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PÈLERINAGE APOSTOLIQUE
AU CAMEROUN, AFRIQUE DU SUD ET KENYA

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR L'ESPLANADE
DE L’AÉROPORT MILITAIRE DE YAOUNDÉ

HOMÉLIE DE JEAN-PAUL II

Yaoundé (Cameroun)
Vendredi 15 septembre 1995

 

1. «La terre tout entière a vu le salut de notre Dieu»[1].

Ces paroles du psaume ont pris une actualité nouvelle lorsque le Christ a dit à ses Apôtres: «Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit»[2]. Ce commandement missionnaire du Seigneur a été appliqué sur le continent africain dès la première génération de disciples du Christ. En effet, les «Actes des Apôtres» parlent du baptême conféré par le diacre Philippe à un homme de la cour de la reine d’Éthiopie[3]. Très vite également, le christianisme a commencé à se répandre le long des côtes septentrionales d’Afrique. Ce fut une évangélisation remarquable. Grâce à elle, tout le bassin de la Mer Méditerranée a constitué pour l’Église le premier territoire de son implantation: à partir de Jérusalem, au Nord à travers l’Asie mineure, la Grèce, l’Italie, et jusqu’à l’Espagne. Par contre, au Sud, l’évangélisation a eu lieu en Égypte, en Éthiopie, en Libye et dans les pays devenus aujourd’hui la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, c’est-à-dire des pays à majorité musulmane. C’étaient jadis des centres florissants de vie chrétienne.

Parmi eux, il convient de souligner Carthage, cité où vécut longtemps saint Augustin, l’homme qui fut le guide de la pensée chrétienne de tout l’Occident. Ex Africa lux! On n’a jamais pu étudier à fond le développement de la pensée chrétienne sans étudier les traités de saint Augustin; et cela ne sera sans doute jamais possible. Parmi les Pères de l’Église, saint Augustin est l’un de ceux qui unissent la théologie de l’Orient et celle de l’Occident. Avec lui la pensée patristique latine atteint un très haut sommet. C’est à lui aussi que se rattachera au Moyen-âge le développement de la philosophie et de la théologie, en particulier dans l’œuvre de saint Thomas d’Aquin.

La théologie témoigne toujours d’une foi réfléchie. Cependant, lorsque le Seigneur Jésus ordonna à ses Apôtres d’aller dans le monde entier pour que la terre tout entière voie le salut de Dieu, il pensait d’abord à l’annonce de l’Évangile, c’est-à-dire à la première évangélisation. L’annonce de la Parole du Dieu vivant est toujours liée à la parole de l’homme. L’Église a évidemment communiqué l’Évangile dans les paroles d’hommes qui appartiennent à des peuples ou à des pays bien définis. Aujourd’hui encore, il en est ainsi. Sur le continent africain, l’Église parle les langues des peuples de l’Afrique pour leur transmettre la Bonne Nouvelle de la Parole de Dieu. Par cette transmission, les différentes cultures sont élevées à une dignité particulière. Les anciennes nations européennes le savent bien. Les peuples de l’Afrique noire le savent aussi: ils en ont fait clairement l’expérience au cours des deux derniers siècles.

2. Ce que l’on appelle le Synode africain, en réalité, qu’a-t-il été? Ce fut une assemblée des évêques de votre continent, réunis en communion avec le Successeur de Pierre pour examiner les problèmes de l’Église et orienter l’évangélisation. La première partie s’est déroulée à Rome aux mois d’avril et de mai, l’an passé. Maintenant, sur le continent africain, a lieu la deuxième phase des travaux.

Conformément aux décisions prises avec vos Cardinaux, nous nous rencontrons en trois lieux choisis en Afrique pour faire connaître les résultats des travaux du Synode. Également, nous voulons rendre grâce à Dieu pour la maturité manifestée par les Églises africaines à l’occasion de ces travaux et en recueillir les fruits dans la joie. Ce n’est pas seulement l’œuvre des évêques, vos pasteurs, mais c’est aussi l’œuvre de toutes les communautés et de leurs fidèles laïcs. C’est ici en Afrique qu’a eu lieu toute la phase préparatoire du Synode. De nombreux laïcs y ont participé activement. C’est ici aussi, parmi le Peuple de Dieu des Églises d’Afrique, que nous désirons conclure ce grand œuvre.

Je remercie l’Archevêque de ce diocèse, Monseigneur Jean Zoa, pour ses paroles chaleureuses prononcées au nom de votre magnifique assemblée. Je salue Monsieur le Président de la République et les personnalités qui ont tenu à participer à cette fête de l’Église en Afrique. Chers Frères et Sœurs, en vous je salue avec ferveur tous les peuples africains représentés ici par leurs Pasteurs membres du Synode.

3. Penso agradecido nas comunidades de Cabo Verde, Guiné-Bissau, e São Tomé e Príncipe, a quem abraço fraternalmente no Senhor: sobre vós refulgiu a Luz de Cristo, já na segunda fase de evangelização da África. Destes guarida a ondas sucessivas de missionários, que demandavam os confins da terra. Quero hoje repetir-vos o «Obrigado» de todos eles, pela mesa e casa havida; nesta Mesa Eucarística, acolho e elevo ao Céu os votos e frutos esperançosos da vossa fé e caridade a bem deste caminho sinodal que cobre todo o Continente e Ilhas Africanas.

4. Deseo saludar ahora a los señores Obispos, sacerdotes, comunidades religiosas y fieles católicos de Guinea Ecuatorial, que han participado con la oración y las aportaciones personales en el buen desarrollo de la Asamblea sinodal para este continente.

5. Un Synode est toujours une expression particulière de la communauté. Le nom même le dit. Le mot «synode» signifie union des routes sur lesquelles l’Église avance, dans les divers pays et les divers continents, et aussi dans l’ensemble du monde. En Afrique, la tradition des synodes est très ancienne. Elle remonte aux premiers siècles du christianisme. Cependant, c’est la première fois que nous sommes témoins et acteurs d’un Synode qui concerne le continent tout entier.

Ce Synode est tourné vers l’avenir. Il désire montrer les chemins que l’Église doit prendre, à l’avenir, sur le continent africain. C’est de grande importance en cette période de passage du deuxième au troisième millénaire. Le Synode africain joue un rôle déterminant dans la préparation de tous à l’entrée dans le troisième millénaire du christianisme.

Conformément à la volonté du Christ, le Synode proclame le Verbe fait chair, annoncé dès le commencement pour le salut de l’homme. Mais on va vers le salut au long de la vie terrestre; celle-ci doit donc être envisagée à la fois du point de vue de Dieu et du point de vue de l’homme. C’est précisément l’idée directrice du Synode africain pour tous les hommes et pour tous les peuples qui vivent sur votre continent. Car il faut que «la terre tout entière voie le salut de notre Dieu»[5].

6. In the Gospel reading, Saint Luke tells us how Jesus of Nazareth first presented himself to the people of his own town as the Messiah sent from God. Let us listen again to the words of the Prophet Isaiah which Jesus read in the synagogue at Nazareth: "The Spirit of the Lord is upon me; therefore he has anointed me. He has sent me to bring glad tidings to the poor, to proclaim liberty to captives, recovery of sight to the blind and release to prisoners, to announce a year of favour from the Lord"[6].

Isaiah’s words were certainly familiar to the people who heard them. But as Jesus read them, everyone fell silent and listened intently: what was Jesus going to say to them? He came from their town, was now 30 years old, and ever since he was a child they had known him as the son of Joseph the carpenter and of Mary. Jesus’ commentary on the words of the Prophet is quite clear and simple: "Today this Scripture passage is fulfilled in your hearing"[7] – it is fulfilled in your midst.

What did Jesus mean by this? Clearly the people there understood that he had applied the words of the Prophet to himself. Did he say to them: "I am the promised Messiah"? No, he simply said that the words of Isaiah had been fulfilled. For those who already knew that he was the fulfilment of the prophecy, he confirmed their interpretation. If some still thought that he was only the son of the carpenter, the real meaning of Isaiah’s words now became clearer to them: Jesus of Nazareth was the Christ, the Messiah anointed by the Holy Spirit and sent by the Father to "bring glad tidings to the poor". The truth of this message would be confirmed by the signs and miracles which Jesus would later work. With Christ, Israel and all humanity were entering the New Covenant of grace and of the freedom of the children of God.

7. Dans la première lecture des Actes des Apôtres, Pierre confirme ce que le Christ dit de lui-même dans la synagogue de Nazareth. A ceux qui l’écoutent, Pierre adresse ces paroles: «Vous le savez...: Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force. Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui. Et nous, les Apôtres, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Ils l’ont fait mourir en le pendant au bois du supplice. Et voici que Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se montrer non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Il nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que Dieu l’a choisi comme Juge des vivants et des morts. C’est à lui que tous les prophètes rendent ce témoignage: tout homme qui croit en lui reçoit par lui le pardon de ses péchés»[8].

Pierre annonce le Christ crucifié et ressuscité, Rédempteur du monde, en qui tous les hommes et toutes les nations reçoivent le salut de Dieu. Ce que nous lisons à toutes les pages des «Actes des Apôtres» a lieu en Afrique aussi. L’Église a reçu l’héritage de Pierre et elle annonce le même Évangile du Christ. Elle conduit les hommes et les peuples vers le salut accordé à toute l’humanité par le Saint-Esprit dans le Mystère pascal du Christ. Le Synode africain annonce lui aussi la même vérité, au terme du second millénaire, en fonction des nécessités de votre continent et des tâches qui s’imposent à vous.

Vous aussi, vous connaissez Jésus de Nazareth, le Christ. Il est passé et il continue à passer sur vos terres et dans vos communautés en faisant constamment le bien. Plus spécialement au cours du siècle dernier, vous aussi, habitants de l’Afrique noire, vous êtes devenus ses témoins. Il vous a enseigné la vérité sur Dieu notre Père, qui aime tout homme cherchant à vivre dans la crainte de Dieu et à agir avec justice, en toute nation, peuple ou tribu[9].

8. Le Synode africain, qui pendant cette semaine se déroule sur votre continent, désire vous présenter le document final, fruit de ses travaux. Parmi les thèmes mis en relief, celui de l’inculturation mérite une attention particulière, car il est lié à l’annonce de la Bonne Nouvelle aux peuples et aux nations de votre continent, ainsi qu’à leur entrée dans la vie selon l’Évangile. Les nations vivent de leur culture. Comme on l’a déjà dit, l’Évangile s’inscrit dans les cultures et les renouvelle. C’est ainsi que les individus et les peuples de l’Afrique le ressentent et c’est pourquoi ils cherchent à mettre ce thème en évidence. Nous devons donc aujourd’hui approfondir le concept même de l’inculturation. La parabole de la vigne et des sarments, rapportée par saint Jean[10], peut nous y aider d’une manière particulière. La culture n’est rien d’autre que l’action de cultiver. Dans cette parabole justement, le Père céleste est présenté comme le patron de la vigne. Il la cultive. Il cultive cette vigne de l’humanité en envoyant son Fils. Il l’envoie non seulement comme le porteur d’un message de salut. Il l’envoie comme une greffe qui doit permettre aux sarments de prendre sur la vigne divine. Et c’est pour cela que le Fils de Dieu, vrai Dieu consubstantiel au Père, s’est fait homme. Il s’est fait homme afin que le genre humain se greffe sur lui et, de cette manière, ait la vie nouvelle. Le but est d’ennoblir constamment et graduellement l’humanité dans tous les peuples, quelle que soit leur race ou la couleur de leur peau.

Si c’est en cela que consiste la culture, c’est-à-dire l’art de cultiver la vigne du grand continent africain, l’inculturation est tout ce qui confirme la présence du Christ dans vos cultures africaines, et donc dans vos langues, dans votre littérature, dans vos chants et dans vos danses, dans la façon de célébrer l’Eucharistie, et aussi dans la manière de vivre votre vie quotidienne.

Ne sommes-nous pas témoins de tout cela durant cette rencontre? Cette liturgie à Yaoundé, au Cameroun, n’est-elle pas réellement originale, comme la liturgie des autres Églises du continent noir? Dans un instant, vous allez vous approcher de l’autel pour y apporter les dons du pain et du vin, que nous offrirons, afin que, sous les espèces du pain et du vin, le Christ renouvelle son Sacrifice d’une manière non sanglante. La façon d’apporter ces dons à l’autel est tout à fait africaine. Elle se fait avec un accompagnement de chants et de danses qu’on ne trouve pas sur d’autres continents. L’Afrique parle à Dieu avec les fruits de sa terre et avec ceux du labeur de ses mains. «Tu es béni, Dieu de l’univers...». Dieu, de ta générosité nous avons reçu ce pain, nous avons reçu ce vin; nous te les présentons. Que le pain devienne pour nous nourriture de salut! Que le vin devienne pour nous boisson spirituelle, par le Christ ton Fils, qui, dans l’Eucharistie, assume les dons de l’homme, les reprend dans son irremplaçable sacrifice que Lui, le Fils éternel, te présente, à Toi, Père éternel!

Dans un instant, avec mes Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, je vais m’approcher de l’autel du Seigneur, pour présenter le sacrifice du Peuple de Dieu en ce lieu important du continent africain. Nous prierons le Seigneur d’accepter les fruits du Synode des Évêques, afin que, pour de longues années, la direction que l’Église doit prendre sur votre continent soit bien tracée, et que le Christ puisse être toujours plus présent au milieu de vous, comme Rédempteur du monde et comme Bon Pasteur.


[1] Ps. 98 (97), 3.

[2] Matth. 28, 19.

[3] Cfr. Act. 8, 27-40.

[4] Cfr. Io. 1, 14.

[5] Cfr. Ps. 98 (97), 3.

[6] Luc. 4, 18-19.

[7] Ibid. 4, 21.

[8] Act. 10, 37-38.

[9] Cfr. ibid. 10, 34-35.

[10] Cfr. Io. 15, 1-11.

 



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