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La session plénière de la Commission théologique internationale

 

Du lundi 1er décembre au vendredi 5 décembre s’est tenue au Vatican la première session plénière du IXe quinquennium de la Commission théologique internationale (CTI). La session s’est ouverte par l’eucharistie célébrée dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe par le Cardinal Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et, à ce titre, président de la CTI (texte dans OR du 2 décembre) et elle s’est conclue par une audience accordée par le Saint-Père à la CTI. Dans son allocution, le Saint-Père a attiré l’attention sur deux caractéristiques de la nouvelle CTI : la présence plus importante des théologiennes en son sein (cinq femmes sur trente membres) et son caractère international (texte de l’allocution du Saint-Père dans l’OR du 6 décembre). En effet, les membres du nouveau quinquennium, nommés en septembre 2014, proviennent des cinq continents : Europe (14), Amérique (8) [Amérique latine (5) ; Amérique du Nord (3)], Asie (4), Afrique (3) et Océanie (1) et on trouve représentés chez eux les différents états de vie : prêtres diocésains, religieux et religieuses, laïcs consacrés, mères de famille...

Le 1er décembre, après la Messe, la CTI s’est réunie dans le palais du Saint-Office. Après un mot d’accueil du président, le secrétaire général a exposé l’histoire, l’esprit et les méthodes de travail de la CTI. Opération indispensable puisque, sur les trente membres du quinquennium, vingt-cinq participaient pour la première fois aux travaux de la CTI.

Un moment important de la première session d’un nouveau quinquennium est le choix des thèmes qui seront traités dans les cinq années à venir. En effet, la mission de la CTI est, selon ses Statuts, « d’étudier les questions doctrinales importantes, surtout celles qui revêtent un aspect nouveau, et d’apporter une assistance au magistère de l’Église, et tout particulièrement à la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi ». Au terme d’un échange prolongé, trois thèmes ont donc été identifiés. Chacun a été confié à une sous-commission de dix membres chargée de préparer, en synergie avec l’ensemble de la Commission, un document  sur ce thème.

Le premier thème retenu est celui de la synodalité dans le contexte de la catholicité. En effet, depuis Vatican II, et spécialement dans le magistère du pape François, le thème de la synodalité, du « cheminer ensemble », est très présent. Comme style de vie du peuple de Dieu, la synodalité se réfère à la sequela Christi, le Christ étant le Chemin (hodos) par excellence qui, dans l’Esprit, conduit l’Eglise vers le Père. La synodalité n’est donc pas l’introduction artificielle du « parlementarisme » séculier dans l’Eglise mais une exigence qui naît de la nature même de l’Eglise. Elle ne constitue pas non plus le principe d’une ecclésiologie alternative mais elle s’articule avec ce que la foi enseigne sur le primat de Pierre et la collégialité épiscopale. L’enjeu œcuménique est ici de première importance.

Le deuxième thème retenu par la CTI est « Foi et sacrements ». La réflexion sur la sacramentalité déborde la stricte théologie des sept sacrements puisque la sacramentalité, qui a sa source dans le mystère même de l’Incarnation du Fils, est la structure fondamentale de la rencontre entre Dieu et les hommes. Toutefois, la question des rapports entre les sacrements et la foi est capitale pour la pastorale. Deux tendances s’opposent ici et menacent l’équilibre de la foi. D’une part, une vision déformée de l’objectivité et de l’efficacité ex opere operato des sacrements peut conduire à une forme de magie sacramentelle, où la foi personnelle dans le Christ est reléguée à l’arrière-plan. D’autre part, surtout dans une culture marquée par l’individualisme, on recherche souvent une relation à Dieu sans médiation ecclésiale et purement intérieure.  Mais, déjà dans l’Evangile, nous voyons que le Christ guérit moyennant un double contact : un contact physique et un contact spirituel, celui de la foi. Il en va encore de même aujourd’hui pour l’action du Christ dans et par les sacrements de son Eglise. Le manque de foi chez les baptisés qui demandent à recevoir les sacrements pose donc de graves problèmes théologiques et pastoraux. Le problème est particulièrement aigu pour les célébrations du mariage où les époux semblent ne pas avoir la foi ni même le désir de la foi. Quand bien même la validité du sacrement ne serait pas en cause, de telles célébrations ne laissent pas de poser au théologien et au pasteur de nombreuses questions.  

Enfin, le troisième sujet choisi par la CTI est « La liberté religieuse dans le contexte actuel ». La déclaration Dignitatis humanae du concile Vatican II  marque une étape importante dans la maturation de la pensée de l’Eglise en enseignant explicitement que « tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres ». La réception post-conciliaire de cette doctrine a été difficile mais le travail de nombreux théologiens a montré qu’elle s’inscrit de façon homogène dans la continuité de la Tradition et ne contredit pas les textes magistériels antérieurs qui condamnaient une liberté religieuse déconnectée de l’exigence de chercher la vérité et fondée sur le seul relativisme. Mais depuis Dignitatis humanae, rédigée dans un contexte dominé par l’expérience des grands totalitarismes du XXe siècle, le contexte culturel a considérablement évolué. D’une part, la résurgence du fondamentalisme religieux a entrainé la négation des droits des minorités religieuses, voire une vraie persécution. D’autre part, surtout dans les sociétés occidentales, l’inflation des droits individuels, privés de toute référence objective à la loi naturelle, conduit de plus en plus à restreindre la liberté religieuse. La laïcité, qui était à l’origine, une simple neutralité de l’Etat, destinée à favoriser la coexistence pacifique de tous, tend à devenir une religion d’Etat qui promeut la sécularisation à outrance de la société civile. Pour faire respecter les droits illimités des individus, l’Etat en vient en effet à expulser de la vie publique les religions (et les croyants) qui, parce qu’elles se référent à une transcendance, semblent menacer une société fondée sur le principe d’immanence et l’absolutisation de la loi positive. La réduction inquiétante du droit à l’objection de conscience, les intrusions croissantes de l’Etat, au nom de la défense des droits individuels, dans la vie intérieure de l’Eglise ou dans la sphère familiale, sont les signes de ce totalitarisme soft. La CTI se propose au contraire de montrer comment la liberté religieuse, en protégeant l’ouverture constitutive de la personne à la transcendance, garantit la vraie liberté et contribue au bien commun des sociétés.  

 

Fr. Serge-Thomas Bonino, o.p.
Secrétaire général de la CTI

 
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