Index   Back Top Print

[ FR ]

DISCOURS DU PAPE PIE XII
À LA DÉLÉGATION DE LA VILLE DE PARIS
POUR SON JUMELAGE AVEC ROME
*

Mardi 10 avril 1956

 

C'est avec grand plaisir et les sentiments d'une joyeuse espérance que Nous accueillons dans Notre demeure les illustres personnalités, qui représentent aujourd'hui les deux grandes capitales, unies désormais par un nouveau lien d'amitié fraternelle. En vous adressant la bienvenue, Messieurs, ce n'est pas seulement la reconnaissance du pacte récent que Nous entendons saluer, mais encore les promesses d'avenir, qu'elle contient, et l'assurance de voir se multiplier entre d'autres cités d'Europe des relations semblables dans un commun effort de compréhension et d'entr'aide.

En recevant les membres du XIIe Congrès International des Villes et des Pouvoirs locaux, le 1er octobre dernier, Nous insistions sur l'esprit qui doit animer de tels échanges, pour qu'il en résulte un accord profond et général des nations et des peuples. Si l'on souhaite en effet que ces manifestations s'étendent et donnent leurs fruits, il faut y apporter de part et d'autre, plus qu'une aimable courtoisie, l'intelligence véritable des goûts et des besoins de la cité sœur, la volonté aussi de poursuive ensemble les mêmes objectifs, malgré des conditions matérielles parfois très diverses.

Il Nous semble que, dans le cas privilégié de Paris et de Rome, l'enrichissement mutuel, fruit de leur jumelage, sera des plus précieux. Comme capitale d'un grand état moderne, Rome n'a pas encore acquis l'expérience de Paris. Mais après avoir donné aux pays latins la structure juridique, sur laquelle reposent encore en grande partie leurs institutions communes, après avoir nourri et propagé l'humanisme antique et celui de la Renaissance, elle conserve dans le monde moderne, secoué par tant de convulsions, une prééminence morale incontestée. N'a-t-elle pas instauré dans les relations entre les hommes un esprit nouveau inconnu de l'antiquité païenne ? Le principe d'une fraternité universelle, basée sur la communauté foncière d'une même nature issue de Dieu et d'une même destinée orientée vers lui, ferment nouveau apporté par le christianisme, devait provoquer une heureuse évolution des mœurs et des structures sociales. Aujourd'hui, hélas !, coupé de ses origines et détourné de son orientation première, ce principe est invoqué à l'appui de doctrines matérialistes, qui tendent en réalité à accentuer entre les hommes les causes de division et d'opposition. L'union des deux cités, Paris et Rome, contribuera, Nous osons le croire, à lui restituer son sens plénier, en soulignant avec force les véritables perspectives historiques qui l'ont vu naître et se développer.

Nous aimerions, si le temps et les circonstances le permettaient, évoquer tel ou tel trait caractéristique qui illustre, dans les fastes de la capitale française, — où Nous Nous souvenons avoir été reçu avec tant d'honneur et de courtoisie, — l'impulsion séculaire de la charité humaine et chrétienne. Comment du moins ne pas rappeler le roi saint Louis, modèle d'équité et de bonté, qui s'efforçait de faire régner dans sa ville une justice pénétrée d'humanité ; ou bien la compassion rayonnante d'un Vincent de Paul, qui, de Paris, pourvoyait aux besoins des pauvres dans les provinces et au delà même des frontières ; les œuvres et les institutions qu'il créa connaissent aujourd'hui encore une prospérité croissante et étendent partout leur bienfaisante influence. Dès le haut Moyen-âge, Paris devint un centre remarquable de science et de civilisation, un foyer d'études de premier ordre, qui forma à l'avantage de toute l'Europe des générations d'esprits cultivés et d'hommes de cœur. Les siècles ont passé, mais Notre-Dame et la Sorbonne demeurent, au centre de la grande ville, chargées de la plus haute signification: l'Université de Paris et l'Institut de France restent toujours parmi les gloires les plus solides de la culture occidentale. Mais il ne saurait être question d'entreprendre ici, Messieurs, une analyse presque infinie des titres et qualités qui rapprochent vos deux cités. Nous voulons seulement vous redire en terminant que l'union symbolique scellée par les cérémonies, qui viennent de se dérouler, constitue pour Nous un heureux présage en faveur de cet esprit « européen », qui l'a inspiré et la maintiendra, Nous l'espérons, toujours vivante et toujours féconde.

Daigne le Dieu tout-puissant accueillir les vœux que Nous formons en ce sens et vous permettre de contribuer à l'extension d'une compréhension et d'une collaboration fraternelle toujours plus grandes à travers les nations et les continents. C'est avec ce souhait que Nous vous accordons à tous ici présents, à vos familles, à vos cités, la plus affectueuse et paternelle Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVIII,
 Dix-huitième année de Pontificat, 2 mars 1956 - 1er mars 1957, pp. 75-77
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana