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JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 8 novembre 2000
 

 

Lecture:  1 Co 10, 16-17

1. "O sacrement de la piété! O signe de l'unité! O lien de la charité!". L'exclamation de saint Augustin dans son commentaire de l'Evangile de Jean (In Johannis Evangelium 26, 13) reprend et synthétise les paroles que Paul a adressées aux Corinthiens et que nous venons d'entendre:  "Puisqu'il y a un seul pain, la multitude que nous formons est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain" (1 Co 10, 17). L'Eucharistie est le sacrement et la source de l'unité ecclésiale. Et cela a été répété depuis les origines de la tradition chrétienne, en se fondant précisément sur le signe du pain et du vin. Ainsi, dans la Didachè, un écrit rédigé à l'aube du christianisme, il est affirmé:  "De même que ce pain rompu était auparavant dispersé sur les monts et, qu'une fois rassemblé, il est devenu une seule réalité, que ton Eglise se rassemble ainsi des extrémités de la terre dans ton royaume" (9, 1)

2. Saint Cyprien, Evêque de Carthage, faisant écho à ces paroles au IIIème siècle, affirme:  "Les sacrifices mêmes du Seigneur mettent en lumière l'unanimité des chrétiens cimentée par une solide et indivisible charité. Car, lorsque le Seigneur appelle son corps le pain composé par l'union de nombreux grains de blé, il indique notre peuple rassemblé, qu'il nourrit; et lorsqu'il appelle son sang le vin pressé des nombreuses grappes et grains de raisin et mêlés ensemble, il indique de la même façon notre troupeau composé d'une multitude unie ensemble" (Ep. ad Magnum 6). Ce symbolisme eucharistique en relation avec l'unité de l'Eglise revient fréquemment chez les Pères et les théologiens scolastiques:  "Le Concile de Trente en a résumé la Doctrine en enseignant que notre Sauveur a laissé l'Eucharistie à son Eglise "comme symbole de son unité et de la charité avec laquelle il désira que tous les chrétiens soient intimement unis entre eux"; c'est pourquoi elle est le "symbole de cet unique corps, dont il est la tête"" (Paul VI, Mysterium fidei:  Ench. Vat., 2, 424; cf. Conc. Trid., Décret sur la Très Sainte Eucharistie, préambule et c. 2). Le Catéchisme de l'Eglise catholique résume cela de façon claire:  "Ceux qui reçoivent l'Eucharistie sont unis plus étroitement au Christ. Par là même, le Christ les unit à tous les fidèles en un seul corps:  l'Eglise" (CEC, n. 1396).

3. Cette doctrine traditionnelle est profondément enracinée dans l'Ecriture. Paul, dans le passage déjà cité de la première Epître aux Corinthiens, la développe en partant d'un thème fondamental, celui de la koinonía, c'est-à-dire de la communion qui s'instaure entre le fidèle et le Christ dans l'Eucharistie. "La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas communion (koinonía) au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion (koinonía) au corps du Christ?" (10, 16). Cette communion est décrite plus précisément dans l'Evangile de Jean, comme une relation extraordinaire d'"intériorité réciproque":  "lui en moi et moi en lui". En effet, déclare Jésus dans la synagogue de Capharnaüm:  "Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui"  (Jn 6, 56).

C'est un thème qui sera également souligné dans les discours de la Dernière Cène grâce au symbole de la vigne:  le sarment n'est verdoyant et ne porte du fruit que s'il est greffé sur le pied de la vigne, dont il reçoit lymphe et soutien (Jn 15, 1-7). Autrement, il ne s'agit que d'une branche sèche et destinée au feu:  aut vitis aut ignis, "ou la vigne ou le feu", commente de façon lapidaire saint Augustin (In Johannis Evangelium 81, 3). On définit ici une unité, une communion, qui se réalise entre le fidèle et le Christ présent dans l'Eucharistie, sur la base de ce principe que Paul formule ainsi:  "Ceux qui mangent les victimes ne sont-ils pas en communion avec l'autel" (1 Co 10, 18).

4. Cette communion-koinonía de type "vertical", car elle s'unit au mystère divin, engendre dans le même temps une communion-koinonía que nous pourrions dire "horizontale", c'est-à-dire ecclésiale, fraternelle, capable d'unir par un lien d'amour tous les participants à la même table. "Parce qu'il n'y a qu'un pain - nous rappelle Paul - , à plusieurs nous ne sommes qu'un corps, car tous nous participons à ce corps unique" (1 Co 10, 17). Le discours sur l'Eucharistie anticipe la profonde réflexion ecclésiale que l'Apôtre développera dans le chapitre 12 de cette même Lettre, lorsqu'il parlera du corps du Christ dans son unité et sa multiplicité. La célèbre description de l'Eglise de Jérusalem, offerte par Luc dans les Actes des Apôtres décrit elle aussi cette unité fraternelle ou koinonía, en la reliant à la fraction du pain, c'est-à-dire à la célébration eucharistique (cf. Ac 2, 42). Il s'agit d'une communion qui s'accomplit dans les événements concrets de l'histoire:  "Ils se montraient assidus à l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle (koinonía), à la fraction du pain et aux prières [...] Tous les croyants ensemble mettaient tout en commun" (Ac 2, 42-44).

5. On renie donc la signification profonde de l'Eucharistie, lorsqu'on la célèbre sans tenir compte des exigences de la charité et de la communion. Paul est sévère avec les Corinthiens, car lors-qu'ils se rassemblent, "ce n'est plus le Repas du Seigneur" (1 Co 11, 20) qu'ils prennent, à cause des divisions, des injustices, des égoïsmes. Dans ce cas l'Eucharistie n'est plus agape, c'est-à-dire expression et source d'amour. Et celui qui y participe de façon indigne, sans qu'elle débouche sur la charité fraternelle, "mange et boit sa propre condamnation" (1 Co 11, 29). "Si en effet la vie chrétienne s'exprime dans l'accomplissement du plus grand commandement, c'est-à-dire dans l'amour de Dieu et du prochain, cet amour trouve sa source précisément dans le saint sacrement, qui est appelé communément sacrement de l'amour" (Dominicae coenae, n. 5). L'Eucharistie rappelle, rend présente et engendre cette charité.

Reprenons alors l'appel de l'Evêque et martyr Ignace, qui exhortait à l'unité les fidèles de Philadelphie en Asie mineure:  "La chair de notre Seigneur Jésus-Christ est une seule, le calice dans l'unité de son sang est un seul, l'autel est un seul, de même que l'Evêque est un seul" (Ep. ad Philadelphenses, n. 4). Et, avec la liturgie, nous prions Dieu le Père:  "Quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l'Esprit Saint, accorde-nous d'être un seul corps et un seul esprit dans le Christ" (Prière eucharistique III).

                                                                       * * * 

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 8 novembre 2000, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français: 

De divers pays:  Groupe de l'Union internationale des Chemins de Fer.

De France:  Groupe de pèlerins du diocèse de Vannes; paroisse Sainte Jeanne d'Arc, de Versailles; groupe Légions de Marie.

Chers Frères et Sœurs, 

L’Eucharistie est par excellence le sacrement et la source de l’unité de l’Eglise, comme cela est clairement rappelé dans l’Ecriture et dans toute la tradition. “Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous formons est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain” (1 Co 10, 17). Dans l’Eucharistie, le Christ nous invite à nous enraciner dans la vie de communion avec Lui. Cette relation d’intériorité réciproque que saint Paul nomme la koinonia est en même temps communion au mystère divin et lien d’unité entre tous ceux qui prennent part à la table du Seigneur, les invitant à vivre dans l’amour.  

“Ceux qui reçoivent le Corps du Christ sont unis plus étroitement au Christ. Par là même, le Christ réunit les fidèles en un seul corps: l’Eglise” (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1396). Incorporés à l’Eglise par le Baptême et sans cesse renouvelés dans ce don par la réception du Corps du Christ, nous réalisons le sens profond de l’Eucharistie, union profonde avec le Sauveur, qui nous pousse à vivre les exigences de la charité, en particulier envers nos frères les plus pauvres.Ainsi, nous pouvons dire avec saint Augustin, “O sacrement de la piété ! O signe de l’unité ! O lien de la charité !”(In Ioannis Evangelium 26, 13). 

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier les membres de l’Union internationale des Chemins de Fer. Que leur pèlerinage jubilaire soit une occasion de vivre davantage en communion avec le Christ et son Eglise ! A tous, je donne de grand cœur la Bénédiction apostolique. 

 

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