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VOYAGE APOSTOLIQUE EN SUISSE
(11-17 JUIN 1979)

LITURGIE DE LA PAROLE POUR LES JEUNES SUISSES

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

Stade de glace "La patinoire de St-Léonard" (Fribourg)
Mercredi, 13 juin 1984

 

Chers Jeunes,

merci de votre accueil, merci de votre présence. C’est une grande joie pour moi de partager avec vous cette soirée. Vous êtes porteurs de l’avenir de la société et de l’Eglise. Je souhaite que pour vous, pour moi et pour ceux qui nous suivent de loin, ces instants reçus ensemble dans la joie, l’écoute, la réflexion et la prière soient un grand signe d’espérance.

Par vous et avec vous l’Esprit du Christ veut vivifier son Eglise et construire un monde plus juste, plus solidaire, plus fraternel. Soyons ensemble, ce soir et demain, toujours plus ouverts à l’Esprit du Christ.

Chers Jeunes,

1. Vos témoignages et vos questions mériteraient une longue discussion. Tous les problèmes que vous avez évoqués sont sérieux et montrent vos préoccupations face au monde et à l’Eglise d’aujourd’hui et de demain. Je ne peux en quelques instants répondre à tout. Je souhaite que notre échange de ce soir soit prolongé avec vos responsables de mouvements, avec vos catéchistes, vos prêtres et vos évêques.

Pour ma part, je voudrais m’arrêter à l’un ou l’autre point qui me paraissent fondamentaux et rejoignent les questions que se pose la jeunesse du monde entier. J’ai abordé les mêmes problèmes avec les jeunes de nombreux pays, à Rome, à Paris, à Lourdes, à Vienne, à Varsovie, à Lisbonne, à Galway, à Cardiff, à Boston, à Mexico, à Belo Horizonte, à Séoul.

L’avenir du monde vous paraît plutôt sombre. Le chômage, la famine, la violence, les menaces que font peser sur l’humanité le stockage d’armes d’une capacité effroyable de destruction, les déséquilibres économiques entre le Nord et le Sud, la pauvreté spirituelle qui accompagne en de nombreux pays la société de consommation, sont autant de causes d’inquiétudes et d’angoisses.

A vous jeunes, je dis: Ne vous laissez pas abattre par le défaitisme et le découragement! Vous êtes le monde de demain. De vous d’abord dépend l’avenir. Vous recevez de nous, les aînés, un monde qui peut vous décevoir, mais il a ses richesses et ses misères, ses valeurs et ses contre-valeurs. Les progrès extraordinaires de la science et de la technique sont ambivalents. Ils peuvent servir au meilleur et au pire. Ils peuvent sauver les vies humaines ou les détruire. Ils peuvent permettre une répartition des biens dans le monde meilleur et plus juste, ou au contraire accroître leur accumulation dans les mains de petits groupes en augmentant la misère des masses. Ils peuvent favoriser la paix ou au contraire faire peser sur l’humanité la menace de destructions épouvantables.

2. Tout dépend de l’usage qui est fait des progrès de la science ou de la technologie. Tout dépend finalement du cœur des hommes. C’est le cœur des hommes qu’il faut changer. Il faut sans doute modifier certaines structures qui engendrent l’injustice et la misère, mais il faut en même temps transformer le cœur des hommes.

Voilà, chers jeunes, le grand chantier du monde dans lequel vous devez vous engager. Ensemble, travaillez avec vos mains, votre cœur, votre intelligence et votre foi à construire un monde nouveau où il soit vraiment possible pour tous de s’épanouir et de vivre dans une atmosphère de sécurité et de confiance réciproque.

On ne bâtit pas l’avenir de l’humanité dans la haine, la violence, l’oppression quelle qu’elle soit. On n’édifie pas l’avenir de l’humanité sur le triomphe des égoïsmes individuels et collectifs. On ne peut construire l’avenir de l’humanité sur une fausse conception de la liberté qui ne respecte pas la liberté des autres. La société de consommation dans laquelle nous vivons et la peur d’un avenir incertain poussent à chercher pour soi des satisfactions immédiates. On se replie sur soi, sur son petit bonheur personnel, ses émotions, dans un cercle où la sensibilité exacerbée est sans cesse à l’affût de nouvelles émotions vite dépassées, où l’on n’accepte pas d’autre référence que soi-même et ses plaisirs. On ne peut vivre ainsi. Ce n’est pas ce monde-là que vous voulez. Ce serait un monde désespérant qui vide la vie de l’homme de toute signification.

3. Vous avez prévu de lire tout à l’heure le récit évangélique de la multiplication des pains. Jésus a multiplié les pains pour qu’ils soient partagés entre tous les gens présents, et il demande aux disciples d’accomplir ce service.

Aujourd’hui, le Christ vous appelle tous à un engagement sérieux et persévérant pour un partage fraternel des biens matériels et spirituels qui sont immenses dans le monde. Et cela commence aujourd’hui, dans vos écoles, dans vos lieux d’apprentissage et de travail, dans vos quartiers, dans vos villages. Cela commence aujourd’hui par une attention véritable aux autres et à leurs besoins, par un esprit de service et d’entraide fraternelle, par le sens de la justice, par l’entraînement au don de soi. La transformation du monde, c’est aujourd’hui qu’elle commence en vous et autour de vous.

Mais pour réaliser cette tâche magnifique qui est votre responsabilité face à l’humanité future, il y a quelques conditions indispensables. Je voudrais vous en rappeler deux.

4. Pour accomplir cette mission qui est la vôtre, il ne faut pas vivre à la surface de vous-mêmes, mais en profondeur. Il faut découvrir la dimension profonde de la personne humaine: les ressources de votre cœur, la valeur des autres, le sens des événements. Une existence superficielle engendre une insatisfaction pénible. N’est-ce pas le malaise qu’éprouvent beaucoup de jeunes qui cherchent les chemins de l’authenticité? Or l’authenticité est dans la profondeur. Mais il est, hélas, des profondeurs factices que la drogue donne l’illusion d’atteindre. Il est une pseudo-science, une pseudo-liberté, une libéralisation naïve de la sexualité qui sont des drogues aussi dangereuses et mortelles que les hallucinogènes.

Prendre conscience de soi, être présent à soi-même, découvrir les aspirations véritables de la personne, connaître ses qualités et ses limites, les accepter, constituent autant de conditions d’une relation authentique aux autres. Découvrir enfin, en nous-mêmes et dans les autres, la Présence secrète du Dieu de qui nous tenons la vie, le mouvement et l’être (Cf. Act. 17, 28), c’est découvrir la Source d’une vie nouvelle et d’un dynamisme nouveau pour transformer le monde. Sans moi, nous dit Jésus, vous ne pouvez rien faire (Cf. Io. 15, 5).

Si vous savez vous abstraire du bruit, apprendre le silence pour vous retrouver vous-mêmes et Dieu en vous, vous pourrez résister aux influences dissolvantes du monde extérieur et aux complicités intérieures sans cesse renaissantes de votre propre égoïsme. Comme je le disais il y a juste un an à mes jeunes compatriotes à Jasna Góra: “Je veille, veut dire que je m’efforce d’être un homme de conscience. Je n’étouffe pas cette conscience et je ne la déforme pas; j’appelle par leur nom le bien et le mal, sans les obscurcir; je construis le bien en moi, et j’essaie de me corriger du mal” (Ioannis Pauli PP. II, Allocutio ad iuvenes in

«Jasna Góra» congregatos habita, 5, die 18 iun. 1983: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VI, 1 (1983) 1565).

Vous découvrirez le projet de Dieu sur chacun de vous, inscrit dans vos qualités et vos limites elles-mêmes, au prix d’une certaine discipline de réflexion et de silence.

Parler de conscience de soi, d’intériorité, de réflexion et de silence, n’est pas une invitation à fuir la réalité, mais au contraire à bien l’explorer jusqu’à y découvrir sa dimension spirituelle. Il ne s’agit donc pas d’être en marge de la vie, mais d’y entrer jusqu’à la rencontre, dans la foi, de l’Esprit qui agit en nos cœurs et dans le cœur des hommes.

Notre regard sur les personnes et les événements est trop souvent myope, alors que nous devrions approcher de toute personne humaine avec un infini respect et lire au cœur des événements les enjeux profonds, les valeurs exaltées ou bafouées, l’action de l’Esprit Saint accueillie ou contrariée par les hommes.

Baptisés et confirmés, l’Esprit Saint vous a été donné. Il vous guidera dans la recherche de l’intériorité personnelle et du sens caché des événements. Soyez ouverts à l’Esprit du Christ: il est l’Esprit de vérité, et c’est la vérité qui vous rendra libres.

Ce que je vous propose est grand. Cette conquête de votre intériorité est la clé d’une vie qui vaut la peine d’être vécue, parce qu’elle devient une extraordinaire découverte, jamais finie, de soi-même, des autres, du monde et de Dieu. C’est aussi le chemin d’une communion fraternelle entre tous les hommes fondée sur la communion avec Dieu dans le Christ et dans son Esprit.

5. Mais pour vivre cette véritable aventure spirituelle, il importe - et c’est ma seconde remarque - de vivre en équipe, en Eglise. L’Eglise n’est-elle pas justement la communauté de ceux qui croient en Jésus et qui veulent se laisser conduire par son Esprit dès maintenant sur les chemins du Royaume de Dieu? Si vous voulez bâtir un monde renouvelé, mettez-vous ensemble pour approfondir votre regard, pour conforter vos points de vue avec la Parole de Dieu, pour vous entraider dans vos engagements quotidiens, pour vous soutenir dans les jours de lassitude. L’Eglise devrait être - que dis-je - doit être cette communauté fraternelle où l’on peut refaire ses forces, partager ses joies et ses soucis, s’unir dans la foi et la prière, célébrer ensemble dans l’Eucharistie le sacrifice de la Croix et la Présence réelle et mystérieuse du Christ ressuscité, se nourrir de Lui et de son Esprit. Vous avez raison, il faut restaurer dans nos communautés, dans nos paroisses, des relations vraies. Il faut vivre plus joyeusement et plus intensément la messe dominicale. Prenez votre place dans vos communautés paroissiales, soyez présents pour donner à l’Eglise une nouvelle jeunesse, pour lui donner toujours davantage un visage “sans tache, ni ride”, comme la veut le Christ (Eph. 5, 27). Mais permettez-moi aussi de vous dire: soyez patients! On ne change pas en un jour une communauté chrétienne faite de personnes d’âges et de mentalités très variés. Chacun a ses qualités mais aussi ses imperfections et ses limites. Ne vous faut-il pas d’abord reconnaître la valeur de ce qu’ont déjà bâti - et souvent dans la peine - ceux qui vous précèdent? Ainsi vous manifesterez votre maturité, et croyez bien que toute l’Eglise compte sur vous, elle a besoin de vous pour devenir de plus en plus ce qu’elle doit être: une grande famille vivante et fraternelle de croyants ouverts à l’Esprit du Christ, témoignant au cœur du monde du salut apporté par le Christ, et manifestant l’Amour insondable qui unit le Père, le Fils et le Saint Esprit.

Oui, chers jeunes, animés de l’Esprit du Christ, cherchez la profondeur dans un monde où tout vous appelle à vivre en consommateurs superficiels, mettez-vous ensemble, formez des cellules vivantes de l’Eglise du Christ. Vous deviendrez alors, comme le Christ, des êtres existant pour les autres. Vous construirez avec tous les jeunes du monde une nouvelle civilisation de la Justice et de l’Amour.

Einen sehr herzlichen Gruß in ihrer Muttersprache richte ich heute Abend auch hier schon an die deutschsprachigen Jugendlichen in der Schweiz. Übermorgen werde ich Gelegenheit zu einer gleichen brüderlichen Begegnung mit ihnen in Einsiedeln haben. Meine Worte an die Jugend hier in Freiburg und dann in Einsiedeln gelten unterschiedslos euch allen, die ihr euch in diesem Land zu Christus bekennt oder euch noch auf dem Weg zu ihm befindet. Christus führe euch alle seinen Weg zur Wahrheit und zum Leben!

 

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