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MESSAGE DU SAINT PÈRE JEAN-PAUL II
POUR LA XXVIII
e JOURNÉE MONDIALE 
DES COMMUNICATIONS SOCIALES 

« Télévision et famille: critères pour une saine utilisation »

1994

 

Chers frères et sœurs:

Au cours des dernières décennies, la télévision a été le fer de lance d'une révolution qui a profondément touché la vie familiale. Aujourd'hui, la télévision est une source primordiale de nouvelles, d'information et d'actualité pour un très grand nombre de familles, et elle modèle leurs attitudes et opinions, leurs valeurs et modèles de comportement.

La télévision peut enrichir la vie familiale. Elle peut resserrer les membres de la famille entre eux et encourager leur solidarité à l'égard d'autres familles et de la communauté dans son ensemble. Elle peut accroître non seulement leur connaissance générale mais aussi leur connaissance religieuse, leur permettant ainsi d'entendre la Parole de Dieu, d'affermir leur identité religieuse, et d'alimenter leur vie morale et spirituelle.

La télévision peut aussi blesser la vie familiale: en propageant des valeurs et des modèles dégradants de comportement, en transmettant des émissions pornographiques et des descriptions graphiques de violence brutale; en inculquant le relativisme moral et le scepticisme religieux; en répandant des exposés déformés et manipulés d'événements d'information ou de problèmes courants; en se faisant porteuse d'une publicité d'exploitation qui fait appel à de bas instincts, et en glorifiant de fausses visions de la vie, qui empêchent la réalisation du respect mutuel, de la justice et de la paix.

Même lorsque l'on ne peut rien objecter aux programmes télévisés eux-mêmes, la télévision peut encore avoir des effets négatifs sur la famille. Elle peut isoler les membres de la famille dans leur monde personnel, les coupant des authentiques relations interpersonnelles; elle peut aussi diviser la famille en rendant les parents étrangers aux enfants et les enfants aux parents.

Puisque le renouveau moral et spirituel de la famille humaine dans son ensemble, doit s'enraciner dans un renouveau authentique des familles individuelles, le thème de la Journée mondiale des Communications sociales 1994 — « Télévision et famille: critères pour une saine utilisation » — est tout à fait actuel, en particulier au cours de cette Année internationale de la Famille, alors que le monde est à la recherche de voies d'affermissement de la vie familiale.

Dans ce Message, je voudrais particulièrement souligner les responsabilités des parents, des hommes et des femmes de l'industrie télévisuelle, des autorités publiques, et de ceux qui ont des devoirs de pastorale et d'éducation dans l'Eglise. C'est dans leur mains que réside le pouvoir de faire de la télévision un moyen toujours plus efficace afin d'aider les familles à remplir leur rôle qui consiste à être une force visant au renouveau moral et social.

Dieu a confié aux parents la lourde responsabilité d'aider leurs enfants « à chercher la vérité et à vivre conformément à elle, à chercher le bien et à le promouvoir » (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1991, n. 3). Il est par conséquent de leur devoir d'amener leurs enfants à apprécier « tout ce qu'il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d'aimable, d'honorable » (Ph 4, 8).

Ainsi, outre le fait qu'ils sont eux-mêmes des téléspectateurs capables d'esprit critique, les parents devraient activement participer à la formation chez leurs enfants d'habitudes d'utilisation de la télévision qui les conduiront à un sain développement humain, moral et religieux. Les parents devraient s'informer eux-mêmes par avance du contenu des programmes et effectuer sur cette base un choix consciencieux, pour le bien de la famille — choisir de regarder ou de ne pas regarder. Les critiques et évaluations fournies par des institutions religieuses et d'autres groupes responsables — ainsi que de sains programmes d'éducation des médias — peuvent aider sous ce rapport. Les parents devraient aussi parler de la télévision avec leurs enfants, en les incitant à réguler la quantité et la qualité de leur utilisation, et à percevoir et juger les valeurs éthiques sous-jacentes à certains programmes, parce que la famille est « l'agent privilégié de la transmission des valeurs religieuses et culturelles qui aident la personne à forger son identité » (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1994, n. 2).

Former les habitudes d'utilisation des enfants signifiera parfois tout simplement éteindre le téléviseur: parce qu'il y a mieux à faire, parce que le respect dû à d'autres membres de la famille le demande, ou parce que l'utilisation sans discrimination de la télévision peut être dangeureux. Les parents qui utilisent de manière régulière et prolongée la télévision comme une sorte de nurse électronique, abdiquent leur rôle de premiers éducateurs de leurs enfants. Une telle dépendance à l'égard de la télévision peut empêcher les membres de la famille d'être en contact les uns avec les autres par la conversation, les activités partagées et la prière en commun. De sages parents savent aussi que même de bons programmes peuvent être remplacés par d'autres sources d'information, de divertissement, d'éducation et de culture.

Pour s'assurer que l'industrie télévisuelle protègera les droits de la famille, les parents doivent exprimer leurs légitimes préoccupations aux dirigeants et producteurs des médias. Parfois, ils pourront trouver utile de rejoindre d'autres personnes dans des associations qui représentent leurs intérêts auprès des médias, des sponsors et des agents de publicité, et des autorités publiques.

Le personnel de la télévision — administration et dirigeants, producteurs et directeurs, journalistes, cameramen et personnel technique — ont tous de sérieuses responsabilités morales à l'égard des familles qui composent une très grande part de leur audience. Dans leur vie professionnelle et personnelle, les personnes qui travaillent à la télévision doivent prendre un engagement à l'égard des familles en tant que communauté de base de vie, d'amour et de solidarité de la société. En reconnaissant l'influence de l'organe pour lequel ils travaillent, ils doivent promouvoir de saines valeurs morales et spirituelles, et éviter « tout ce qui peut blesser la famille, dans son existence, sa stabilité, son équilibre, son bonheur », qu'il s'agisse « d'érotisme ou de violence, d'apologie du divorce ou des attitudes antisociales des jeunes » (Paul VI, Message pour la Journée mondiale des Communications sociales 1969, n. 2).

On demande souvent à la télévision de traiter de problèmes sérieux: faiblesse humaine et péché, et leurs conséquences pour les individus et la société; les échecs des institutions sociales, y compris du gouvernement et de la religion; les graves questions sur le sens de la vie. Elle doit traiter de ces sujets de manière responsable — sans donner dans le sensationnel et avec un souci sincère pour le bien de la société, ainsi qu'avec un respect scrupuleux de la vérité. « La vérité vous libérera » (Jn 8, 32), disait Jésus, et en dernière analyse, toute vérité trouve son fondement en Dieu, qui est aussi la source de notre liberté et de notre créativité.

Dans l'accomplissement de ses responsabilités publiques, l'industrie télévisuelle doit développer et respecter un code éthique qui comprend un engagement à servir les besoins des familles et à promouvoir les valeurs qui soutiennent la vie familiale. Les conseils de médias, formés à la fois de membres de l'industrie et du public en général, sont une manière hautement souhaitable de rendre la télévision plus apte à répondre aux besoins et aux valeurs de son public.

Les chaînes de télévisions, qu'elles soient publiques ou privées, représentent une responsabilité publique pour le service du bien commun; elles ne sont pas la simple préservation personnelle d'intérêts commerciaux ou un instrument de pouvoir ou de propagande pour des élites sociales, économiques ou politiques; elles existent pour servir le bien-être de la société dans son ensemble.

Ainsi, comme « cellule » fondamentale de la société, la famille mérite d'être assistée et défendue par des mesures appropriées, prises par l'Etat et d'autres institutions (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 1994, n. 5). Cela montre que les autorités publiques ont certaines responsabilités en ce qui concerne la télévision.

En reconnaissant l'importance d'un libre échange des idées et de l'information, l'Eglise soutient la liberté d'expression et de presse (cf. Gaudium et spes, 59). Dans le même temps, elle insiste sur le fait que « le droit de chacun, des familles et de la société, à la vie privée, à la décence publique et à la protection des valeurs essentielles de la vie » doit être respecté (Conseil pontifical pour les Communications sociales, Pornographie et violence dans les médias: une réponse pastorale, n. 21). Les autorités publiques sont invitées à mettre en place et à renforcer des critères éthiques raisonnables pour les programmes, qui favoriseront les valeurs humaines et religieuses sur lesquelles est bâtie la vie familiale, et rejetteront tout ce qui est dangeureux. Elles doivent aussi encourager le dialogue entre l'industrie télévisuelle et le public, en fournissant des structures et des tribunes qui le rendront possible.

Les institutions liées à l'Eglises, de leur côté, rendent un excellent service aux familles en leur offrant une éducation aux médias et une critique des films et programmes. Là où les moyens le permettent, les institutions de communication de l'Eglise peuvent aussi aider les familles en produisant et diffusant des programmes pour la famille, ou en promouvant ce type de programmes. Les Conférences épiscopales et les diocèses devraient régulièrement réserver une partie de leur programme pastoral, en ce qui concerne les communications sociales, à la « dimension familiale » de la télévision (cf. Conseil pontifical pour les Communications sociales, Aetatis novae, 21-23).

Puisque les professionnels de la télévision sont engagés dans la présentation d'une vision de la vie à un large public, qui inclut des enfants et des jeunes, ils peuvent tirer profit du ministère pastoral de l'Eglise qui peut les aider à apprécier les principes éthiques et religieux qui donnent son plein sens à la vie humaine et familiale. « En fait, ces programmes pastoraux devraient comporter une formation permanente qui puisse aider ces hommes et femmes — dont beaucoup souhaitent sincèrement savoir et pratiquer ce qui est juste sur les plans éthique et moral — à être de plus en plus pénétrés de critères moraux, aussi bien dans leur travail professionnel que sur le plan privé » (ibid., 19).

La famille, fondée sur le mariage, est une unique communion de personnes dont Dieu a fait « le noyau naturel et fondamental de la société » (Déclaration universelle des Droits de l'homme, art. 16, 3). La télévision et les autres moyens de communication ont un immense pouvoir de soutien et d'affermissement de cette communion au sein de la famille, ainsi que de solidarité avec les autres familles et d'un esprit de service à la société. Reconnaissante pour la contribution que la télévision comme moyen de communication a eu et peut avoir, pour une telle communion au sein de la famille et entre les familles, l'Eglise — elle-même en communion dans la vérité et l'amour de Jésus-Christ, le Verbe de Dieu — profite de l'occasion de la Journée mondiale des Communications sociales 1994 pour encourager les familles elles-mêmes, le personnel des médias et les autorités publiques à répondre pleinement à leur noble appel à l'affermissement et à la promotion de la première et plus vitale communauté de la société, la famille.

Du Vatican, le 24 janvier 1994.

 

IOANNES PAULUS PP. II



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