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LETTRE DU PAPE PIE XII
AU PRÉSIDENT DES É
TATS-UNIS,
S.E. M. FRANKLIN DELANO ROOSEVELT, EN RÉPONSE
À L'ENVOI D'UN REPRÉSENTANT PRÈS LE SAINT-SIÈGE
*

7 janvier 1940

Excellence, salut et prospérité !

Le message mémorable que Votre Excellence Nous a fait parvenir à la veille de Noël a jeté sur les souffrances, sur les préoccupations angoissantes et sur les amertumes des peuples emportés dans le tourbillon de la guerre, un rayon de consolation, d’espoir et de confiance qui vous a valu un hommage spontané de profonde reconnaissance de la part de toutes les consciences droites.

Profondément ému pour le noble contenu de votre communication, dans laquelle l’esprit de la fête de Noël et le désir d’appliquer cet esprit aux grands intérêts de l’humanité ont trouvé une si persuasive expression ; et pleinement convaincu de son importance extraordinaire, Nous ne tardâmes pas à porter cette communication à la connaissance de l’illustre Assemblée cardinalice réunie le même jour dans la salle du Consistoire au palais apostolique du Vatican, en témoignant solennellement devant le monde catholique et non catholique combien Nous apprécions ce courageux document de sagesse politique éclairée et de haute humanité.

Un trait caractéristique du message de Votre Excellence a tout particulièrement frappé Notre attention, son étroit contact spirituel, avec les pensées, les sentiments, les espoirs et les aspirations des masses, c’est-à-dire de ces couches de la population sur lesquelles pèse le plus, dans une mesure qui n’avait jamais été atteinte, le fardeau des douleurs et des sacrifices de l’heure présente si inquiétante et orageuse.

Même sous cet aspect, personne peut-être ne peut apprécier mieux que Nous-même la signification, la force démonstrative et l’émouvante chaleur du geste de Votre Excellence. Nous connaissons, en effet, par expérience personnelle, le quotidien et profond désir de paix dont sont animés toua les peuples.

La nostalgie de la paix et la volonté de rechercher et de mettre à exécution les moyens permettant de la réaliser se manifestent d’autant plus puissamment que la guerre et ses répercussions s’étendent plus largement et que la vie économique, sociale et familiale est arrachée à des bases normales pour suivre les voies du sacrifice et des privations de tous genres dont la triste nécessité ne se manifeste pas encore aux yeux de tous.

Au moment – que Nous souhaitons ne pas être trop éloigné – où le bruit des armes commencera à s’apaiser et où il apparaîtra possible de réaliser une paix sérieuse, saine, conforme aux règles de la justice et de l’équité, ce n’est que ceux qui joignent au pouvoir politique la claire compréhension des besoins de l’humanité et un profond respect pour, les règles de l’Évangile qui pourront trouver la voie Juste. C’est seulement à des hommes de cette trempe qu’il sera donné de créer une paix capable de compenser les gigantesques sacrifices de cette guerre et d’aplanir la voie pour une entente plus équilibrée, plus confiante et plus féconde entre les nations.

Nous savons combien sont puissants et chaque jour plus ardus les obstacles qui s’opposent encore à la réalisation de cet objectif, et si les amis de la paix ne feulent pas travailler sur le sable, ils doivent avoir la claire vision de ces graves obstacles et, donc, de la mince probabilité d’un rapide succès, tant que l’état actuel des forces en présence ne subira pas d’essentielles modifications.

Comme Vicaire sur terre du Dieu de la paix, dès le début de Notre Pontificat, Nous avons consacré Nos efforts et Nos initiatives, d’abord su maintien de la paix, puis à son rétablissement. Insouciant des insuccès et des difficultés, Nous poursuivons Notre marche sur la voie tracée par Notre mission apostolique. L’écho qui, en ce chemin souvent aride et épineux, Nous parvient d’innombrables côtés, du sein de l’Église et du dehors de l’Église, Nous est, avec la certitude du devoir accompli, la plus large et la plus consolante des récompenses.

Le fait qu’en un moment d’angoisse et de trépidation universelle, le premier magistrat de la grande Confédération nord-américaine ait voulu prendre, sous le signe de la sainte fête de Noël, une place aussi distinguée dans l’avant-garde des promoteurs de la paix et de généreux secours aux victimes de la guerre, doit être considérée comme une aide providentielle que Nous saluons avec joie et gratitude et qui augmente Notre confiance.

Ce geste est, d’autre part, un acte exemplaire de fraternelle et chaleureuse solidarité entre le nouveau et l’ancien monde, en défense contre la vent glacé des tendances athées et antichrétiennes, agressives et destructrices, qui menace de dessécher les sources où la civilisation a pris naissance et s’est développée.

Dans ces conditions, ce sera pour Nous un motif de particulière satisfaction, comme Nous l’avons d’ailleurs déjà fait savoir à Votre Excellence, d’accueillir avec tous les égards dus à ses qualités éprouvées et à l’importance de sa haute mission, le représentant qui Nous sera mandé par Votre Excellence, en qualité de fidèle interprète de ses Intentions orientées vers l’établissement de la paix et le soulagement des souffrances qui dérivent de la guerre.

Évoquant avec une vive satisfaction le souvenir suave que Nous a laissé Notre inoubliable visite à votre grande nation et revivant par la pensée la joie profonde que Nous procure l’occasion de faire personnellement votre connaissance, Nous vous exprimons à Notre tour Nos souhaits les plus fervents, en formulant les vœux les plus cordiaux pour la prospérité de Votre Excellence et celle de tout le peuple des États-Unis.


* La Documentation catholique 1940 n°909 c.109-110.

Actes de S.S. Pie XII, vol. II, p.28-32.

Documents Pontificaux 1940, p.21-24.



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