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JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 20 octobre 1999

La vertu théologale de la charité: l'amour envers le prochain 

   

Lecture: Jn 13, 34-35 

1. «Si quelqu'un dit: "J'aime Dieu" et qu'il déteste son frère, c'est un menteur: celui qui n'aime pas son frère, qu'il voit, ne saurait aimer le Dieu qu'il ne voit pas» (1 Jn 4, 20-21). 

La vertu théologale de la charité, dont nous avons parlé au cours de la dernière catéchèse, s'exprime dans une double direction: vers Dieu et vers le prochain. Dans l'un et l'autre aspect, elle est le fruit du dynamisme même de la vie de la Trinité en nous. 

En effet, la charité a sa source dans le Père, elle se révèle pleinement dans la Pâque du Fils crucifié et ressuscité, et est répandue en nous par l'Esprit Saint. En elle Dieu nous fait participer à son amour. 

Si l'on aime véritablement avec l'amour de Dieu, on aimera également son frère, comme Il l'aime. C'est là que se trouve la grande nouveauté du christianisme: on ne peut pas aimer Dieu, si l'on n'aime pas ses frères en créant avec eux une communion d'amour intime et persévérante. 

2. L'enseignement de l'Ecriture Sainte à ce propos est sans équivoque. L'amour envers ses prochains est déjà recommandé aux Israélites: «Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même» (Lv 19, 18). Si, dans un premier moment, ce précepte semble uniquement destiné aux Israélites, il devient toutefois peu à peu entendu dans un sens toujours plus large, incluant les étrangers qui habitent parmi eux, en raison du souvenir d'Israël qui a lui-même été étranger en terre d'Egypte (cf. Lv 19, 34; Dt 10, 19). 

Dans le Nouveau Testament, cet amour est commandé dans un sens clairement universel: il suppose un concept de prochain qui n'a pas de frontières (cf. Lc 10, 29-37) et il est également étendu aux ennemis (cf. Mt 5, 43-47). Il est important de remarquer que l'amour du prochain est considéré comme une imitation et un prolongement de la bonté miséricordieuse du Père céleste qui pourvoit aux nécessités de tous et n'établit pas de distinction entre les personnes (cf. ibid., v. 45). Mais il reste cependant lié à l'amour envers Dieu: les deux commandements de l'amour représentent en effet la synthèse et le sommet de la Loi et des Prophètes (cf. Mt 22, 40). Seul celui qui pratique les deux commandements est proche du Royaume de Dieu, comme Jésus lui-même le souligne, en répondant à un scribe qui l'avait interrogé (cf. Mc 12, 28-34). 

3. En suivant cet itinéraire, qui relie l'amour envers le prochain à celui envers Dieu, et tous les deux à la vie de Dieu en nous, il est facile de comprendre comment l'amour est présent dans le Nouveau Testament comme un fruit de l'Esprit, et même comme le premier des dons énumérés par saint Paul dans la lettre aux Galates: «Mais le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur maîtrise de soi» (Ga 5, 22). 

Dans la tradition théologique, on a distingué, tout en les mettant en corrélation, les vertus théologales, les dons et les fruits de l'Esprit Saint (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, nn. 1830- 1832). Alors que les vertus sont des qua- lités permanentes conférées à la créature en vue des œuvres surnaturelles qu'il doit accomplir et que les dons perfectionnent les vertus, tant théologales que morales, les fruits de l'Esprit sont des actes vertueux que la personne accomplit avec facilité, de façon habituelle et avec joie (cf. saint Thomas, Summa theologiae, I-II, q. 70 a. 1, ad 2). Ces distinctions ne s'opposent pas à ce que Paul affirme en parlant au singulier du fruit de l'Esprit. En effet, l'Apôtre entend indiquer que le fruit par excellence est la charité divine elle-même qui est l'âme de tout acte vertueux. De même que la lumière du soleil s'exprime dans une gamme infinie de couleurs, la charité se manifeste dans de multiples fruits de l'Esprit. 

4. Dans cette optique, on dit dans la Lettre aux Colossiens: «Et puis, par-dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection» (3, 14). L'hymne à la charité contenu dans la première Lettre aux Corinthiens (cf. 1 Co 13) célèbre cette primauté de la charité sur tous les autres dons (cf. vv. 1-3), et même sur la foi et l'espérance (cf. v. 13). L'Apôtre Paul affirme à son propos: «La charité ne passe jamais» (v. 8). 

L'amour envers le prochain possède une connotation christologique, car il doit se modeler sur le don que le Christ a fait de sa propre vie: «A ceci nous avons connu l'Amour: celui-là a donné sa vie pour nous. Et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères» (1 Jn 3, 16). Mesuré sur l'amour du Christ, l'amour envers le prochain peut être défini «commandement nouveau», qui permet de reconnaître les vrais disciples: «Je vous donne un commandement nouveau: vous aimer les uns les autres; comme je vous ai aimés, aimez- vous les uns les autres. A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes diciples» (Jn 13, 34-35). La signification christologique de l'amour du prochain resplendira dans la seconde venue du Christ. En effet, on constatera précisément alors que l'aûne pour juger de l'adhésion au Christ est précisément l'exercice quotidien et visible de la charité envers les frères les plus indigents: «J'avais faim et vous m'avez donné à manger...» (cf. Mt 25, 31-46).

Seul celui qui se laisse toucher par le prochain et par ses besoins, montre de façon concrète son amour pour Jésus. La fermeture et l'indifférence envers l'«autre» est un fermeture envers l'Esprit Saint, un oubli du Christ et une négation de l'amour universel du Père. 

                                                                    * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 20 octobre 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français: 

De différents pays: Groupe de Sœurs ursulines. 

De France: Pèlerins du diocèse de Beauvais; chorale de Fonsegrives; pèlerins de Paris; Institut de Droit canonique, de Strasbourg. 

De Suisse: Jeunes des Paroisses de la Champagne, à Genève. 

Du Canada: Etudiants de l'Université de Waterloo, Ontario. 

 

Chers Frères et Sœurs,

Le commandement nouveau du Seigneur nous rappelle qu'il n'est pas possible d'aimer Dieu si l'on n'aime pas ses frères. L'enseignement de l'Ecriture à ce sujet est clair. L'amour du prochain, lié à l'amour envers Dieu, est comme l'imitation et le prolongement de la bonté miséricordieuse du Père céleste, qui pourvoit aux nécessités de tous et ne fait pas de différences entre les personnes. Les deux commandements de l'amour sont la synthèse et le sommet de la Loi et des Prophètes. Seul celui qui les pratique n'est pas loin du royaume de Dieu.

Saint Paul nous dit que la charité divine, âme de tout acte de vertu, est le fruit par excellence de l'Esprit Saint. Dans la première lettre aux Corinthiens, l'hymne à la charité célèbre le primat de l'amour sur tous les autres dons, même sur la foi et l'espérance. La charité ne passera jamais.

L'amour envers le prochain a aussi une connotation christologique, car il doit se modeler sur le don que le Christ a fait de sa vie. Seul celui qui se laisse toucher par son prochain et par ses besoins montre concrètement son amour pour Jésus. La fermeture et l'indifférence envers "l'autre" est fermeture à l'Esprit Saint, oubli du Christ et négation de l'amour universel du Père.

 

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, particulièrement les professeurs et les étudiants de l'Institut de Droit canonique de Strasbourg. Je leur souhaite de découvrir toujours plus dans le Christ la source de leur amour envers le prochain. A tous, je donne de grand cœur la Bénédiction apostolique.

  



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