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DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
AU GROUPE DE SPIRITUALITÉ DES
ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES DE FRANCE

Salle du Consistoire
Mardi 2 avril 1997

 

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

l. Je suis heureux de vous accueillir au cours de votre pèlerinage à Rome, sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul. Vous effectuez cette démarche dans une période liturgique importante pour la vie spirituelle et pour l'action que tout chrétien est appelé à mener dans ses responsabilités quotidiennes.

Le nom de votre association, Groupe de Spiritualité des Assemblées parlementaires, rappelle que toute responsabilité chrétienne s'enracine dans la rencontre personnelle avec le Christ, qui unifie l'être et oriente l'action. Pour un chrétien engagé dans la vie publique, l'Évangile est une puissance inspiratrice de l'action politique. Et, dans la perspective de Pâques, nous sommes invités à une démarche spirituelle radicale; en prenant exemple sur le Christ, il nous faut nous dépouiller de toute vaine gloire, pour nous dépenser sans compter pour nos frères, car il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on veut servir [1]. Aussi, en contemplant la vie, la mort et la Résurrection du Fils de Dieu, trouverez-vous le sens profond de votre mission: elle est un engagement évangélique pour l'homme, auquel le Seigneur fait confiance, au-delà du péché qui l'habite. Il remet entre ses mains la conduite de la Création. Cette confiance ouvre à l'espérance. Elle est le moteur de l'action droite, en vue d'édifier la cité présente, illuminée par l'espérance de la cité future.

2. Tenant votre mandat de vos électeurs, votre mission primordiale est de servir l'ensemble nationale du peuple français et tous ceux qui sont accueillis sur le sur le territoire national, en vous fondant sur le principes spirituels et moraux qui viennent du christianisme. Dès les origines de l'Église, saint Paul, écrivant à Philémon, énonçait la valeur chrétienne fondamentale de la fraternité dans les relations entre les personnes, particulièrement importante dans la gestion du bien commun; il lui demandait en effet de recevoir désormais Onésime, qui fut son esclave et qui s'était enfui, « comme un frère très cher » [2]. La vie publique est ainsi un service des frères, pour que, sans que le statut social de chacun ne soit nécessairement changé, triomphent la justice et la charité, et que se réalise un autre mode de relations, fondées sur la dignité naturelle de tout être humain, sur la filiation divine et sur l'alliance, qui est la modalité première et la compréhension pratique des relations des hommes entre eux et de leur confiance mutuelle.

3. Dans votre activité d'hommes politiques, vous avez à cœur d'être attentifs â tous vos concitoyens, aux détresses auxquelles ils peuvent être confrontés dans ce monde où la crise économique atteint de plus en plus de personnes et contribue à de nombreuses ruptures familiales. Le législateur est appelé à favoriser pour l'ensemble de ses compatriotes un « bien vivre en homme », matériellement, moralement et spirituellement, condition pour que se réalisent l'unité et la fraternité nationales. Comme le soulignait Jacques Maritain, même si l' l'homme n'est pas totalement ordonné à la communauté politique, « la raison d'être de l'État est de l'aider à une conquête ... d'une vie véritablement humaine » personnelle et collective [3]. Parce que la vie politique consiste aussi à penser l'universel, les Pouvoirs publics doivent s'attacher à promouvoir toutes les formes de solidarité au sein d'un pays, mais aussi entre les nations. Par sa tradition démocratique, la France a le devoir d'aider les États encore fragiles à se doter d'institutions nationales qui leur permettent d'avoir une forme de gouvernement stable et un développement harmonieux.

Parmi vos missions, une des plus importantes est sans doute le perfectionnement permanent du corpus législatif, pour que les lois soient au service de la vie et au service de toutes les personnes. Une législation positive ne peut être constituée indépendamment du respect de la loi naturelle et des valeurs morales fondamentales; au nom du principe démocratique, on ne peut pas bafouer la dignité inaliénable de tout être humain. L'État se doit aussi de respecter la conscience humaine. En effet, la raison et la conscience morales sont deux éléments essentiels du pacte social et de la confiance nécessaires à la vie en société. Le relativisme éthique est un danger pour la démocratie [4]. Ainsi que je l'écrivais dans l'Encyclique « Centesimus Annus », « une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois » [5].

4. Dans le service de vos frères, il vous appartient de manifester une haute forme de désintéressement, c'est-à-dire non seulement ne pas rechercher votre intérêt ou ne pas privilégier quelques personnes, mais surtout faire prévaloir la vie fraternelle et la solidarité, faire triompher la paix sociale, engager inlassablement le dialogue et la négociation avec toutes les composantes de la société pour que chacun voie ses droits reconnus et que les conflits soient réglés pacifiquement. Cela doit s'accompagner du souci de la vérité et du sens de la responsabilité personnelle.

Comme le soulignait déjà Aristote [6], la conduite des affaires publiques exige de la part des dirigeants, et cela est a fortiori vrai pour ceux qui sont chrétiens, une vie personnelle de probité et de rectitude, avec le souci de la vérité et de la transparence dans l'administration; c'est d'abord un témoignage courageux, qui permet de gagner loyalement la confiance du peuple, et la manifestation que votre mission est essentiellement un service du bien commun et de l'homme.

5. Il vous appartient aussi d'être attentifs à l'éducation du sens civique et des valeurs morales de vos compatriotes, particulièrement des jeunes générations. Tous seront ainsi en mesure de participer activement à la vie associative, expression du principe de subsidiarité, dans les différents rouages de la société. Ils manifesteront toujours plus leur solidarité par des actes concrets et ils accepteront ce qui peut contribuer au bien commun, même si cela comporte des exigences.

Au terme de notre rencontre, mon cœur se tourne vers les catholiques de France que je m'apprête à visiter en septembre prochain, pour m'associer à leur prière et à la célébration de grands événements de la tradition spirituelle de votre pays. Invoquant sur vous l'assistance de l'Esprit Saint, pour qu'il vous aide toujours à vivre en conformité avec l'Évangile et à mettre les valeurs chrétiennes au cœur de votre action quotidienne, je vous accorde volontiers ma Bénédiction Apostolique, ainsi qu'à vos familles.


[1] Cfr. Io. 15, 12-14.

[2] Philem. 16.

[3] Jacques Maritain, Christianisme et démocratie, p. 57.

[4] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Veritatis Splendor, 101.

[5] Eiusdem Centesimus Annus, 46.

[6] Cfr. Aristotelis Ethica ad Nicomachum, I, 3, 1095, aa. 2-8.

 

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