement ici le service dévoué et ponctuel des Gardes suisses. Que Dieu bénisse votre pays!

Portez à vos prêtres, religieux, religieuses et laïcs notre salut affectueux et la Bénédiction Apostolique que Nous vous donnons de grand cœur!

                                  



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