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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU PREMIER CONGRÈS
INTERNATIONAL DES ARTISTES CATHOLIQUES*

Dimanche 3 septembre 1950

C'est une opportune et utile initiative que vous avez prise, très chers fils, en suscitant et organisant parmi vous le premier Congrès international des artistes catholiques, dont Nous sommes heureux de saluer ici les distingués représentants.

On a déjà tant parlé de l'art, sujet inépuisable ! Votre présente démarche Nous invite à mettre en relief — très brièvement — la part de l'art dans l'œuvre de la Paix. Pax Romana !

Les agitations d'un monde ébranlé dans son fondement, les mésintelligences des esprits, les oppositions des intérêts, les ombrages d'un particularisme hypersensible, ont, malgré la multiplication des contacts et des rapprochements matériels, accentué les isolements, élargi et approfondi les distances morales. L'excès même du mal a mis petit à petit en plus vive lumière la nécessité d'unir dans une communauté d'action toutes les forces dispersées des nations et des peuples désireux de la paix.

Ce n'est pas d'aujourd'hui ni d'hier que datent partout les efforts persévérants et habiles en vue de se ménager l'alliance ou la coopération des autres pays. Les évènements actuels en ont souligné, non pas la vanité et l'inutilité, mais bien l'insuffisance et l'instabilité. Alors on s'est mis avec une louable ardeur à promouvoir, en dépit des difficultés de toutes sortes, des unions internationales d'ordre politique, juridique, économique, social. Bien vite on a constaté qu'il était encore besoin de quelque chose de plus intime, de plus humain, et l'union — tout au moins des unions partielles — ont commencé à se former sur le terrain technique, scientifique, culturel.

Dans cet ordre intellectuel, l'union des artistes catholiques, qui célèbre actuellement son premier Congrès, tient une place des plus estimables. Cela va de soi, étant donné d'abord que l'art est, à certains égards, l'expression la plus vivante, la plus synthétique, de la pensée et du sentiment humain, la plus largement intelligible aussi, puisque, parlant directement aux sens, l'art ne connaît pas la diversité des langues, mais seulement la diversité extrêmement suggestive des tempéraments et des mentalités. De plus, par sa finesse, sa délicatesse, l'art, auditif ou visuel, pénètre dans l'intelligence et la sensibilité du spectateur ou de l'auditeur à des profondeurs où la parole, soit écrite soit parlée, avec sa précision analytique, insuffisamment nuancée, ne saurait atteindre.

Pour ces deux raisons, l'art aide les hommes, nonobstant toutes les différences de caractères, d'éducation, de civilisation, à se connaître, à se comprendre, du moins à se deviner mutuellement et, par suite, à mettre en commun leurs ressources respectives en vue de se compléter les uns par les autres.

Une première condition s'impose pour que l'art puisse produire un si désirable résultat : à savoir sa valeur expressive, faute de laquelle il cesse d'être un art véritable. La remarque n'est pas superflue aujourd'hui où trop souvent, en certaines écoles, l'œuvre d'art ne suffit pas par elle-même à traduire la pensée, à extérioriser le sentiment, à révéler l'âme de son auteur. Mais dés lors qu'elle a besoin d'être expliquée en langage verbal, elle perd sa valeur de signe pour ne servir à procurer aux sens qu'une jouissance physique, qui ne dépasse pas leur niveau, ou à l'esprit celle d'un jeu subtil et vain. Autre condition pour que l'art accomplisse avec dignité et fruit sa glorieuse mission d'entente, de concorde, de paix, c'est que, par lui, les sens, loin d'appesantir l'âme et de la clouer au sol, lui servent d'ailes au contraire pour s'élever, des petitesses et des mesquineries passagères, vers l'éternel, vers le vrai, vers le beau, vers le seul vrai bien, vers le seul centre où se fait l'union, où se réalise l'unité, vers Dieu. N'est-ce pas ici que s'applique à la lettre le splendide manifeste de l'Apôtre : « Invisibilia enim ipsius a creatura mundi per ea quae facta sunt, intellecta conspiciuntur, sempiterna quoque eius virtus et divinitas » (Rm 1, 20).

C'est pourquoi toutes les maximes, qui font déchoir l'art de son rôle sublime, le profanent et le stérilisent. « L'art pour l'art » : comme s'il pouvait être à lui-même sa propre fin, condamné à se mouvoir, à se traîner au ras des choses sensibles et matérielles ; comme si par l'art les sens de l'homme n'obéissaient à une vocation plus haute que celle de la simple appréhension de la nature matérielle, la vocation d'éveiller dans l'esprit et dans l'âme de l'homme, grâce à la transparence de cette nature, le désir des « choses que l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne sont pas montées jusqu'à son cœur » (1 Co 2, 9).

D'un art immoral, qui fait profession d'abaisser et asservir aux passions charnelles les puissances spirituelles de l'âme, Nous ne dirons rien ici. Du reste « art » et « immoral » : ce sont là deux mots en criante contradiction, et votre programme ignore leur jonction. Soyez donc félicités, Messieurs, d'avoir compris la tâche, qui vous incombe, et d'avoir voulu, en face d'une « culture sans espérance », considérer l'art comme « source d'une espérance nouvelle ». Faites donc sourire sur la terre, sur l'humanité, le reflet de la beauté et de la lumière divine, et vous aurez, en aidant l'homme à aimer « tout ce qu'il y a de vrai, de pur, de juste, de saint, d'aimable », contribué grandement à l'œuvre de la paix, et « Deus pacis erit vobiscum » (cf. Ph 4, 8-9). Que la Vierge immaculée, miroir de la justice et de la splendeur de Dieu, Reine de la paix et qu'on peut bien appeler la Reine des arts, vous inspire et vous assiste ; qu'elle fasse descendre sur vous, dont elle est l'idéal amoureusement contemplé, les grâces de son Fils, en gage desquelles Nous vous donnons, à vous, à tout le groupe des artistes catholiques, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XII,
Douzième année de Pontificat, 2 mars 1950 - 1er mars 1951, pp. 181-183
Typographie Polyglotte Vaticane

A.A.S., vol. XXXXII (1950), n. 11, pp. 597 - 599.



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