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VOYAGE APOSTOLIQUE EN FRANCE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
AUX AGENTS DE LA PASTORALE DIOCÉSAIN
E

Cathédrale de Reims
Dimanche 22 septembre 1996

 

Chers Frères et Soeurs,

1. Il est heureux que vous ayez choisi de méditer la conversation si importante de Jésus avec la femme de Samarie, pour cette rencontre où vous témoignez de la « démarche synodale » du diocèse de Reims, je remercie votre Archevêque, Monseigneur Gérard Defois, de son accueil, ainsi que tous ceux qui ont présenté cette ample réflexion sur la vie de l'Église en Champagne et dans les Ardennes. À travers vous, rassemblés dans votre prestigieuse cathédrale, je tiens à saluer tous les fidèles de ce diocèse aux racines chrétiennes antiques et profondes.

2. Avec vous, je voudrais poursuivre la méditation de la grande page de l'Évangile que nous avons écoutée. Nous voyons Jésus, fatigué par la route, s'arrêter au bord d'un puits; arrive alors une femme de Samarie, venue puiser de l'eau. Jésus lui dit: «Donne-moi à boire » [1]. La Samaritaine lui dit: « Comment! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine? » [2]. Jésus lui répond: « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit: "Donne-moi à boire", c'est toi qui lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive » [3]. En effet, «tout homme qui boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle » [4].

Jésus ne parle pas ici de l'eau que les habitants de Samarie venaient puiser au puits de Jacob. Comme le chante une hymne liturgique, il parle de l'eau qui nous donne, « dans le labeur, le repos; dans la fièvre, la fraîcheur; dans les pleurs, le réconfort » [5]. Cette eau est le symbole de l'Esprit Saint. Celui qui boit de cette eau n'aura plus jamais soif, car l'Esprit est la source qui apaise la soif de l'âme des hommes. Il est la fontaine de la connaissance et de l'amour, qui coule à jamais.

Au cours des réflexions que vous avez poursuivies ces dernières années, vous avez dû puiser abondamment à cette fontaine d'eau vive. Je suis sûr que l'Esprit Saint était avec vous, qu'il agissait dans vos paroisses ou dans vos lieux d'accueil. Il animait vos rencontres avec ces horaires et ces femmes à qui vous devez faire découvrir que seul le Seigneur peut combler leurs attentes et leurs soifs et qu'il frappe à la porte de tout homme. L'Esprit Saint vous guidait et vous soutenait de ses dons: les dons de la sagesse et de l'intelligence, de la science et du conseil, de la force, de la piété et de la crainte de Dieu.

3. Continuons à suivre le dialogue extraordinaire que le Christ a entrepris avec la Samaritaine au bord du puits de Jacob. A un moment donné, cette femme reconnaît que Jésus n'est pas un marcheur ordinaire qui cherche à se reposer près du puits. Elle découvre qu'il est un prophète et le lui dit sans détour: « Seigneur, je le vois, tu es un prophète » [6]. Les prophètes appartiennent à la tradition d'Israël. Ce sont eux qui parlent au nom de Dieu et qui guident le Peuple de Dieu sur la voie de l'adoration. C'est pourquoi la femme dit: « Nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l'adorer est à Jérusalem » [7]. Ces paroles font écho à la querelle qui opposait les Samaritains aux Juifs sur le Temple, sur le lieu du culte véritable. Alors Jésus répond: « Femme, crois-moi: l'heure vient où vous n'irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. ... Mais l'heure vient et c'est maintenant où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent, c'est en esprit et en vérité qu'ils doivent l'adorer » [8]. À ce moment, le Christ confie à cette femme ― une pécheresse ― l'une des plus grandes vérités de la Bonne Nouvelle: l'adoration de Dieu ne dépend pas du lieu, du temple construit par les mains des hommes; l'Esprit Saint lui-même construit ce temple intime en tout homme qui cherche Dieu sincèrement et qui ne ferme pas son cœur aux appels de la grâce. Et ce temple spirituel est le lieu de l'adoration que l'homme doit rendre à Dieu le Père « en esprit et: en vérité ».

4. Le Concile Vatican II a renouvelé l'enseignement sur le sacerdoce universel de tous les croyants et sur le sacerdoce ministériel. Vos travaux, j'en suis sûr, se sont inspirés de ce magistère conciliaire, exprimé surtout dans la Constitution « Lumen Gentium » sur l'Église. Cet enseignement est admirable, il libère notre manière de penser et notre expérience chrétienne de tout ritualisme étroit. Il nous apprend à faire de nos vies une offrande spirituelle [9].

La démarche conciliaire nous invite aussi à participer de la manière la plus profonde possible à la vie sacramentelle de l'Église, spécialement à l'Eucharistie. Pour prolonger votre démarche synodale, reprenez la lecture des documents conciliaires essentiels qui traitent du sacerdoce. Il faut sans cesse approfondir le sens du sacerdoce, aussi bien du sacerdoce universel des fidèles, lié au baptême, que du sacerdoce ministériel. Fidèles laïcs, vous serez plus assurés dans votre vie et votre activité si vous comprenez mieux ce que comportent votre consécration baptismale et votre mission dans la communauté ecclésiale. Réfléchissez aussi au rôle irremplaçable de l'évêque et des prêtres: ils sont ordonnés pour célébrer l'Eucharistie du Seigneur et transmettre les dons de la grâce dans les autres sacrements, pour rassembler les fidèles au nom du Christ et pour être les premiers porteurs de la Parole de Dieu. Je tiens à saluer ici le dévouement des prêtres, des diacres, des religieux et des religieuses de votre diocèse; et je prie avec vous pour que des jeunes entendent l'appel du Seigneur à se mettre totalement à son service dans son Église en acceptant de s'engager dans les ministères ordonnés ou dans la vie consacrée.

5. Nous lisons dans l'Évangile de saint Jean que la Samaritaine, après avoir entendu tout cela, abandonna sa cruche et revint à la ville pour parler aux gens de sa rencontre extraordinaire [10]. « Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-il pas le Messie? » [11]. Venez voir un Homme. Venez voir le Messie, le Christ. Cet appel s'adresse à toute la communauté de l'Église à Reims: venez voir le Christ.

Un jour, Pilate demandera à Jésus: « Es-tu le roi des Juifs? » [12]. Il entendra cette réponse: si je l'étais, «j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs » [13]. Vois, je me trouve devant toi attaché, accusé, et l'on réclame pour moi une condamnation à mort; humainement parlant, il n'y a en moi rien de royal. Pilate reprend la même question: «Alors, tu es roi? ». Le Christ répond: « C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci: rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » [14]. Je pense qu'il y a un lien significatif entre cet événement du Vendredi saint et le dialogue qui eut lieu au bord du puits de Jacob: venez voir l'homme qui m'a dit toute la vérité [15]. C'est cet Homme qui dira devant Pilate: « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci: rendre témoignage à la vérité » [16].

En suivant ces deux dialogues, vous aurez pu vous convaincre une fois encore que le Christ est le premier et le dernier Témoin de la Vérité divine. Les Samaritains avaient cru au Christ et disaient à la femme: « Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant, nous l'avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde » [17].

Chers Frères et Sœurs, je souhaite que votre recherche commune contribue à vous faire approfondir votre foi, à en témoigner sans crainte dans la société française et à vous rendre plus attentifs aux besoins de votre époque, dans la certitude que seul le Christ, mort et ressuscité, est le Sauveur du monde; qu'il a les paroles de la vie éternelle; que celui qui le suit « ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie » [18]. Je fais mienne ici votre prière: « Seigneur, fais-nous devenir des prophètes de vie, d'amour et de joie, alors l'Église resplendira de la foi des jeunes! ».

6. Que Jésus, le Christ, qui est la Voie, la Vérité et la Vie, vous accorde de la connaître et de le suivre, d'être ses témoins en partageant avec tous vos frères la lumière de la foi, la force de l'espérance et le don suprême de l'amour du Père!

C'est le souhait que je voulais vous laisser pour la conclusion de cette belle rencontre. Que Dieu vous bénisse!

 


[1] Io. 4, 7.

[2] Ibid. 4, 9.

[3] Ibid. 4, 10.

[4] Ibid. 4, 13-14.

[5] Sequentia « Veni, Sancte Spiritus » sollemnitatis Pentecostes.

[6] Io. 4, 19.

[7] Ibid. 4, 20.

[8] Ibid. 4, 21. 23-24.

[9] Cfr. Rom. 12, 1.

[10] Cfr. Io. 4, 28.

[11] Ibid. 4, 29.

[12] Ibid. 18, 33.

[13] Ibid. 18, 36.

[14] Io. 18, 37.

[15] Cfr. ibid. 4, 29.

[16] Ibid. 18, 37.

[17] Ibid. 4, 42.

[18] Ibid. 8, 12.

 



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