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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX ÉLÈVES ET PROFESSEURS
DES INSTITUTS CATHOLIQUES DE FRANCE*

Jeudi 21 septembre 1950

 

En vous souhaitant la bienvenue, chers fils des Instituts catholiques de France, venus célébrer ici l'Année Sainte, Nous saluons aussi avec une profonde émotion et une ardente fierté les trois quarts de siècle de votre vaillante histoire. Émotion et fierté, oui, car c'est une histoire de grands sacrifices, de grands dévouements, qui s'est déroulée à travers tant de vicissitudes, tour à tour brillantes et sombres, toujours laborieuses.

Or, il ne serait pas raisonnable de dépenser son bien, sa peine, sa vie, au service d'une cause superflue ou insignifiante. Ce qui a été fait par vous et par la génération précédente suppose la conviction qu'un intérêt capital est engagé. Lequel ?

Grâce à Dieu, il ne s'agit plus guère, comme à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, d'une polémique de défense ou de contre-offensive. Nous-même avons eu maintes fois l'occasion de recevoir et de haranguer d'illustres représentants du monde intellectuel, ceux notamment des grandes universités, qui Nous ont apporté le témoignage de leur déférence et de leur droite volonté.

Quel est donc, actuellement, la raison d'être des instituts catholiques, leur opportunité, sur laquelle, même dans les meilleurs milieux, on semble élever parfois quelque doute ? On pourrait d'abord voir une question de dignité pour l'Église dans le maintien de l'œuvre plus que millénaire, qui lui doit sa naissance, ses développements, son extraordinaire et féconde influence. Mais une pure considération de dignité, de tradition historique vénérable, suffit-elle à justifier, à expliquer une pareille dépense d'argent et d'efforts ? Il en est une autre, à Notre avis, plus importante et plus vitale. La permanente actualité d'instituts ou universités catholiques réside dans l'utilité, le besoin de constituer un corps de doctrine, ordonné, solide, de créer toute une ambiance de culture spécifiquement catholique. Un enseignement, même irréprochable, dans toutes les branches du savoir, complété aussi par l'annexion à côté de lui d'une instruction religieuse supérieure, ne suffit pas. Toutes les sciences ont, directement ou indirectement, quelque rapport avec la religion, non seulement la théologie, la philosophie, l'histoire, la littérature, mais encore les autres sciences : juridiques, médicales, physiques, naturelles, cosmologiques, paléontologiques, philologiques. À supposer qu'elles n'incluraient aucune relation positive aux questions dogmatiques et morales, elles risqueraient néanmoins souvent de se trouver en contradiction avec elles. Il faut donc, même si l'enseignement ne touche pas directement à la vérité et à la conscience religieuse, que l'enseignant, lui, soit tout imbu de religion, de la religion catholique.

Ce n'est pas tout. Des circonstances tout à fait extrinsèques ont fait substituer en certains pays d'autres noms à celui d'universités catholiques. Le nom seul a pu disparaître ; le caractère demeure et doit demeurer. Université ne dit pas seulement juxtaposition de facultés étrangères les unes aux autres, mais synthèse de tous les objets du savoir. Aucun d'eux n'est séparé des autres par une cloison étanche ; tous doivent converger vers l'unité du champ intellectuel intégral. Et les progrès modernes, les spécialisations toujours plus poussées, rendent cette synthèse plus nécessaire que jamais. Autrement, le risque est grand de l'alternative entre l'excès d'indépendance, l'isolement de cette spécialisation au détriment de la culture et de la valeur générales et, d'autre part, le développement d'une formation générale, plus superficielle que profonde, au détriment de la précision, de l'exactitude, de la compétence propre. Réaliser cette synthèse elle-même, dans toute la mesure du possible, est la tâche de l'Université ; la réaliser jusqu'à son nœud central, jusqu'à la clef de voûte de l'édifice, au-dessus même de tout l'ordre naturel, est la tâche d'une université catholique.

Si les vicissitudes des temps en ont paralysé ou ralenti l'exécution, du moins l'effort est loin d'avoir été stérile. Vos Instituts catholiques de France peuvent être fiers de leur Livre d'or. Sans parler des maîtres éminents en toutes les sciences, professeurs, écrivains, inventeurs, initiateurs, dont les noms sont parmi les plus illustres de l'histoire contemporaine, quelle phalange d'hommes, aussi remarquables par leur valeur professionnelle que par leur foi et leur vie chrétienne, ont été fournis par eux à l'Église et à la société !

Poursuivez donc votre route, très chers fils, le regard fixé sur l'idéal que, hommes de science et hommes de foi, vous avez choisi pour votre étoile. Marchez dans sa lumière; elle brille au ciel, indéfectiblement ; si jamais elle venait à pâlir à vos yeux, vous connaissez le guide, à qui le Christ vous a confiés. Et c'est pour vous aider à avancer d'un pas ferme dans sa clarté, que Nous avons donné Notre toute récente Encyclique Humani generis. Étudiez-la ; soyez activement dociles à ses enseignements ; faites-les passer en acte. Faites-le avec ce courage, dont vous ont donné l'exemple, à tous les âges de l'Église, les plus célèbres parmi les savants, les penseurs et les chefs. Ni les surprises ménagées par les découvertes de la science, ni les tâches d'actualité ne furent jamais pour les déconcerter même un seul instant. Forts de la conviction que, entre la science et la foi, entre les conclusions définitives de celle-là et les dogmes de celle-ci, aucune contradiction, aucune opposition irréductible n'est possible, ils vivaient dans l'assurance sereine que la foi catholique, sans maquillage et sans réticence, reste toujours, au temps présent comme aux temps des Apôtres, l'arche du salut. Telle doit-elle être dans la pensée et dans le sentiment de l'humanité.

Qu'aucun effort ne vous décourage, qu'aucune incompréhension ne vous intimide, ni ne vous lasse ; vous avez pour vous l'assistance divine, en gage de laquelle Nous vous donnons, à vous tous, à vos Instituts, à vos collègues, à vos disciples, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XII,
Douzième année de Pontificat, 2 mars 1950 - 1er mars 1951, pp. 219-221
Typographie Polyglotte Vaticane

A.A.S., vol. XXXXII (1950), n. 14, pp. 735 - 738.



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