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VISITE PASTORALE DU PAPE FRANÇOIS
À LA COMMUNAUTÉ DE NOMADELFIA, FONDÉE PAR LE PÈRE ZENO SALTINI (1900-1981),
DANS LA PROVINCE ET LE DIOCÈSE DE GROSSETO,
ET À LA CITADELLE INTERNATIONALE DU MOUVEMENT DES FOCOLARI DE LOPPIANO,
DANS LA PROVINCE DE FLORENCE, DIOCÈSE DE FIESOLE

RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ DU MOUVEMENT DES FOCOLARI

DISCOURS DU PAPE

Parvis du sanctuaire Maria Theotokos de Loppiano (Florence)
Jeudi, 10 mai 2018

[Multimédia]


 

Chers frères évêques, autorités, et vous tous,

Merci de votre accueil! Je vous salue tous et chacun, et je remercie Maria Voce pour son introduction… claire, très claire! Nous voyons qu’elle a les idées claires!

Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui parmi vous, à Loppiano, cette petite «ville» connue dans le monde parce qu’elle est née de l’Evangile et veut se nourrir de l’Evangile. Et c’est pour cette raison qu’elle est reconnue comme la ville d’élection et d’inspiration de nombreux disciples de Jésus, même par des frères et sœurs d’autres religions et d’autres convictions. A Loppiano, tous se sentent chez eux!

J’ai voulu venir la visiter également parce que, comme l’a souligné celle qui en était l’inspiratrice, la servante de Dieu Chiara Lubich, elle veut être une illustration de la mission de l’Eglise aujourd’hui, comme l’a dessinée le Concile œcuménique Vatican ii. Et je suis heureux de dialoguer avec vous pour cerner toujours davantage, à l’écoute du dessein de Dieu, le projet de Loppiano au service de la nouvelle étape du témoignage et de l’annonce de l’Evangile de Jésus, à laquelle le Saint-Esprit nous appelle.

Je connaissais les questions, bien sûr! Et à présent, je réponds aux questions. Je les ai toutes insérées ici.

En s’inspirant des paroles de Maria Voce, qui a parlé de l’amour mutuel comme «loi» de Loppiano, il a été demandé au Pape comment vivre et renouveler chaque jour cette consigne prophétique laissée par Chiara Lubich.

C’est vous qui me posez la première question, vous les «pionniers» de Loppiano qui, il y a plus de 50 ans, puis progressivement au cours des décennies suivantes, vous êtes lancés dans cette aventure en quittant vos régions, vos maisons et vos emplois pour venir ici passer votre vie et réaliser ce rêve. Tout d’abord merci, merci pour ce que vous avez fait, merci de votre foi en Jésus! C’est Lui qui a fait ce miracle, et vous [vous avez] mis la foi. Et la foi permet à Jésus de travailler. C’est pourquoi la foi opère des miracles, car elle laisse la place à Jésus, et il fait des miracles les uns après les autres. La vie est ainsi!

A vous, les «pionniers», et à tous les habitants de Loppiano, je répète spontanément les paroles que la Lettre aux Hébreux adresse à une communauté chrétienne qui vivait une étape de son itinéraire, semblable à la vôtre. La Lettre aux Hébreux dit: «Remémorez-vous ces premiers jours: après avoir reçu la lumière du Christ, vous avez dû endurer une lutte grande et douloureuse […]. En effet […] vous avez accepté volontiers d’être privé de vos biens, sachant que vous possédiez des biens meilleurs et durables. N’abandonnez pas votre franchise — votre parrhésie, dit-elle — à laquelle une grande récompense est réservée. Tout ce dont vous avez besoin c’est de persévérance — d’hypomoné est le mot qu’il utilise, c’est-à-dire porter sur ses épaules le poids de tous les jours — pour que, une fois accomplie la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous a été promis» (10, 32-36).

Ce sont deux mots-clés, mais dans le cadre de la mémoire. Cette dimension «deutéronomique» de la vie: la mémoire. Quand, je ne dis pas un chrétien, mais un homme ou une femme, ferme la clé de la mémoire, elle commence à mourir. S’il vous plaît, la mémoire. Comme le dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux: «Remémorez-vous ces premiers jours…». Avec ce cadre de la mémoire on peut vivre, on peut respirer, on peut continuer, et porter du fruit. Mais si vous n’avez pas de mémoire… Les fruits de l’arbre sont possibles, car l’arbre a des racines: il n’est pas déraciné. Mais si vous n’avez pas de mémoire, vous êtes un déraciné, une déracinée, il n’y aura pas de fruits. Mémoire: voilà le cadre de la vie.

Voici deux mots-clés du chemin de la communauté chrétienne dans ce texte: parrhésie et hypomoné. Courage, franchise et supporter, persévérez, portez le poids de tous les jours sur les épaules.

La parrhésie, dans le Nouveau Testament, manifeste le style de vie des disciples de Jésus: le courage et la sincérité dans le témoignage de la vérité et, en même temps, la confiance en Dieu et dans sa miséricorde. La prière doit aussi être faite avec parrhésie. Dire les choses à Dieu «en face», avec courage. Pensez à la façon de prier de notre père Abraham, quand il a eu le courage demander à Dieu de «négocier» sur le nombre des justes dans Sodome: «Et s’ils étaient trente … Et s’ils étaient vingt-cinq … Et si ils étaient quinze?…». Ce courage de lutter avec Dieu! Et le courage de Moïse, le grand ami de Dieu, qui lui dit en face: «Si tu détruis ce peuple, détruis-moi aussi». Courage. Lutter avec Dieu dans la prière. Il faut de la parrhésie, la parrhésie dans la vie, dans l’action et aussi dans la prière.

La parrhésie exprime les qualités fondamentales de la vie chrétienne: avoir le cœur tourné vers Dieu, croire en son amour (cf. 1 Jn 4,16), parce que son amour bannit toute fausse crainte, toute tentation de se cacher dans une vie tranquille, dans la respectabilité, voire même dans une hypocrisie subtile. Ce sont comme des termites qui rongent l’âme. Il faut demander à l’Esprit Saint la franchise, le courage, la parrhésie — toujours accompagnée du respect et de la tendresse — en témoignant des grandes et belles œuvres de Dieu, qu’Il accomplit en nous et parmi nous. Et même dans les relations au sein de la communauté, il faut toujours être sincères, ouverts, francs, ni craintif, ni paresseux, ni hypocrites. Non, ouverts. Ne restez pas à l’écart, pour semer la zizanie, murmurer, mais efforcez-vous de vivre comme des disciples sincères et courageux dans l’amour et la vérité. Semer la zizanie, vous le savez, détruit l’Eglise, détruit la communauté, détruit la vie, parce qu’elle vous empoisonne vous aussi. Et ceux qui vivent de bavardages, qui sont toujours en train de parler les uns des autres, j’aime à dire — je le vois comme ça — qu’ils sont des «terroristes», parce qu’ils parlent mal des autres; mais parler mal de quelqu’un pour le détruire, c’est faire comme un terroriste: il part avec une bombe, il la jette, il détruit, puis il s’en va tranquille. Non. Ouverts, constructifs, courageux dans la charité.

Et puis l’autre mot: hypomoné, que l’on peut traduire comme se soumettre, supporter. Le fait de rester et d’apprendre à habiter les situations exigeantes que la vie nous présente. Avec ce terme, l’apôtre Paul exprime la constance et la fermeté dans la poursuite du choix de Dieu et de la nouvelle vie dans le Christ. Il s’agit de maintenir fermement ce choix, même au prix de difficultés et d’oppositions, sachant que cette constance, cette fermeté et cette patience produisent de l’espérance. C’est ce que dit Paul. Et l’espérance ne déçoit pas (cf. Rm 5, 3-5). Mettez-vous cela dans la tête: l’espérance ne déçoit jamais! Ne déçoit jamais! Pour l’apôtre, le fondement de la persévérance, c’est l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs par le don de l’Esprit, un amour qui nous précède et nous rend capables de vivre avec ténacité, sérénité, positivité, imagination… et aussi avec un peu d’humour, même dans les moments les plus difficiles. Demandez la grâce de l’humour. C’est l’attitude humaine qui se rapproche le plus de la grâce de Dieu. L’humour. J’ai rencontré un saint prêtre occupé jusqu’au cou à faire des choses — il allait, venait… — mais il ne cessait jamais de sourire. Et comme il avait le sens de l’humour, ceux qui le connaissaient disaient de lui: «Mais celui-là, il est capable de rire des autres, de rire de lui-même et aussi de rire de son ombre!». L’humour c’est comme ça!

La Lettre aux Hébreux nous invite aussi à «se remémorer ces premiers jours», c’est-à-dire à raviver dans nos cœurs et dans nos esprits le feu de l’expérience dont tout est né.

Chiara Lubich a senti que Dieu la poussait à faire naître Loppiano — puis les autres villes qui ont surgi dans diverses régions du monde — en contemplant, un jour, l’abbaye bénédictine d’Einsiedeln, avec son église et le cloître des moines, mais aussi avec la bibliothèque, la menuiserie, les champs … Là-bas, dans l’abbaye, Dieu est au centre de la vie, dans la prière et dans la célébration de l’Eucharistie, d’où jaillit et se nourrissent la fraternité, le travail, la culture, le rayonnement au milieu des gens de la lumière et de l’énergie sociale de l’Evangile. Ainsi, en contemplant l’abbaye, Chiara a été poussée à donner vie à quelque chose de semblable, sous une forme nouvelle et moderne, en harmonie avec Vatican ii, à partir du charisme de l’unité: l’esquisse d’une cité nouvelle dans l’esprit de l’Evangile.

Une cité dans laquelle la beauté du peuple de Dieu se distingue avant tout par la richesse et par la variété de ses membres, des différentes vocations, des expressions sociales et culturelles, chacun en dialogue et au service de tous. Une cité qui a comme cœur l’Eucharistie, source d’unité et de vie toujours nouvelle, et qui se présente aux yeux de celui qui la visite aussi sous son aspect laïc et quotidien, inclusif et ouvert: avec le travail de la terre, les activités de l’entreprise et de l’industrie, les écoles de formation, les maisons d’accueil et pour les personnes âgées, les ateliers d’art, les groupes musicaux, les moyens de communication modernes…

Une famille dans laquelle tous se reconnaissent comme les fils et les filles de l’unique Père, engagés à vivre le commandement de l’amour mutuel entre eux et à l’égard de tous. Non pas pour être tranquilles en dehors du monde, mais pour sortir, rencontrer, prendre soin, pour jeter à pleines mains le levain de l’Evangile dans la pâte de la société, en particulier là où c’est le plus nécessaire, où la joie de l’Evangile est attendue et invoquée: dans la pauvreté, dans la souffrance, dans l’épreuve, dans la recherche, dans le doute.

Le charisme de l’unité est un stimulant providentiel et une aide puissante pour vivre cette mystique évangélique du «nous»; c’est-à-dire pour marcher ensemble dans l’histoire des hommes et des femmes de notre temps avec «un seul cœur et une seule âme» (cf. Ac 4, 32), en se découvrant et en s’aimant concrètement comme les «membres les uns des autres» (Rm 12, 5). Jésus a prié le Père pour cela: «Afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi» (Jn 17, 21), et il nous a montré le chemin en lui-même, jusqu’au don total de tout dans le dépouillement abyssal de la croix (cf. Mc 15, 34, Phil 2, 6-8). Telle est la spiritualité du «nous». Vous pouvez faire à vous-mêmes, et aussi à d’autres, pour plaisanter, ce test. Un prêtre qui est ici — plus ou moins caché — m’a fait ce test. Il m’a dit: «Dites-moi, père, quel est le contraire du “moi”, l’opposé du “moi”?». Et je suis tombé dans le piège, et immédiatement j’ai dit: «toi». Et il m’a dit: «Non, le contraire de tout individualisme, du moi et du toi, c’est le “nous”». Le contraire est «nous». C’est cette spiritualité du nous, celle que vous devez promouvoir, qui nous sauve de tout égoïsme et de tout intérêt égoïste. La spiritualité du nous.

Ce n’est pas seulement un fait spirituel, mais une réalité concrète avec des conséquences formidables — si nous le vivons et que nous déclinons ses différentes dimensions avec authenticité et courage — au niveau social, culturel, politique, économique… Jésus a racheté non seulement l’individu, mais aussi la relation sociale (cf. Evangelii gaudium, n. 178). Prendre au sérieux ce fait signifie façonner un nouveau visage de la cité des hommes selon le dessein d’amour de Dieu.

Loppiano est appelé à être cela. Et il peut essayer, avec confiance et réalisme, à le devenir toujours mieux. C’est l’essentiel. Et c’est à partir de cela, qu’il faut toujours repartir à nouveau.

Voilà la réponse à la première question: toujours repartir, mais à partir de cette réalité qui est vivante. Pas des théories, non, de la réalité, de la façon dont nous vivons. Et quand la réalité est vécue authentiquement, c’est vraiment un maillon de cette chaîne qui nous aide à aller de l’avant.

Dans la deuxième question, on a demandé au Pape quelle «contribution fraîche et créative» peuvent développer les écoles de formation présentes à Loppiano et une réalité académique comme l’institut universitaire Sophia «pour construire un leadership qui réussisse à ouvrir de nouvelles voies».

A Loppiano on vit l’expérience d’un chemin commun, dans un style synodal, comme peuple de Dieu. Et c’est la base solide et indispensable de tout: l’école du peuple de Dieu où celui qui enseigne et guide est l’unique Maîre (cf. Mt 23,10) et où la dynamique est celle de l’écoute mutuelle et de l’échange de dons entre tous.

Les parcours de formation du charisme de l’unité qui ont fleuri à Loppiano peuvent puiser un nouvel élan, en s’enrichissant par la créativité de l’amour et en s’ouvrant aux sollicitations de l’Esprit et de l’histoire: la formation spirituelle aux différentes vocations; la formation au travail, à l’action économique et politique; la formation au dialogue, dans ses différentes expressions œcuméniques et interreligieuses et avec des personnes de différentes convictions; la formation ecclésiale et culturelle. Et cela au service de tous, avec un regard qui embrasse toute l’humanité, en commençant par ceux qui, d’une façon ou d’une autre, sont relégués aux périphéries de l’existence. Loppiano cité-ouverte, Loppiano cité en sortie. A Loppiano, les périphéries n’existent pas.

Pouvoir disposer à Loppiano de tous ces centres de formation est une grande richesse. C’est une grande richesse! Je vous suggère de leur donner un nouvel élan, en les ouvrant à de plus vastes horizons et en les projetant jusqu’aux frontières. Il est essentiel, en particulier, de mettre au point le projet de formation qui relie entre eux chaque parcours qui touche plus concrètement les enfants, les jeunes, les familles, les personnes de vocations différentes. Que la base et la clef de tout soit le «pacte de formation», qui est à la base de chacun de ces parcours et possède dans la proximité et dans le dialogue sa méthode privilégiée. Il y a ici un mot qui est aussi pour moi une clef: le mot «proximité». On ne peut pas être chrétien sans être proche, sans avoir une attitude de proximité, parce que la proximité est ce que Dieu a fait quand il a envoyé son Fils. Auparavant, Dieu l’a fait quand il guidait le peuple d’Israël et demandait au peuple: «Dis-moi, tu as vu un autre peuple avoir des dieux aussi proches que je te suis proche?». Voilà ce que demande Dieu. Etre proche, la proximité. Et ensuite, quand il envoie son Fils se faire plus proche — un de nous —, se faire plus proche. Ce mot est une clef dans le christianisme et dans votre charisme. Proximité.

Il faut ensuite apprendre à exercer ensemble les trois langages: de la tête, du cœur et des mains. Autrement dit il faut apprendre à bien penser, à bien sentir et à bien travailler. Oui, même le travail, car — comme l’écrivait don Pasquale Foresi, qui a joué un rôle central dans la réalisation du projet à Loppiano — le travail «n’est pas seulement un moyen pour vivre, mais quelque chose d’inhérent à notre condition humaine, et donc également un moyen pour connaître la réalité, pour comprendre la vie: c’est un outil de formation humaine, réel et effectif». Cela est important — les trois langages — parce que nous avons hérité de la philosophie des lumières cette idée — pas saine — selon laquelle l’éducation signifie remplir la tête de concepts. Et plus tu as de connaissances, plus tu seras meilleur. Non. L’éducation doit toucher la tête, le cœur et les mains. Eduquer à bien penser, pas seulement à apprendre des concepts, mais à bien penser; éduquer à bien sentir; éduquer à bien faire. De façon à ce que ces trois langages soient connectés entre eux: que tu penses ce que tu sens et que tu fais; que tu sens ce que tu penses et que tu fais; que tu fais ce que tu sens et que tu penses, en unité. Cela est éduquer.

Deux des réalités nées à Loppiano ces dernières années sont la preuve du caractère incisif et du développement à grande échelle de cet engagement prometteur: le pôle des entreprises «Lionello Bonfanti», centre de formation et de diffusion de l’économie civile et de communion; et l’expérience académique de frontière de l’institut universitaire Sophia, érigé par le Saint-Siège, dont un siège local — et je m’en réjouis vivement — sera bientôt ouvert en Amérique latine.

Il est important qu’à Loppiano il y ait un centre universitaire destiné à ceux qui — comme le dit son nom — recherchent la sagesse et se donnent comme objectif la construction d’une culture de l’unité. Je n’ai pas dit de l’uniformité. Non. L’uniformité est le contraire de l’unité! Ce centre reflète, à partir de son inspiration fondatrice, les lignes que j’ai tracées dans la récente constitution apostolique Veritatis gaudium, en invitant à un renouveau savant et courageux des études académiques. Et cela pour offrir une contribution compétente et prophétique à la transformation missionnaire de l’Eglise et à la vision de notre planète comme une unique patrie et de l’humanité comme un unique peuple, composé de tant de peuples, qui habite une maison commune.

Allez de l’avant, continuez ainsi!

Dans la troisième et dernière question, l’un des migrants accueillis à Loppiano a demandé à François quelle est leur «mission en cette étape de la nouvelle évangélisation» et quelles réponses apporter «aux défis de notre temps comme occasion de croissance pour tous».

Je désire lever les yeux vers l’horizon et vous inviter à faire comme moi, pour regarder avec une fidélité confiante et une créativité généreuse l’avenir qui commence déjà aujourd’hui.

L’histoire de Loppiano n’est qu’à ses débuts. Vous êtes au début. C’est une petite semence jetée dans les sillons de l’histoire et qui a déjà germé en abondance, mais qui doit renforcer ses racines et porter des fruits substantiels, au service de la mission visant à annoncer et incarner l’Evangile de Jésus que l’Eglise est aujourd’hui appelée à vivre. Et cela demande de l’humilité, de l’ouverture, une synergie, et la capacité de prendre des risques. Nous devons utiliser tout cela: l’humilité et la capacité de risquer, ensemble, ouverture et synergie.

Les urgences, souvent dramatiques, qui nous interpellent de toute part ne peuvent nous laisser indifférents, mais nous demandent le maximum, en ayant toujours confiance dans la grâce de Dieu.

Au changement d’époque que nous vivons — pas une époque de changement, mais un changement d’époque — il faut non seulement s’engager pour que se rencontrent les personnes, les cultures et les peuples et pour une alliance entre les civilisations, mais pour vaincre tous ensemble le défi historique de construire une culture commune de la rencontre et une civilisation mondiale de l’alliance. Comme un arc-en-ciel de couleurs où se déploie en éventail la lumière blanche de l’amour de Dieu! Et pour ce faire, a il faut des hommes et des femmes — des jeunes, des familles, des personnes de toutes les vocations et professions — capables de tracer de nouveaux chemins à parcourir ensemble. L’Evangile est toujours nouveau, toujours. En ce temps pascal, l’Eglise nous a très souvent dit que la Résurrection de Jésus nous apporte la jeunesse et nous fait demander cette nouvelle jeunesse. Toujours avancer de manière créative.

Le défi est celui de la fidélité créative: être fidèles à l’inspiration des débuts et, ensemble, être ouverts au souffle de l’Esprit Saint et entreprendre avec courage les nouveaux chemins que Celui-ci nous suggère. Pour moi — et je vous conseille de le faire —, l’exemple le plus grand est celui que nous pouvons lire dans les livre des Actes des apôtres: regarder comment ils ont été capables de rester fidèles à l’enseignement de Jésus et ont eu le courage de faire tant de «folies», parce qu’ils en ont fait, en allant partout. Pourquoi? Ils savaient conjuguer cette fidélité créative. Lisez ce texte des Ecritures, pas une fois, mais deux, trois, quatre, cinq ou six fois, car vous y trouverez le chemin de cette fidélité créative. L’Esprit Saint, pas notre bon sens, pas nos capacités pragmatiques, pas nos manières de voir toujours limitées. Non, il faut avancer avec le souffle de l’Esprit.

Mais comment fait-on pour connaître et suivre l’Esprit Saint? En pratiquant le discernement communautaire. C’est-à-dire en se réunissant en assemblée autour de Jésus ressuscité, le Seigneur et Maître, pour écouter ce que l’Esprit nous dit aujourd’hui en tant que communauté chrétienne (cf. Ap 2, 7) et pour découvrir ensemble, dans cette atmosphère, l’appel que Dieu nous fait entendre dans la situation historique où nous nous trouvons à vivre l’Evangile.

Il faut l’écoute de Dieu, jusqu’à sentir avec lui le cri du peuple, et il faut l’écoute du peuple jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle. Les disciples de Jésus doivent être des contemplatifs de la Parole et des contemplatifs du peuple de Dieu.

Nous sommes tous appelés à devenir des artisans du discernement communautaire. Il n’est pas facile à faire, mais nous devons le faire si nous voulons avoir cette fidélité créative, si nous voulons être dociles à l’Esprit. C’est le chemin, pour que Loppiano aussi découvre et suive, pas à pas, la voie de Dieu au service de l’Eglise et de la société.

*****

Avant de conclure, je vous remercie encore tous pour l’accueil et pour la fête!

Et ensemble, une dernière chose que j’ai à cœur de vous dire. Nous sommes réunis ici devant le sanctuaire de Marie Theotokos. Nous sommes sous le regard de Marie. En cela aussi il existe une harmonie entre le Vatican et le charisme des Focolari, dont le nom officiel pour l’Eglise est Œuvre de Marie.

Le 21 novembre 1964, en conclusion de la troisième session du Concile, le bienheureux Paul VI a proclamé Marie «Mère de l’Eglise». J’ai moi-même voulu instituer cette année sa mémoire liturgique, qui sera célébrée pour la première fois le 21 mai prochain, le lundi après la Pentecôte.

Marie est la Mère de Jésus et elle est, à travers lui, notre Mère à tous: la Mère de l’unité. Le sanctuaire qui lui est consacré ici, à Loppiano, est une invitation à nous mettre à l’école de Marie pour apprendre à connaître Jésus, à vivre avec Jésus et de Jésus présent en chacun de nous et parmi nous.

Et n’oubliez pas que Marie était laïque, c’était une laïque. La première disciple de Jésus, sa Mère, était laïque. Il y a là une grande inspiration. Et un bel exercice que nous pouvons faire, je vous mets au défi de le faire, c’est de prendre [dans l’Evangile] les épisodes de la vie de Jésus les plus conflictuels et de voir — comme à Cana, par exemple — comment réagit Marie. Marie prend la parole et intervient. «Mais père [ces épisodes] ne sont pas tous dans l’Evangile…». Et toi, imagine, imagine que sa Mère était là, qu’elle a vu cela… Comment Marie aurait-elle réagi à cela? C’est une véritable école pour avancer. Parce qu’elle est la femme de la fidélité, la femme de la créativité, la femme du courage, de la parrhésie, la femme de la patience, la femme qui supporte les choses. Regardez toujours cela, cette laïque, première disciple de Jésus, comment elle a réagi dans tous les épisodes conflictuels de la vie de son fils. Cela vous aidera beaucoup.

Et n’oubliez pas de prier pour moi parce que j’en ai besoin. Merci!

 


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