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RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ DU DIOCÈSE D'AOSTE

DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI

Eglise paroissiale d'Introd (Val d'Aoste)
Lundi 25 juillet 2005

Dans la matinée du lundi 25 juillet 2005  le Pape Benoît XVI a rencontré le clergé du diocèse d'Aoste. Après le salut de l'Evêque du lieu, S.Exc. Mgr Giuseppe Anfossi, la rencontre s'est poursuivie par le chant de l'Heure Tierce. Au terme de la prière, le Saint-Père a traité plusieurs thèmes proposés par S.Exc. Mgr Anfossi et par les prêtres présents. Voici le texte du  discours  improvisé  par le Pape à cette occasion: 

Votre Excellence,
Chers frères!

Je voudrais tout d'abord exprimer ma joie et ma gratitude pour l'opportunité qui m'est offerte de vous rencontrer. En tant que Pape, il existe le danger d'être un peu éloigné de la vie réelle de chaque jour, et surtout de celle des prêtres qui travaillent en première ligne, précisément dans la Vallée, dans de nombreuses paroisses et à présent, comme l'a dit votre Evêque, en raison du manque de vocations ainsi que des conditions de difficulté physique particulièrement dures.

Ainsi, c'est pour moi une grâce que de pouvoir rencontrer dans cette belle église les prêtres et le presbyterium de cette Vallée. Et je voudrais vous remercier d'être venus:  vous êtes en effet vous aussi en période de vacances. Vous voir réunis, et me voir ainsi uni à vous, être proche des prêtres qui travaillent jour après jour pour le Seigneur, comme les semeurs de la Parole, est pour moi un réconfort et une joie. La semaine dernière, nous avons entendu deux fois, trois fois, il me semble, cette parabole du semeur qui est déjà une parabole apportant le réconfort dans une situation différente, mais dans un certain sens aussi semblable à la nôtre.

Le travail du Seigneur avait commencé avec un grand enthousiasme. On voyait que les malades étaient guéris, tous écoutaient avec joie la parole:  "Le Royaume de Dieu est proche". Il semblait vraiment que la transformation  du  monde  et  l'avènement  du Royaume de Dieu devaient être imminents; que, finalement, la tristesse du peuple de Dieu allait se transformer en joie. On était dans l'attente d'un messager de Dieu qui devait prendre en main les rênes de l'histoire. Mais on vit ensuite que, certes, les malades étaient guéris, les démons avaient été expulsés, l'Evangile était annoncé, mais que, pour le reste, le monde restait comme il était. Rien ne changeait. Les romains dominaient encore. La vie de chaque jour était difficile, malgré ces signes, ces belles paroles. Et ainsi, l'enthousiasme s'éteignait peu à peu et, à la fin, comme nous le rapporte le sixième chapitre de Jean, les disciples abandonnèrent eux aussi ce Prédicateur qui prêchait, mais qui ne changeait pas le monde.

Qu'est-ce que ce message? Qu'est-ce qu'apporte ce Prophète de Dieu? se demandent-ils tous en fin de compte. Le Seigneur parle du semeur qui sème dans le champ du monde. Et la semence semble comme sa Parole, comme ces guérisons, une chose vraiment petite par rapport à la réalité historique et politique. De même que la semence est petite, négligeable, sa Parole l'est aussi.

Toutefois, dit-il, dans la semence l'avenir est présent, car la semence contient en elle le pain de demain, la vie de demain. La semence ne semble presque rien, toutefois, la semence est la présence de l'avenir, elle est la promesse  déjà  présente  aujourd'hui. Et ainsi, à travers cette parabole, il dit:  nous sommes à l'époque des semailles, la Parole de Dieu ne semble que parole, presque rien. Mais ayez du courage, cette Parole contient la vie en elle! Elle porte du fruit! La parabole dit aussi qu'une grande partie de la semence ne porte pas de fruit car elle est tombée sur la route, sur la terre caillouteuse, etc. Mais la partie qui est tombée dans une bonne terre produit trente, soixante, cent fois plus.

Cela nous fait comprendre que nous devons être courageux même si la Parole de Dieu, le Royaume de Dieu, semble sans importance historique et politique. A la fin, Jésus, lors du Dimanche des Rameaux, a comme résumé tous ces enseignements sur la semence de la Parole:  si le grain de blé ne tombe pas en terre et ne meurt, il reste seul, s'il tombe en terre et meurt, il porte des fruits abondants. Et ainsi, il a fait comprendre qu'Il est lui-même le grain de blé qui tombe en terre et meurt. Lors de la crucifixion, tout semble perdu, mais précisément ainsi, en tombant en terre, en mourant, sur la Voie de la Croix, il porte du fruit pour chaque époque, pour toutes les époques. Nous avons ici la finalisation christologique, selon laquelle le Christ lui-même est la semence, est le Royaume présent, ainsi que la dimension eucharistique:  ce grain de blé tombe en terre et ainsi, le nouveau Pain grandit, le Pain de la vie future, la Sainte Eucharistie qui nous nourrit et qui s'ouvre aux mystères divins, pour la vie nouvelle.

Il me semble que dans l'histoire de l'Eglise, sous des formes différentes, sont toujours présentes ces questions qui nous tourmentent réellement:  que faire? Les gens semblent ne pas avoir besoin de nous, tout ce que nous faisons semble inutile. Toutefois, nous apprenons de la Parole du Seigneur que seule cette semence transforme toujours à nouveau la terre et l'ouvre à la vraie vie.

Je voudrais, le plus brièvement possible, répondre aux paroles de votre Evêque, mais je voudrais également dire que le Pape n'est pas un oracle, il est infaillible dans des situations très rares, comme nous le savons. Je partage donc avec vous ces questions. Je souffre moi aussi. Mais tous ensemble, nous voulons, d'une part, souffrir sur ces problèmes et également, tout en souffrant, transformer les problèmes; car la souffrance est précisément la voie de la transformation et sans souffrance, on ne transforme rien.

Tel est également le sens de la parabole du grain de blé tombé en terre:  ce n'est  qu'à  travers  un  processus de transformation dans la souffrance que l'on parvient au fruit et qu'apparaît la solution. Et si, pour nous, l'inefficacité apparente de notre prédication ne constituait pas une souffrance, cela serait un signe de manque de foi, de manque d'engagement véritable. Nous devons avoir à coeur ces difficultés de notre temps et les transformer en souffrant avec le Christ et nous transformer ainsi nous-mêmes. Et dans la mesure ou nous sommes nous-mêmes transformés, nous pouvons également répondre à la question posée plus haut, nous pouvons  également  voir  la présence du Royaume de Dieu et la faire voir aux autres.

Le premier point est un problème qui se pose à tout le monde occidental:  le manque de vocations. J'ai reçu, ces dernières semaines, les visites "ad limina" des Evêques du Sri Lanka et de la région du Sud de l'Afrique. Là-bas, les vocations augmentent, elles sont même si nombreuses qu'ils ne réussissent pas à construire assez de séminaires pour accueillir tous ces jeunes qui veulent devenir prêtres. Naturellement cette joie est également accompagnée par une certaine amertume, car une partie d'entre eux au moins vient dans l'espérance d'une promotion sociale. En devenant prêtres, ils deviennent presque les chefs de la tribu, ils sont naturellement privilégiés, ils ont une autre forme de vie, etc. L'ivraie et le bon grain vont donc de pair dans cette belle croissance des vocations et les évêques doivent être très attentifs dans leur discernement et ne pas être simplement contents d'avoir de nombreux futurs prêtres, mais voir quelles sont réellement les vocations véritables, discerner le bon grain de l'ivraie.

Il y a toutefois un certain enthousiasme de la foi, car ils se trouvent à une heure cruciale de l'histoire, c'est-à-dire à l'heure où les religions traditionnelles ne se révèlent plus suffisantes de manière évidente. Et l'on comprend, l'on voit que ces religions traditionnelles contiennent en elles une promesse, mais  elles  attendent quelque chose. Elles attendent une nouvelle réponse qui purifie et, disons, assume en elles tout ce qui est beau et libère certains aspects insuffisants et négatifs. En ce temps de passage, où leur culture tend réellement vers une heure nouvelle de l'histoire, les deux propositions - christianisme  et  islam  - sont les réponses historiques possibles.

C'est pourquoi on constate dans ces pays, en un certain sens, un printemps de la foi, mais naturellement dans le contexte de la concurrence entre ces deux réponses, en particulier dans le contexte de la souffrance due aux sectes, qui se présentent comme la meilleure réponse chrétienne, plus facile, plus accommodante. Ainsi, même en un temps historique de promesse, à un moment de printemps, l'engagement de celui qui doit avec le Christ semer la Parole et, disons-le, construire l'Eglise, reste difficile.

La situation dans le monde occidental est différente, car il s'agit d'un monde las de sa propre culture, un monde arrivé au moment où la nécessité de Dieu n'apparaît plus de façon évidente, moins encore celle du Christ, et dans lequel il semble donc que l'homme lui-même pourrait se construire tout seul. Dans ce climat d'un rationalisme qui se ferme sur lui-même, qui considère le modèle de la science comme l'unique modèle de connaissance, tout le reste est subjectif. La vie chrétienne devient elle aussi naturellement un choix subjectif, donc arbitraire, et elle n'est plus le chemin de la vie. Il devient donc évidemment difficile de croire, et s'il est difficile de croire, il est d'autant plus difficile d'offrir sa vie au Seigneur pour être son serviteur.

Il s'agit certainement d'une souffrance qui appartient, je dirais, à notre époque historique, dans laquelle on voit généralement que ce qu'on appelle les grandes Eglises apparaissent mourantes. C'est le cas en Australie notamment, même en Europe, un peu moins aux Etats-Unis.

En revanche, se développent les sectes qui se présentent avec la certitude d'un minimum de foi, et l'homme recherche les certitudes. Les grandes Eglises, surtout les grandes Eglises traditionnelles protestantes, traversent véritablement une crise très profonde. Les sectes l'ont emporté parce qu'elles apparaissent avec des certitudes simples, peu nombreuses, et elles disent:  cela est suffisant.

L'Eglise catholique ne va pas aussi mal que les grandes Eglises protestantes historiques, mais elle partage évidemment le problème de notre moment historique. Je pense qu'il n'existe pas de système pour un changement rapide. Nous devons avancer, sortir de cette galerie, de ce tunnel, avec patience, dans la certitude que le Christ est la réponse et qu'à la fin apparaîtra à nouveau sa lumière.

La première réponse est alors la patience, dans la certitude que le monde ne peut pas vivre sans Dieu, le Dieu de la Révélation - pas n'importe quel Dieu:  nous voyons à quel point peut être dangereux un Dieu cruel, un Dieu qui n'est pas véritable -, le Dieu qui a montré son Visage en Jésus Christ. Ce Visage qui a souffert pour nous, ce Visage d'amour qui transforme le monde à la façon du grain de blé tombé en terre.

Il faut donc que nous ayons nous-mêmes cette très profonde certitude que le Christ est la réponse et que sans le Dieu concret, le Dieu au Visage du Christ, le monde s'autodétruit. L'évidence grandit également qu'un rationalisme obtus, qui pense que l'homme pourrait tout seul reconstruire un monde véritablement meilleur, n'est pas possible. Au contraire, s'il n'y a pas la mesure du vrai Dieu, l'homme s'autodétruit. Nous le voyons de nos yeux.

Nous devons avoir nous-mêmes une certitude renouvelée:  Il est la Vérité et ce n'est qu'en marchant sur ses traces que nous allons dans la juste direction, et nous devons marcher et guider les autres dans cette direction.

Le premier point de ma réponse est:  dans toute cette souffrance, il faut non seulement ne pas perdre la certitude que le Christ est réellement le Visage de Dieu, mais approfondir cette certitude et la joie de La connaître et d'être ainsi réellement les ministres de l'avenir du monde, de l'avenir de chaque homme. Et il faut approfondir cette certitude dans une relation personnelle et profonde avec le Seigneur. Car la certitude peut également s'accroître à travers des considérations rationnelles. Il me semble vraiment très important d'effectuer une réflexion sincère qui convainc également rationnellement, mais qui devient personnelle, forte et exigeante en vertu d'une amitié vécue personnellement chaque jour avec le Christ.

La certitude exige donc cette personnalisation de notre foi, de notre amitié avec le Seigneur, c'est ainsi qu'augmentent également les nouvelles vocations. Nous le voyons dans la nouvelle génération qui a suivi la grande crise du conflit culturel qui s'est déchaîné en 1968, alors que l'ère historique du christianisme semblait réellement dépassée. Nous voyons que les promesses de 68 n'ont pas tenu et que renaît, disons, la conscience qu'il existe une autre voie plus complexe, exigeant la transformation de notre coeur, mais plus véritable; ainsi naissent également de nouvelles vocations. Nous devons nous-mêmes avoir de l'imagination pour aider les jeunes à trouver cette route, également à l'avenir. Cela apparaissait aussi de façon évidente dans le dialogue avec les Evêques africains. Malgré le nombre de prêtres, beaucoup sont condamnés à une terrible solitude et moralement, un grand nombre ne survit pas.

Il est donc important d'avoir autour de soi la réalité du presbyterium, de la communauté de prêtres qui s'aident, qui marchent ensemble sur un chemin commun, dans une solidarité dans la foi commune. Cela aussi me semble important, car si les jeunes voient des prêtres très isolés, tristes, fatigués, ils penseront:  si tel est mon avenir, alors je n'y arriverai pas. On doit réellement créer cette communion de vie qui démontre aux jeunes:  oui, cela peut être un avenir également pour moi, on peut vivre ainsi.

J'ai été trop long. En ce qui concerne le deuxième point, même si ce n'est qu'en partie, il me semble l'avoir déjà abordé. C'est vrai:  aux personnes, surtout aux responsables du monde, l'Eglise apparaît comme quelque chose de dépassé, et nos propositions comme n'étant pas nécessaires. Ils se comportent comme s'ils pouvaient, comme s'ils voulaient vivre sans notre parole et ils pensent toujours qu'ils n'ont pas besoin de nous. Ils ne cherchent pas notre parole.

Cela est vrai et nous fait souffrir, mais cela fait également partie de la situation historique d'une certaine vision anthropologique, selon laquelle l'homme doit faire les choses comme Karl Marx l'avait dit:  l'Eglise a eu 1800 ans pour montrer qu'elle pouvait changer le monde et elle n'a rien fait, maintenant nous le ferons seuls.

Il s'agit d'une idée très répandue et également étayée par des philosophies; on comprend ainsi l'impression d'un aussi grand nombre de personnes pensant pouvoir vivre sans l'Eglise, qui apparaît comme quelque chose du passé. Mais il apparaît également toujours plus que seules les valeurs morales et les convictions fortes donnent la possibilité, même au prix de certains sacrifices, de vivre et de construire le monde. On ne peut pas construire de manière mécanique comme l'avait proposé Karl Marx avec la théorie du capital et de la propriété, etc.

S'il n'existe pas de forces morales dans les âmes, ni la disponibilité à souffrir également pour ces valeurs, on ne construit pas un monde meilleur, au contraire, le monde empire chaque jour, l'égoïsme domine et détruit tout. En voyant cela, on se pose à nouveau la question:  mais d'où viennent les forces qui nous rendent capables de souffrir également pour le bien, de souffrir pour le bien qui me fait tout d'abord mal personnellement, qui n'a pas d'utilité immédiate? Où sont les ressources, les sources? D'où vient la force de promouvoir ces valeurs?

On voit que la moralité en tant que telle ne vit pas, n'est pas efficace si elle n'a pas un fondement plus profond dans des convictions qui donnent réellement des certitudes et qui donnent aussi la force de souffrir car, dans le même temps, elles font partie d'un amour, un amour qui grandit dans la souffrance et qui est la substance de la vie. A la fin, en effet, seul l'amour nous fait vivre et l'amour est toujours également souffrance:  il mûrit dans la souffrance et donne la force de souffrir pour le bien sans tenir compte de sa propre personne en ce moment actuel.

Il me semble que cette conscience grandit, car on voit déjà les effets d'une condition où n'existent pas les forces qui proviennent d'un amour qui est la substance de ma vie et qui me donne la force de mener la lutte pour le bien. Ici aussi, nous avons naturellement besoin de patience, mais d'une patience active, au sens où il faut faire comprendre aux gens:  vous avez besoin de cela.

Et même s'ils ne se convertissent pas tout de suite, ils s'approchent au moins du cercle de ceux qui, dans l'Eglise, ont cette force intérieure. L'Eglise a toujours eu en son sein ce groupe fort intérieurement, qui porte réellement la force de la foi, ainsi que des personnes qui en quelque sorte s'y accrochent, se laissent porter et participent ainsi.

Je pense à la parabole du Seigneur à propos du minuscule grain de sénevé qui devient ensuite un arbre si grand que même les oiseaux du ciel y trouvent refuge. Et je dirais que ces oiseaux peuvent représenter les personnes qui ne se convertissent pas encore, mais qui se posent au moins sur l'arbre de l'Eglise. J'ai fait cette réflexion:  à l'époque des lumières, l'époque où la foi était divisée entre catholiques et protestants, on pensa qu'il fallait conserver les valeurs morales communes en leur donnant un fondement suffisant. On pensa:  nous devons rendre les valeurs morales indépendantes des confessions  religieuses, de façon à ce qu'elles existent "etsi Deus non daretur".

Aujourd'hui, nous sommes dans la situation contraire, la situation s'est inversée. Les valeurs morales ne sont plus évidentes. Elles ne deviennent évidentes que si Dieu existe. J'ai donc suggéré que les laïcs, ceux que l'on appelle les laïcs, devraient réfléchir pour savoir si, pour eux, le contraire n'est pas valable aujourd'hui:  nous devons vivre "quasi Deus daretur", même si nous n'avons pas la force de croire, nous devons vivre sur cette hypothèse, autrement, le monde ne fonctionne pas. Ce serait là, il me semble, un premier pas pour s'approcher de la foi. Et je vois lors de nombreuses rencontres que, grâce à Dieu, le dialogue avec une partie du monde laïc, au moins, se développe.

Troisième point:  la situation des prêtres qui sont devenus peu nombreux et qui doivent travailler dans trois, quatre, et parfois même cinq paroisses, et qui sont épuisés. Je pense que l'Evêque, avec son presbyterium, cherche quels seraient les meilleurs moyens. Lorsque j'étais Archevêque de Munich, le modèle avait été créé de célébrations de la Parole uniquement, sans prêtre, pour, disons, garder la communauté présente dans son Eglise. Et il fut dit:  chaque communauté demeure et là où il n'y a pas de prêtre, célébrons cette liturgie de la Parole.

Les français les ont définies comme des Assemblées dominicales "en l'absence de prêtre" et, au bout d'un certain temps, ils ont compris que cela peut également mal tourner, car l'on perd le sens du Sacrement, on se trouve face à une protestantisation et, à la fin, s'il n'y a que la Parole, je peux aussi bien la célébrer chez moi.

Je me rappelle, quand j'étais professeur à Tübingen, du grand exégète Kelemann, je ne sais pas si vous connaissez son nom, élève de Bultmann, qui était un grand théologien. Bien que protestant convaincu, il n'est jamais allé à l'église. Il disait:  je peux aussi bien méditer les Saintes Ecritures chez moi.

Les français ont un peu transformé cette formule d'Assemblée dominicale "en l'absence de prêtre" en Assemblée dominicale "en attente du prêtre". C'est-à-dire qu'il doit s'agir d'une attente du prêtre et je dirais que, normalement, la Liturgie de la Parole devrait être l'exception d'un dimanche, car le Seigneur veut être présent avec son Corps. Il ne peut s'agir ici d'une solution.

Le dimanche a été créé car le Seigneur est ressuscité et est entré dans la communauté des apôtres pour être avec eux. Ils ont alors compris que le samedi n'est plus le jour liturgique, mais qu'il s'agit du dimanche où le Seigneur veut toujours à nouveau être physiquement avec nous, et nous nourrir de son Corps, pour que nous devenions nous-mêmes son corps dans le monde.

Il faut trouver la façon d'offrir à de nombreuses personnes de bonne volonté cette possibilité:  à présent, je n'ose pas donner de solutions. A Munich, j'ai toujours dit, mais je ne connais pas la situation qui est certainement un peu différente ici, que notre population est incroyablement mobile, flexible. Les jeunes font plus de cinquante kilomètres pour aller dans une discothèque, pourquoi ne peuvent-ils pas faire aussi cinq kilomètres pour aller dans une église commune? Mais voilà, il s'agit là d'une chose très concrète, pratique, et je n'ose pas donner de solutions. Mais si on devait chercher à transmettre un sentiment à la population, ce serait le suivant:  j'ai besoin d'être avec l'Eglise, d'être avec l'Eglise vivante et avec le Seigneur!

Ainsi faut-il donner cette impression d'importance; et voir que je le considère comme quelque chose d'important crée également les bases pour trouver une solution. Mais, Monseigneur, je dois concrètement laisser la question ouverte.

Plusieurs prêtres ont ensuite pris la parole. Aux questions liées aux thèmes de l'éducation des jeunes, du rôle de l'école catholique et de la vie consacrée, le Saint-Père a répondu: 

Ce sont des questions très concrètes, auxquelles il n'est pas facile d'apporter une réponse tout aussi concrète.

Je voudrais avant tout vous remercier pour avoir rappelé notre attention sur la nécessité d'attirer vers l'Eglise les jeunes, qui se sentent au contraire facilement attirés par d'autres choses, par un style de vie assez éloigné de nos convictions. L'Eglise antique a choisi la voie qui consiste à créer des communautés de vie alternatives, sans nécessairement provoquer de fractures. Je dirais alors qu'il est important que les jeunes puissent découvrir la beauté de la foi, qu'il est beau d'avoir une orientation, qu'il est beau d'avoir un Dieu ami qui sache nous parler véritablement des choses essentielles de la vie.

Cet aspect intellectuel doit ensuite être accompagné par un aspect affectif et social, c'est-à-dire par une socialisation dans la foi. Car la foi ne peut se réaliser que si elle possède également un corps et cela implique l'homme dans ses modalités de vie. C'est pourquoi, par le passé, lorsque la foi était déterminante pour la vie commune, il pouvait être suffisant d'enseigner le catéchisme, qui demeure important aujourd'hui également.

Mais puisque la vie sociale s'est éloignée de la foi, nous devons - étant donné que, souvent, les familles n'offrent pas non plus de socialisation de la foi - offrir les moyens d'une socialisation de la foi, afin que la foi forme des communautés, offre des lieux de vie et de conviction commune, dans un ensemble de pensée, d'affection, d'amitié de la vie.

Il me semble que ces niveaux doivent aller de pair, car l'homme possède un corps, c'est un être social. Dans ce sens, par exemple, il est beau de voir ici tant de prêtres qui se trouvent avec des groupes de jeunes pour passer les vacances ensemble. De cette façon, les jeunes partagent la joie des vacances et les vivent avec Dieu et l'Eglise, dans la personne du curé ou du vice-curé. Il me semble que l'Eglise d'aujourd'hui, en Italie également, offre des alternatives et des possibilités pour une socialisation dans laquelle les jeunes puissent marcher ensemble avec le Christ et former l'Eglise. Et pour cela, ils doivent être accompagnés par des réponses intelligentes aux questions de notre temps:  y a-t-il encore besoin de Dieu? Est-il encore raisonnable de croire en Dieu? Le Christ est-il seulement une figure de l'histoire des religions ou est-il réellement le Visage du Dieu dont nous avons tous besoin? Pouvons-nous bien vivre sans connaître le Christ?

Il faut comprendre que construire la vie, l'avenir, exige également patience et souffrance. La Croix ne doit pas manquer également dans la vie des jeunes et faire comprendre cela n'est pas facile. Le montagnard sait que pour faire une belle expérience d'escalade, il doit faire des sacrifices et s'entraîner; de même, le jeune doit également comprendre que pour la montée vers l'avenir de la vie, l'exercice d'une vie intérieure est nécessaire.

Personnalisation et socialisation sont donc les deux indications qui doivent compénétrer les situations concrètes des défis d'aujourd'hui:  les défis de l'affection et ceux de la communion. Ces deux dimensions permettent en effet de s'ouvrir à l'avenir et également d'enseigner que le Dieu parfois difficile de la foi est également là pour mon bien à venir.

* * *

En ce qui concerne l'école catholique, je peux dire que de nombreux Evêques venus en visite "ad limina" ont souligné à plusieurs reprises son importance. L'école catholique, dans des situations comme celle de l'Afrique, devient un instrument indispensable pour la promotion culturelle, pour les premiers pas de l'alphabétisation et pour une élévation du niveau culturel dans lequel se forme une nouvelle culture. Grâce à celle-ci, il est possible de répondre également aux défis soulevés par la technologie, qui cherche à établir une culture pré-technique détruisant des formes antiques de vie tribale avec leur contenu moral.

Chez nous, la situation est différente, mais ce qui me semble important est l'ensemble d'une formation intellectuelle, qui fasse bien comprendre également qu'aujourd'hui, le christianisme n'est pas séparé de la réalité.

Comme nous l'avons dit dans la première partie, dans le sillage du siècle des Lumières et du "deuxième siècle des Lumières" de 1968, de nombreuses personnes ont pensé que le temps historique de l'Eglise et de la foi était terminé et que l'on était entré dans une nouvelle ère, où l'on aurait pu étudier ces choses comme de la mythologie classique. Au contraire, il faut faire comprendre que la foi est d'une actualité permanente et d'une grande justesse. Et donc une affirmation intellectuelle est nécessaire, qui comprenne également la beauté et la structure organique de la foi.

Il s'agissait également de l'une des intentions fondamentales du Catéchisme de l'Eglise catholique, à présent synthétisé dans le Compendium. Nous ne devons pas penser à un ensemble de règles que nous portons sur nos épaules comme une lourde besace sur le chemin de la vie. En ultime analyse, la foi est simple et riche:  nous croyons que Dieu existe, que Dieu agit. Mais quel Dieu? Un Dieu avec un Visage, un Visage humain, un Dieu qui réconcilie, qui vainc la haine, et donne la force de la paix qu'aucun autre ne peut donner. Il faut faire comprendre qu'en réalité, le christianisme est très simple et donc très riche.

L'école est une institution culturelle, de formation intellectuelle et professionnelle:  il faut donc faire comprendre le caractère organique et la logique de la foi et donc connaître les grands éléments essentiels, comprendre ce qu'est l'Eucharistie, ce qui a lieu le Dimanche, ainsi que dans le mariage chrétien. Naturellement, il faut toutefois faire comprendre que la discipline de la religion n'est pas une idéologie purement intellectuelle et individualiste, comme c'est peut-être le cas dans d'autres disciplines:  en mathématique par exemple, je sais comment faire un calcul déterminé. Mais même les autres disciplines à la fin ont une tendance pratique, une tendance au professionnalisme, à la possibilité d'être appliquées à la vie. Il faut ainsi comprendre que la foi crée essentiellement une assemblée, qu'elle unit.

C'est précisément cette essence de la foi qui nous libère de l'isolement du moi et qui nous unit dans une grande communauté, une communauté très complète - dans la paroisse, dans l'assemblée du dimanche - et universelle dans laquelle le moi devient un parent de tous dans le monde.

Il faut comprendre cette dimension catholique de la communauté qui se réunit chaque dimanche dans la paroisse. Donc si, d'une part, connaître la foi est un objectif, de l'autre, socialiser dans l'Eglise ou "rendre ecclésial" signifie s'introduire dans la grande communauté de l'Eglise, lieu de vie, où je sais qu'également dans les grands moments de ma vie - en particulier la souffrance et la mort - je ne suis pas seul.

Son Excellence a dit que de nombreuses personnes semblent ne pas avoir besoin de nous, mais les malades et les personnes qui souffrent, elles, oui. Et cela devrait se comprendre dès le début, c'est-à-dire que je ne serai jamais plus seul dans la vie. Je serai toujours porté par une communauté, mais dans le même temps, c'est moi qui devrai porter la communauté et enseigner dès le début également la responsabilité pour les malades, pour les personnes seules, pour les personnes qui souffrent et, ainsi, le don que je fais me revient. Il faut donc réveiller ce grand don chez l'homme, dans lequel se cache cette disponibilité à l'amour et au don de soi, et apporter ainsi la garantie que moi aussi, j'aurai des frères et des soeurs qui me soutiendront dans ces situations de difficultés, dans lesquelles j'ai besoin d'une communauté qui ne m'abandonne pas.

* * *

En ce qui concerne l'importance de la vie religieuse, nous savons que la vie monastique et contemplative exerce une certaine attraction face au stress du monde dans lequel nous vivons, et apparaît comme une oasis dans laquelle il est possible de vivre véritablement. Ici aussi, il s'agit d'une vision romantique:  c'est pourquoi le discernement des vocations est nécessaire. Toutefois, la situation historique confère un certain pouvoir d'attraction à la vie contemplative, mais moins à la vie religieuse active.

Cela se note davantage dans la branche masculine, où l'on voit des religieux, notamment des prêtres, qui accomplissent un apostolat important dans le domaine de l'éducation, auprès des malades, etc. Mais cela se constate moins, malheureusement, pour les vocations féminines, où le professionnalisme rend superflu la vocation religieuse. Il existe des infirmières diplômées, des institutrices diplômées, et donc ces métiers n'apparaissent plus comme une vocation religieuse et il sera difficile de retrouver cet état d'esprit pour ce type d'activités si la chaîne des vocations est interrompue.

Toutefois, nous constatons toujours plus que le professionnalisme ne suffit pas pour être une bonne infirmière. Il est nécessaire d'avoir du coeur. Il est nécessaire d'avoir de l'amour pour la personne qui souffre. Cela revêt une profonde dimension religieuse. Il en va de même pour l'enseignement. Nous avons à présent de nouvelles formes comme les Instituts séculiers, dont les communautés démontrent à travers leur vie qu'il existe un mode de vie bon pour la personne, mais surtout nécessaire pour la communauté, pour la foi et pour la communauté humaine. Je pense donc que même si les formes ont changé - une grande partie de nos communautés actives féminines sont issues du XIX siècle, avec le défi social spécifique de cette époque, et aujourd'hui, les défis ont quelque peu changé - l'Eglise fait comprendre que servir les personnes souffrantes et défendre la vie sont des vocations qui comportent une profonde dimension religieuse et qu'il existe des formes pour vivre ces vocations. De nouveaux modes apparaissent qui nous font espérer qu'aujourd'hui également, le Seigneur accordera les vocations nécessaires pour la vie de l'Eglise et du monde.

A l'intervention de l'aumônier de la Maison pénitentiaire locale, où vivent 260 personnes de plus de 30 nationalités, le Pape Benoît XVI a apporté la réponse suivante: 

Merci de vos paroles très importantes et très émouvantes. Peu de temps avant mon départ, j'ai eu l'occasion de parler avec le Cardinal Martino, Président du Conseil pontifical "Justice et Paix", qui prépare un document sur le problème de nos frères et soeurs détenus, qui souffrent et se sentent parfois peu respectés dans leurs droits humains, se sentent même méprisés et vivent dans des conditions où la présence du Christ est véritablement nécessaire. Et Jésus, dans l'Evangile de Matthieu 25, en anticipant le jugement dernier, parle de façon explicite de cette situation:  j'étais prisonnier et vous ne m'avez pas visité; j'étais prisonnier et vous m'avez visité.

Je vous suis donc reconnaissant d'avoir parlé de ces menaces à la dignité humaine dans de telles circonstances, pour apprendre que nous devons être également, en tant que prêtres, les frères de ces "plus petits" et que voir également en eux le Seigneur qui nous attend est d'une très grande importance. J'ai l'intention, avec le Cardinal Martino, de prononcer également des déclarations publiques sur cette situation particulière, qui est un mandat pour l'Eglise, pour la foi, pour son amour. Enfin, je suis reconnaissant de ce que vous avez dit:  ce n'est pas tant ce que tu fais, mais ce que tu es dans l'engagement sacerdotal qui est important. Il ne fait aucun doute que nous devons faire de nombreuses choses et nous ne devons pas céder à la paresse, mais tout notre engagement ne portera du fruit que s'il est l'expression de ce que nous sommes.

Si dans nos actions apparaît que nous sommes profondément unis avec le Christ:  être des instruments du Christ, la bouche à travers laquelle le Christ parle, la main à travers laquelle le Christ agit. Etre est convaincant, et agir ne convainc que dans la mesure où cela est réellement le fruit de l'expression de l'être.

Un autre prêtre a soulevé la question de la communion aux fidèles divorcés remariés. Voici  la  réponse  du Saint-Père: 

Nous savons tous que cela est un problème particulièrement douloureux pour les personnes qui vivent dans des situations où elles sont exclues de la communion eucharistique ainsi que, naturellement, pour les prêtres qui veulent aider ces personnes à aimer l'Eglise et à aimer le Christ. Cela pose un problème.

Aucun de nous n'a de solution toute faite, notamment parce que les situations sont toujours différentes. Je pense que la situation est particulièrement douloureuse pour les personnes qui se sont mariées à l'Eglise; mais qui ne sont pas vraiment croyantes et qui l'ont fait par tradition, puis ayant contracté un nouveau mariage non valide, se convertissent, trouvent la foi et se sentent exclues du Sacrement. Cela est réellement une grande souffrance, et lorsque j'étais Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai invité plusieurs Conférences épiscopales et spécialistes à étudier ce problème:  un sacrement célébré sans foi. Je n'ose pas m'avancer en affirmant que l'on puisse trouver ici réellement un motif d'invalidité parce qu'il manquait une dimension  fondamentale au mariage. Je le pensais personnellement, mais à la suite des discussions que nous avons eues, j'ai compris que le problème est très difficile et doit être encore approfondi. Mais étant donné la situation de souffrance de ces personnes, il doit vraiment être approfondi.

Je n'ose pas apporter une réponse immédiate; quoi qu'il en soit, deux aspects me semblent très importants. Le premier:  même si elles ne peuvent avoir accès à la communion sacramentelle, ces personnes ne sont pas exclues de l'amour de l'Eglise et de l'amour du Christ. Une Eucharistie sans la communion sacramentelle immédiate n'est certainement pas complète, il manque une chose essentielle. Toutefois, il est également vrai que participer à l'Eucharistie sans communion eucharistique n'est pas égal à rien, cela signifie toujours participer au mystère de la Croix et de la résurrection du Christ. Il s'agit toujours d'une participation au grand Sacrement dans la dimension spirituelle et pneumatique; dans la dimension également ecclésiale, sinon strictement sacramentelle.

Et étant donné qu'il s'agit du sacrement de la Passion du Christ, le Christ souffrant embrasse de façon particulière ces personnes et dialogue avec elles d'une autre façon. Elles peuvent donc se sentir embrassées par le Seigneur crucifié qui tombe à terre et meurt et souffre pour elles, avec elles. Il faut donc faire comprendre que même si, malheureusement, il manque une dimension fondamentale, elles ne sont toutefois pas exclues du grand mystère de l'Eucharistie, de l'amour du Christ ici présent. Cela me semble important, tout comme il me semble important que le curé et la communauté paroissiale fassent sentir à ces personnes que, d'une part, nous devons respecter le caractère indissoluble du Sacrement et, de l'autre, que nous aimons ces personnes qui souffrent également pour nous. Et nous devons aussi souffrir avec elles, car elles apportent un témoignage important, parce que nous savons qu'à partir du moment où l'on cède par amour, on porte préjudice au Sacrement lui-même et son indissolubilité apparaît toujours moins vraie.

Nous connaissons le problème non seulement des Communautés protestantes, mais également des Eglises orthodoxes qui sont souvent présentées comme un modèle dans lequel il est possible de se remarier. Mais seul le premier mariage est sacramentel:  eux aussi reconnaissent que les autres ne sont pas un Sacrement, il s'agit de mariages dans une mesure réduite, redimensionnée, dans des conditions de pénitence; d'une certaine façon, ils peuvent s'approcher de la Communion, mais en sachant que celle-ci est accordée "dans l'économie" - comme ils disent - en vertu d'une miséricorde qui, toutefois, n'ôte rien au fait que leur mariage n'est pas un Sacrement. L'autre point dans les Eglises orientales est que pour ces mariages, on a accordé la possibilité de divorcer avec une grande légèreté et que le principe de l'indissolubilité, et du véritable aspect sacramentel du mariage est gravement lésé.

Il y donc d'une part le bien de la communauté et le bien du Sacrement que nous devons respecter, et, de l'autre, la souffrance des personnes que nous devons aider.

Le second point que nous devons enseigner et rendre crédible également pour notre propre vie est que la souffrance, sous ses diverses formes, fait nécessairement partie de notre vie. Et il s'agit là d'une souffrance noble, je serais tenté de dire. Il faut à nouveau faire comprendre que le plaisir n'est pas tout. Que le christianisme nous donne la joie, comme l'amour donne la joie. Mais l'amour signifie également toujours renoncer à soi-même. Le Seigneur lui-même nous a donné la formule de ce qu'est l'amour:  celui qui se perd se retrouve; celui qui gagne et se conserve soi-même se perd.

Il s'agit toujours d'un exode et donc également d'une souffrance. La véritable joie est une chose différente du plaisir, la joie croît, mûrit toujours dans la souffrance en communion avec la Croix du Christ. Ce n'est que de là que naît la véritable joie de la foi, dont ces personnes non plus ne sont pas exclues si elles apprennent à accepter leur souffrance en communion avec celle du Christ.

Aux prêtres qui demandaient des éclaircissements sur l'administration du Sacrement du Baptême dans des situations particulières et sur le Compendium de l'Eglise catholique, le Saint-Père a apporté la réponse suivante: 

La première question est très difficile et j'ai déjà eu l'occasion de l'étudier lorsque j'étais Archevêque de Munich, car nous avons été confrontés à ces cas.

Tout d'abord, il faut étudier chaque cas:  soit l'obstacle contre le baptême est tel qu'il est impossible de conférer le sacrement sans lui porter préjudice, soit la situation permet de dire, même dans un contexte présentant des difficultés:  cet homme s'est réellement converti, il a toute la foi, il veut vivre la foi dans le Christ, il veut être baptisé. Je pense que donner maintenant une formule générale ne répondrait pas à la diversité des situations réelles:  nous tentons naturellement de faire tout notre possible pour conférer le Baptême à une personne qui le demande avec toute sa foi, mais disons que les détails doivent être étudiés au cas par cas.

Le désir de l'Eglise doit être, dans le cas où une personne démontre sa véritable conversion et veut accéder au Baptême et se laisser incorporer dans la communion du Christ et de l'Eglise, de la soutenir. L'Eglise devrait être ouverte s'il n'existe pas d'obstacles réels qui s'opposent au Baptême. Il faut donc rechercher la voie possible et si la personne est réellement convaincue, croit de tout son coeur, car nous ne sommes pas dans le relativisme.

* * *

Second point:  nous savons tous que dans la situation culturelle et intellectuelle dont nous avons parlé au début, la catéchèse est devenue beaucoup plus difficile. D'un côté, elle a besoin de nouveaux cadres pour être comprise et être contextualisée, afin que l'on puisse voir qu'elle possède un sens et qu'elle concerne aussi bien le présent que l'avenir, et de l'autre, une contextualisation nécessaire a donc été faite dans les Catéchismes des différentes Conférences épiscopales.

D'autre part, toutefois, des réponses claires sont nécessaires afin que l'on puisse voir que cela est la foi et que les autres sont des contextualisations, de simples façons de faire  comprendre. Ainsi est née une querelle au sein du monde catéchétique, entre le catéchisme au sens classique et les nouveaux instruments de catéchèse. Il est vrai d'une part - je parle à présent uniquement de l'expérience allemande - qu'un grand nombre de ces livres n'ont pas atteint leur objectif:  ils ont toujours préparé le terrain, mais ils étaient si occupés à préparer le terrain en frayant le chemin sur lequel avance la personne qu'à la fin, ils ne sont pas arrivés à apporter une réponse. D'autre part, les catéchismes classiques apparaissaient si fermés que la véritable réponse ne touchait plus l'esprit du catéchumène d'aujourd'hui.

Finalement, nous avons pris cet engagement pluridimensionnel:  nous avons élaboré le Catéchisme de l'Eglise catholique qui, d'une part, apporte les contextualisations culturelles nécessaires, mais apporte également des réponses précises. Nous l'avons écrit conscients qu'ensuite, à partir de ce Catéchisme jusqu'à la catéchèse concrète, il y a encore un chemin difficile à parcourir. Mais nous avons également compris que les situations, que ce soit linguistiques, culturelles, ou sociales, sont tellement différentes d'un pays à l'autre et même au sein des pays eux-mêmes dans les diverses couches sociales que c'est à l'Evêque ou à la Conférence épiscopale, ou encore au catéchiste, qu'il revient d'accomplir ce dernier chemin et c'est pourquoi notre position a été la suivante:  voilà le point de référence pour tous, ici on voit la façon de croire de l'Eglise. Puis c'est aux Conférences épiscopales de créer les instruments adaptés à la situation culturelle et de tracer le chemin qui reste encore à parcourir. Enfin, le catéchiste lui-même doit accomplir les derniers pas et peut-être lui offre-t-on également pour ces derniers pas les instruments adéquats.

Après plusieurs années, nous avons eu une réunion au cours de laquelle les catéchistes du monde entier nous ont dit que le Catéchisme correspondait aux attentes, qu'il s'agissait d'un ouvrage nécessaire, qui aide en présentant la beauté, le caractère organique et la plénitude de la foi, mais qu'ils avaient besoin d'une synthèse. Le Saint-Père Jean-Paul II, ayant pris acte du souhait exprimé lors de cette réunion, a chargé une Commission de réaliser ce Compendium, c'est-à-dire une synthèse du Grand Catéchisme, auquel il se réfère en en tirant l'essentiel. Au début, lors de la rédaction du Compendium, nous voulions être encore plus brefs, mais à la fin, nous avons compris que pour dire réellement, à notre époque, ce qui est essentiel, le matériel nécessaire qui servait à chaque catéchiste était ce que nous avions décidé. Nous avons également ajouté des prières. Et je pense qu'il s'agit d'un ouvrage réellement très utile, où l'on trouve la "summa" de ce qui est contenu dans le Grand Catéchisme, et dans ce sens, il me semble qu'il peut correspondre aujourd'hui au Catéchisme de Pie X.

Il reste quoi qu'il en soit toujours du devoir des Evêques et des Conférences épiscopales d'aider les prêtres et tous les catéchistes dans leur travail relatif à cet ouvrage, et de servir de pont avec un groupe déterminé, car la façon de parler, de penser et de comprendre est très différente non seulement entre l'Italie, la France et l'Allemagne, ou l'Afrique, mais également au sein d'un même pays, elle est perçue de manière très différente. C'est pourquoi le Catéchisme de l'Eglise catholique et le Compendium qui renferme la substance du Catéchisme, demeurent comme des instruments pour l'Eglise universelle.

En outre, nous avons toujours besoin également du travail des Evêques qui aident, en contact avec les prêtres et les catéchistes, à trouver tous les instruments nécessaires pour pouvoir bien travailler  dans  ces  semailles  de  la Parole.

Enfin, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes à toutes les personnes présentes: 
Je voudrais vous remercier pour vos questions qui m'aident à réfléchir sur l'avenir et surtout pour cette expérience de communion avec le grand presbyterium d'un très beau diocèse. Merci.

La rencontre s'est conclue par la récitation du "Je vous salue Marie".

 

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