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DISCOURS DU PAPE JEAN XXIII
AU COMITÉ INTERNATIONAL POUR LES HONNEURS À NICOLAS STÉNON*

Mercredi 14 octobre 1959

 

Chers fils !

Votre présence ici, au lendemain des solennités qui viennent de se dérouler à Florence en l'honneur de Niels Steensen, Nous fait éprouver une joie toute particulière. Elle évoque en effet à Nos yeux la figure de cet homme éminent, dont la science et le zèle illuminèrent également le Danemark, qui lui donna naissance, l'Italie, sa patrie d'adoption, qui l'engendra à la foi catholique, et l'Allemagne, où il exerça la plus grande partie de son ministère épiscopal : trois nations chères à Notre cœur, et qu'il Nous plaît de voir représentées ici au moment où l'achèvement du procès diocésain permet d'envisager sous d'heureux auspices la poursuite de la cause de béatification de ce grand serviteur de Dieu. Vous connaissez comme Nous la profonde admiration que nourrissait pour Niels Steensen Notre grand Prédécesseur le Pape Pie XII, de vénérée mémoire, et l'hommage qu'il tint à lui rendre en deux circonstances mémorables ; dans son Radio-message au Premier Congrès des Catholiques du Danemark, le jour de la Pentecôte (24 mai) 1953, puis, plus explicitement encore, le 22 octobre suivant, en accueillant à Castel Gandolfo les Danois venus en Italie lors de la reconnaissance et du transfert des restes de leur illustre compatriote. Ces sentiments, Nous les partageons entièrement.

Nous admirons d'abord en Niels Steensen — Nicolas Sténon, comme on l'appelle en français — l'éminent savant, qui, avec une rigueur scientifique remarquable pour son époque, scrutait les œuvres de Dieu pour en mieux connaître la structure intime. On s'accorde à reconnaître en lui, dans les domaines de l'anatomie, de la biologie, de la géologie, de la cristallographie, un pionnier dont les géniales intuitions ont valu à la science des acquisitions durables et même définitives. Mais ce ne devait être, dans les desseins de la Providence, qu'une étape de son itinéraire terrestre, un acheminement qui permettrait de plus sublimes ascensions. Si la lumière de la raison avait illuminé la première partie de sa vie et lui avait fait produire des fruits si précieux, l'éclatante lumière de la foi catholique resplendit dans la seconde et fut, pour la consolation et 1'édification de l'Église entière, l'origine d'une moisson plus riche et plus précieuse encore. Dès l'instant où il eut trouvé dans l'Église catholique la plénitude de la foi chrétienne, Sténon ne songea plus qu'à se donner entièrement aux œuvres de piété et de charité. Renonçant à sa chaire d'anatomie de l'Université de Copenhague, il se prépara au sacerdoce. Et ses vertus brillèrent dès lors d'un tel éclat que Notre prédécesseur le Bienheureux Innocent XI, devant nommer un Vicaire Apostolique dans les régions septentrionales de l'Europe, jeta presque aussitôt les yeux sur lui : il était prêtre depuis deux ans à peine lorsqu'il reçut à Rome la consécration épiscopale en 1677. Celui qui la lui conféra était un des personnages les plus éminents de la Curie romaine, et Nous avons plaisir à évoquer au passage cette autre grande figure, qui Nous est familière : celle du Cardinal Gregorio Barbarigo, ancien évêque de Bergame et de Padoue et modèle des prélats de ce temps, que des liens d'estime et d'amitié unissaient à Nicolas Sténon. Ce que fut, pendant les neuf années qui lui restaient à passer sur terre, la vie pauvre, mortifiée, traversée d'innombrables souffrances physiques et morales du nouvel évêque, vous le savez comme Nous.

Nous voudrions cependant mettre en relief un trait qui Nous semble à la fois très actuel et très caractéristique de l'apostolat de Nicolas Sténon : son zèle pour ramener à l'Église les non-catholiques. Ayant parcouru lui-même le laborieux itinéraire qui le conduisit au cœur de l'Église de Jésus-Christ, il était poursuivi d'un véritable tourment intérieur à la pensée des nombreuses âmes — celles notamment de ses compatriotes — qui étaient privées de la pleine lumière de la Révélation, et il brûlait d'un désir ardent de les entraîner sur sa route de vérité. Volontiers il eût répété avec saint Paul : Tristitia mihi magna est et continuus dolor cordi meo : optabam enim ego ipse anathema esse a Christo pro fratribus meis ! — « J'éprouve une grande tristesse et une douleur incessante en mon cœur : car je souhaiterais d'are moi-même anathème, séparé du Christ, pour mes frères ! » (Rm 9, 2). Ce sentiment fut la source d'une activité inlassable, marquée par les deux traits auxquels on reconnaît les vrais fils de l'Église : un attachement inviolable à tous les points de la doctrine révélée, un grand respect et une affectueuse charité à l'égard de ceux qui ne partagent pas nos convictions. C'est par ces méthodes que la Sainte Église, aujourd'hui comme au temps de Nicolas Sténon, travaille à ramener au bercail de Jésus-Christ toutes ses brebis. C'est là, vous le savez, un des principaux soucis de Notre Pontificat, et un effort dans lequel Nous comptons sur le concours de tous Nos fils, et plus spécialement de ceux qui, comme Nicolas Sténon et comme vous, vivez au contact de nos frères séparés. Puissiez-vous, dans l'exemple de cet homme admirable, puiser une nouvelle ardeur au service de cette grande cause ! C'est le souhait que Nous formons devant Dieu au terme de cette brève évocation, tandis que Nous vous accordons à tous et d'abord à Notre Vénérable Frère Monseigneur Helmut Hermann Wittler, le dévoué Evêque d'Osnabriick, à Nos autres Vénérables Frères ici présents, et aux différentes Autorités religieuses et civiles, une large Bénédiction apostolique.



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