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VOYAGE APOSTOLIQUE À MADAGASCAR, LA RÉUNION, ZAMBIE ET MALAWI

RENCONTRE DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II
AVEC LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX ET
LES RESPONSABLES DES CONSEILS PASTORA
UX

Saint-Denis (La Réunion)
Lundi, 1er mai 1989

 

Chers Frères et Sœurs,

1. Laissez-moi vous dire ma joie de vous rencontrer ce soir et d’avoir ainsi, à travers vous, mon premier contact avec le Peuple de Dieu à La Réunion. Les paroles que Saint Paul adressait aux fidèles de Rome, avant même qu’il aille les rejoindre, me viennent tout naturellement à l’esprit: «J’ai un vif désir de vous voir, afin de vous communiquer quelque don spirituel, pour vous affermir, ou plutôt éprouver le réconfort parmi vous de notre foi commune à vous et à moi»[1]. 

Je vous salue tous cordialement, prêtres, religieux et religieuses, représentants des conseils de pastorale, des mouvements, des organismes, des groupes de jeunes. J’adresse un salut particulier à la délégation du diocèse de Sens et Auxerre, diocèse d’origine du Frère Scubilion qui, demain, sera proclamé Bienheureux.

Je remercie Monseigneur Aubry de la présentation qu’il a bien voulu me faire du diocèse de Saint-Denis de La Réunion. Je remercie également les porte-parole de votre assemblée qui ont su dire comment ils participent à la pastorale diocésaine et contribuent ainsi du développement de la foi et à l’avènement du Royaume de Dieu.

2. Je sais que les diocèses de la Conférence épiscopale de l’Océan Indien (CEDOI), et notamment le vôtre, ont exprimé leur volonté de répondre aux grands appels de Vatican II pour le renouveau de l’Eglise. L’Esprit Saint nous interpelle pour que le visage de l’Eglise aujourd’hui soit réellement celui que le Christ aime, car l’Eglise est son propre Corps. Il ne s’agit pas seulement de réformer tel ou tel point particulier mais plutôt d’entrer profondément dans le mystère de communion que l’Eglise voudrait vivre au service du monde.

J’ai appris avec satisfaction que vous développez l’activité des Conseils d’animation pastorale dans vos paroisses. Et, entre autres projets, vous vous efforcez de mettre sur pied un «Conseil diocésain de pastorale». C’est une instance encouragée par le Droit canonique[2], dont le fonctionnement bénéficie de l’expérience de chacun dans sa communauté locale et qui est le lieu approprié pour faire mûrir les orientations pastorales autour de votre évêque. Pour vous aider dans votre dessein, je voudrais m’arrêter à quelques réflexions sur la pastorale dans l’Eglise diocésaine.

3. Il est une idée centrale que l’Eglise a remise en lumière au Concile Vatican II pour se définir elle-même, c’est celle de la «communion». Il s’agit d’abord de l’union avec Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ, dans l’Esprit Saint. Cette union est scellée par la Parole de Dieu et les sacrements. Par le baptême, chacun de nous est incorporé au Christ et vit de sa vie: c’est l’aspect personnel de la communion chrétienne. Cette même vie circule chez tous les fidèles et nous lie les uns aux autres: c’est l’aspect communautaire de la communion chrétienne.

L’Eglise constitue un corps vivant: les fonctions de ses membres sont à la fois diverses et complémentaires. Chaque fidèle apporte sa contribution personnelle au corps tout entier. Il vit un partage fraternel avec les autres, dans la joie d’une égale dignité. Sous la sage conduite des pasteurs, les richesses complémentaires sont utilisées pour le bien de tous.

4. Dans l’Eglise, il existe, en premier lieu, des ministères qui dérivent du sacrement de l’Ordre. Le Seigneur Jésus, en effet, a choisi des Apôtres et leur a confié le soin de diriger tout le peuple: il s’agit là d’un authentique service. Les évêques, successeurs des Apôtres, et les prêtres, collaborateurs immédiats des évêques, ont pour fonction essentielle de servir l’Eglise: leur mission est de rassembler les hommes dans l’Esprit Saint, par le moyen de l’Evangile et des sacrements. Au nom du Christ, l’Eglise leur confère des pouvoirs et une autorité qu’ils exercent pour le bien de tout le Peuple de Dieu.

Les baptisés ont besoin du sacerdoce ministériel par lequel leur est communiqué le don de la vie divine. Plus un peuple vit son christianisme, plus il ressent le besoin de prêtres. Frères et Sœurs de La Réunion, les vocations sacerdotales pour votre diocèse sont l’affaire de Dieu et votre affaire: c’est à vous de vouloir des prêtres, de les demander à Dieu, d’encourager les vocations, d’aider de vos moyens matériels et spirituels ceux qui s’engagent sur la voie du sacerdoce, et de les entourer de votre soutien compréhensif et affectueux. Je sais qu’au niveau des secteurs un travail se réalise, qui commence à porter du fruit. Je vous invite à poursuivre vos efforts pour structurer une œuvre des vocations dynamique et particulièrement pour soutenir les séminaristes, afin d’assurer à l’Eglise de La Réunion les prêtres du troisième millénaire. Ainsi vous répondrez non seulement à la demande de l’île, mais vous continuerez l’entreprise missionnaire de vos devanciers qui, de ce sol, sont partis travailler à l’avènement du Royaume de Dieu à Madagascar, en Afrique orientale et beaucoup plus loin encore.

5. La mission de l’Eglise dans le monde est accomplie non seulement par les ministres qui ont reçu le sacrement de l’Ordre mais aussi par tous les fidèles laïcs. En raison de leur condition de baptisés, les fidèles laïcs participent à la fonction, sacerdotale, prophétique et royale du Christ.

En se mettant à l’écoute de l’homme réunionnais, les pasteurs auront à cœur de reconnaître et de promouvoir les fonctions de ces personnes baptisées, appelées à collaborer au labeur apostolique par leurs charismes, par leurs activités en faveur de l’évangélisation des réalités temporelles. La mission des laïcs a, elle aussi, un fondement d’ordre sacramentel, en ce sens qu’elle découle du sacrement de baptême, du sacrement de confirmation et, pour beaucoup, du sacrement de mariage.

Evangélisatrice des laïcs, disait le Pape Paul VI, c’est le monde, vaste et compliqué, de la politique, de la «Le champ propre de l’activité réalité sociale, de l’économie; comme aussi celui de la culture, de la science et des arts, de la vie internationale, des instruments de communication sociale; et encore d’autres réalités particulièrement ouvertes à l’évangélisation, comme celle de l’amour, de la famille, de l’éducation des enfants et des adolescents, le travail professionnel, la souffrance»[3]. Il vous appartient de former chez vous les groupes apostoliques qui conviennent le mieux à la situation de l’île, en lien avec les mouvements nationaux ou internationaux, ou bien par des initiatives spécifiques comme la Mission Rurale Diocésaine qui s’efforce de donner une formation à partir du vécu réunionnais dans l’Eglise diocésaine.

6. Dans cet immense chantier offert à l’apostolat des fidèles laïcs, je voudrais relever un domaine prioritaire: celui de la famille. Le mariage chrétien est une véritable vocation pour évangéliser l’amour entre l’homme et la femme, et donc le rendre encore plus humain. Le sacrement de mariage assure au couple la stabilité d’échange dont chaque partenaire a besoin pour son plein épanouissement. Il garantit aux enfants l’environnement d’amour solide auquel ils ont droit pour se développer harmonieusement et s’équiper en vue de faire face à la vie.

La santé de la personne et de la société est étroitement liée à la prospérité de la communauté conjugale et familiale. Aussi, avec vos pasteurs, laissez-moi encourager chaque couple chrétien à «fonder sa famille sur le roc – face aux chocs de la modernité», pour reprendre des expressions du Cardinal Margéot.

7. Après vous avoir invité à donner un nouveau souffle à la pastorale familiale, je voudrais également vous encourager à redécouvrir le vrai visage de la paroisse, c’est-à-dire le mystère même de l’Eglise présente et agissante en elle. Avant d’être une structure, la paroisse est «une maison de famille, fraternelle et accueillante, où les baptisés et les confirmés prennent conscience d’être Peuple de Dieu. Là le pain de la bonne doctrine et le pain de l’Eucharistie leur sont rompus en abondance...; de là ils sont renvoyés quotidiennement à leur mission apostolique sur tous les chantiers de la vie du monde»[4]. 

Au dernier Synode des Evêques, les participants ont émis le vœu que les paroisses se renouvellent plus résolument en favorisant la participation des laïcs aux responsabilités pastorales. En effet, dans les paroisses, l’action des hommes et des femmes est si nécessaire que, sans elle, l’apostolat des pasteurs ne peut obtenir son plein effet. Nous en revenons toujours, Frères et Sœurs, à ce qui aura été le leitmotiv de cette rencontre: l’ecclésiologie de communion. Parce qu’ils sont divers et complémentaires, les ministères et les charismes ont leur propre rôle à jouer pour la croissance de l’Eglise.

La paroisse, qui se présente comme l’Eglise implantée au milieu des maisons des hommes, offre la possibilité d’expérimenter et de cultiver, au jour le jour, des rapports plus fraternels entre fidèles d’origines et de situations diverses. Elle est le premier lieu de la célébration communautaire de la présence du Seigneur reconnue dans la foi. Elle est pôle d’apostolat et elle éveille l’élan missionnaire vers les incroyants ou les mal-croyants. Elle est ouverte à tous, au service de tous, ou, pour reprendre le mot de Jean XXIII, elle est la «fontaine du village» à laquelle tout le monde vient étancher sa soif.

Le Concile Vatican II a encouragé l’examen et la recherche de solution des problèmes pastoraux avec le concours de tous les paroisse en état de mission des «Conseils pastoraux paroissiaux» sur lesquels, au dernier Synode, les Pères ont insisté à juste titre et qu’il faut valoriser. Je vous encourage à poursuivre la mise en place des «Conseils paroissiaux d’animation pastorale» afin de rendre plus forte la cohésion entre tous les agents pastoraux et de mettre la paroisse en état de mission.

8. Vous avez la chance d’être au service d’un peuple qui a des racines spirituelles et qui tient aux grands moments de la vie religieuse tant personnelle que sociale. En demeurant accueillants aux personnes dans ce qui fait leurs préoccupations habituelles, efforcez-vous de promouvoir des célébrations paroissiales toujours plus vivantes et pleines de sens. Ouvrez les esprits à la signification profonde des rites sacrés. Favorisez les démarches de responsabilisation afin que les sacrements soient perçus comme des actes qui engagent la personne humaine.

9. Au terme de ces réflexions sur la pastorale diocésaine et le rôle que chaque baptisé est appelé à y jouer, je demande au Seigneur de vous aider à bien trouver votre place dans cette maison de Dieu et des hommes qu’est l’Eglise: «Dans la Maison de Dieu, avance et prends ta place. Dans la Maison de Dieu, ensemble rendons grâce».

Demain, nous honorerons un homme qui a su répondre à sa vocation et servir dans l’Eglise: le Frère Scubilion, qui s’est distingué dans votre pays comme éducateur, réconciliateur, promoteur de la dignité humaine, et comme missionnaire. Puissiez-vous, à son exemple, être vous aussi Lumière du monde et Sel de la terre!

Je vous exhorte à poursuivre votre formation chrétienne pour que, en union avec votre évêque, vous soyez de vrais responsables dans votre Eglise et que vous apportiez toujours votre contribution aux communautés des îles voisines auxquelles vous êtes liés et aux communautés de France et d’Europe auxquelles d’autres liens vous rattachent par votre histoire et par vos choix. Enfin, dans l’univers religieux pluraliste où vous vivez, affirmez la vitalité de votre Eglise et votre identité chrétienne: vous serez mieux à même de dialoguer avec ceux qui ne partagent pas votre foi;

Que la Vierge vous aide à établir tout autour de vous, dans cette zone de l’Océan Indien, la civilisation de la vérité et de l’amour, pour la gloire de Dieu!

 


[1] Rom. 1, 11-12.

[2] Codex Iuris Canonici, can. 511.

[3] Pauli VI Evangelii Nuntiandi, 70.

[4] Ioannis Pauli PP. II Catechesi Tradendae, 67.

 



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