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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AU MOUVEMENT OUVRIER CHRÉTIEN DE BELGIQUE*

Dimanche 11 septembre 1949

Soyez les bienvenus dans la maison du Père commun de la chrétienté, chers fils et chères filles, qui représentez ici la grande famille des travailleurs chrétiens de Belgique. Vous goûtez en cet instant une des plus douces joies de votre vie. Nous le savons et Nous en voyons la preuve dans votre diligence à amasser, sou par sou, de quoi subvenir aux lourdes dépenses de votre pèlerinage et — émouvant témoignage de charité fraternelle — de quoi faire partager à de plus besogneux la faveur de cette visite à la Ville éternelle.

Vous venez d'un pays qui, par l'ampleur et la puissance de ses entreprises industrielles, fait l'admiration de tous. Vous-mêmes, par votre « Mouvement Ouvrier Chrétien de Belgique », vous constituez une armée solidement encadrée, éprouvée par des luttes parfois orageuses, composée de combattants enrôlés au service de Jésus-Christ dans le monde du travail ; une armée, aussi, tout à la fois répartie en formations multiples bien distinctes, et fortement unifiée par sa volonté résolue, par son ambition ardente de frayer la voie, dans le champ du travail, en Belgique, à la Souveraineté du Christ.

Votre mouvement comporte une forte organisation syndicale visant à sauvegarder, dans cette vaste sphère, les droits de l'ouvrier, à les maintenir au niveau des exigences modernes. Les syndicats ont surgi, comme une conséquence spontanée et nécessaire, du capitalisme érigé en système économique. Comme tels, l'Église leur a donné son approbation, à la condition toutefois que, appuyés sur les lois du Christ comme sur leur base inébranlable, ils s'efforcent de promouvoir l'ordre chrétien dans le monde ouvrier. C'est bien cela que veut votre syndicat : c'est à ce titre que Nous le bénissons.

Le mot d'ordre du Syndicat pourrait se formuler par l'adage : - « Aide-toi, le ciel t'aidera ». C'est celui de votre Fédération nationale des coopératives chrétiennes. Fruit magnifique de l'arbre de la doctrine sociale de l'Église ! Quelle contribution ces coopératives ont apportée à l'amélioration et à la sécurité de la situation économique du travailleur et de sa famille ! Voilà, certes, une œuvre d'authentique solidarité, qui répond à la parole de l'Apôtre : « Portez les fardeaux les uns des autres » (Ga 6, 2). Elle aussi Nous la bénissons ! Vous avez dans vos programmes et dans vos cadres une organisation spéciale pour venir en aide aux victimes de la maladie, en utilisant et en cultivant judicieusement les forces physiques, souvent bien limitées, dont elles jouissent encore, leur capacité et leur volonté de travail. Œuvre excellente de vraie charité et de vrai courage chrétien que, de tout cœur, Nous bénissons !

Outre ces organisations, qui tendent directement à la défense et à la sauvegarde des intérêts matériels, vous avez encore vos institutions et vos unions destinées à la formation et à l'éducation du travailleur ; institutions et unions indispensables pour assurer à la classe ouvrière la place qui lui revient dans la société. L'ouvrier, être vivant, personne humaine, a d'autres besoins d'ordre supérieur et, faute de les satisfaire, les améliorations d'ordre matériel seraient elles-mêmes, en fin de compte, rendues vaines. Voilà pourquoi Nous louons hautement vos efforts en vue de développer la culture spirituelle de l'ouvrier et Nous les bénissons !

Source de ces œuvres si dignes d'éloges est votre noble ambition d'exercer l'apostolat, mais un apostolat sagement conçu, sérieusement préparé et organisé, dont l'objectif est la conquête des âmes et des sociétés au règne du Christ. L'ouvrier, apôtre des ouvriers ! Splendide idéal, éminemment vital ! Avec quel amour Nous bénissons vos œuvres de zèle ! Nous leur souhaitons d'augmenter leur recrutement, de trouver plus de coopérateurs et de coopératrices. Mais Nous souhaitons surtout que ceux-ci, remplis eux-mêmes de l'esprit et de l'amour du Christ jusqu'à en déborder, répandent autour d'eux la bonne nouvelle sur toute l'étendue de l'immense champ du travail, pour ramener au Divin Pasteur des âmes les brebis qui s'étaient fourvoyées loin de lui, pour lui en gagner beaucoup d'autres qui, jusqu'à présent, ne le connaissaient pas.

Puisse tout particulièrement Notre bénédiction rendre toujours plus effectif, toujours plus parfait votre « Mouvement ». Le nom même n'y invite-t-il pas expressément ? Un mouvement n'est pas une simple construction, une organisation purement statique, si ingénieuse, si gigantesque qu'elle soit. Mouvement dit vie. La vie, c'est-à-dire la capacité de s'adapter au jour le jour à tous les devoirs, à toutes les activités que viennent suggérer le temps, le lieu, les circonstances les plus diverses. Vie qui, jaillissant des profondeurs, s'écoule, fraîche et abondante, par l'initiative sans cesse en éveil de chaque individu et de chaque groupe. Soyez-en persuadés : c'est cela précisément, c'est cette source intérieure qui fait votre véritable force, bien plus que le nombre de vos adhérents.

Puisse, en outre, Notre bénédiction vous obtenir — toujours, bien entendu, en union étroite avec vos évêques « établis par l'Esprit Saint pour gouverner l'Église de Dieu » (Ac 20, 28) — de demeurer inébranlablement membres, et membres dévoués, insignes, de cette Église et d'imprégner, du levain de la foi et de l'action chrétiennes, toute la vie privée et publique. Votre conduite doit être une éclatante réponse aux calomnies des adversaires, qui accusent l'Église de tenir jalousement en laisse les laïques, sans leur permettre aucune activité personnelle, sans leur assigner une tâche propre dans son domaine. Telle n'est point, telle n'a jamais été son attitude. Ne parlons pas ici de la croissance intérieure de la foi et de la vie surnaturelle, dans la pureté du cœur, dans l'amour de Dieu et dans la ressemblance divine, que la grâce opère dans le secret des âmes. En cela, c'est trop clair, chacun, quel qu'il soit et quelle que soit sa condition, prêtre ou laïque, du plus humble au plus haut placé, jouit, sans distinction, des mêmes droits et des mêmes privilèges. Mais, jetez un coup d'œil sur l'histoire, déjà plus que séculaire de votre Belgique moderne: si vous avez pu atteindre de si beaux résultats, améliorer, consolider, perfectionner les positions catholiques, pour le plus grand bien de votre chère Patrie, n'est-ce pas, en bonne part, le fait du rôle actif joué par les laïques catholiques ? On pourrait dire la même chose de tant d'autres États. N'est-il pas aussi ridicule qu'odieux d'accuser le clergé de tenir les laïques dans une humiliante inaction ? Qu'il s'agisse des questions familiales, scolaires, sociales ; qu'il s'agisse de science ou d'art, de littérature ou de presse, de radio ou de cinéma ; qu'il s'agisse de campagnes politiques pour l'élection des corps législatifs ou pour la détermination de leurs pouvoirs et de leurs attributions constitutionnelles, partout les laïques catholiques trouvent ouvert devant eux un vaste et fertile champ d'action.

Puisse, enfin, Notre bénédiction aider la classe laborieuse chrétienne de la Belgique à sortir saine et sauve du péril qui, en ce temps même, menace, un peu partout, le mouvement ouvrier.. Nous voulons dire : la tentation d'abuser (Nous parlons de l'abus, et nullement de l'usage légitime) d'abuser de la force d'organisation, tentation aussi redoutable et dangereuse que celle d'abuser de la force du capital privé. Attendre d'un tel abus l'avènement de conditions stables pour l'État et la société, serait, d'une part tout autant que de l'autre, vaine illusion, pour ne pas dire aveuglement et folie ; illusion et folie d'ailleurs doublement fatales au bien et à la liberté de l'ouvrier, qui se précipiterait ainsi lui-même dans l'esclavage.

La force de l'organisation, si puissante qu'on veuille la supposer, n'est pas d'elle-même et prise en soi, un élément d'ordre. L'histoire récente et actuelle en fournit constamment la preuve tragique ; quiconque a des yeux pour voir s'en peut aisément convaincre. Aujourd'hui comme hier, dans l'avenir comme dans le passé, une situation ferme et solide ne peut s'édifier que sur les bases jetées par la nature — en réalité par le Créateur — comme fondements de la seule véritable stabilité. Voilà pourquoi Nous ne Nous lassons pas de recommander instamment l'élaboration d'un statut de droit public de la vie économique, de toute la vie sociale en général, selon l'organisation professionnelle.

Voilà pourquoi Nous ne Nous lassons pas non plus de recommander la diffusion progressive de la propriété privée, des moyennes et petites entreprises.

Le sens des réalités, qui est un des traits propres du caractère belge, le sentiment chrétien profondément ancré dans le cœur, de votre peuple, chers fils et chères filles, écarteront de vous, Nous en avons la ferme confiance, un si grave danger, si jamais il devait tenter de vous assaillir. Non, vous êtes de ceux qui édifient avec le Seigneur la maison et la Cité (cf. Ps 126), en vue du bien commun, avec justice et charité envers tous, dans l'esprit et selon la loi de Jésus-Christ.

C'est dans cette encourageante pensée que Nous donnons à vous tous ici présents et au Mouvement Ouvrier chrétien de Belgique, avec une paternelle bienveillance et dans l'effusion de Notre cœur, Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XI,
Onzième année de pontificat, 2 mars 1949 - 1er mars 1950, pp. 205-208
Typographie Polyglotte Vaticane



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