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LETTRE

À L’ÉVÊQUE D’ORLÉANS*

 

Vos lettres en date du 25 octobre ont admirablement répondu à Notre attente et comblé Nos désirs, en Nous montrant tout ce que vous avez fait, dans ces derniers temps, pour que votre clergé conformât sa conduite aux enseignements de Notre Encyclique et de Nos autres Lettres relatives à la condition pré- sente des choses en France. Cet exposé, vous l'aviez pressenti, Nous a été d'une vive consolation; et Nous avons senti grandir l'espérance qu'une telle docilité serait dignement récompensée, un jour, par l'éternel Pasteur de l'Eglise, dont Nous tenons la place.

Mais, sur ce rayon de joie, un nuage de tristesse est venu se répandre (ah! puisse-t-il se dissiper bientôt!), quand vous Nous avez énuméré les obstacles soulevés, sans le moindre motif, pour empêcher Nos conseils affectueux et Nos constantes sollicitudes d'aboutir au résultat tant désiré : le salut et la prospérité du peuple français. Quelles profondes et croissantes angoisses pour Nous au spectacle des vexations et des blessures infligées presque chaque jour à l'Eglise de Dieu ! Comme si c' était trop peu des tribulations qui Nous assiègent ici, il Nous faut partager les douleurs qui, chez vous, affligent trop justement l'épiscopat, le clergé, le peuple dévoué à la religion de ses pères et résolu â tout prix d'y demeurer fidèle. En effet, les témoignages réitérés de Notre amour paternel envers vous, et Nos constants efforts pour faire régner dans votre pays la paix, en invitant à la concorde tous les hommes de coeur et de droiture, semblent avoir provoqué une recrudescence de colère, de la part d'une faction acharnée contre l'Eglise; qui, dans les affaires publiques, n'admet de droit que pour elle seule, et sacrifie à ses haines invétérées les intérêts suprêmes de la société. Plus de bornes dans ses menaces et ses violences; aucun égard à ce qui est juste et saint ; nulle crainte, chez ces hommes, de conduire aux abîmes leur propre patrie, cette patrie au passé si glorieux, que la providence du Très-Haut avait choisie pour marcher à la tête des peuples, l'étendard de la croix en main, afin de faire fleurir partout la saine doctrine et les arts, dont les bienfaits distinguent le monde civilisé des peuplades barbares.

Sans nul doute, cet aveugle déchaînement de haine révèle une sorte de démence dont Nous pleurons. C'est à elle qu'il faut imputer ces vexations de toute sorte dirigées contre la religion catholique et ses ministres, contre le culte public dû à Dieu, contre les bases mêmes de la vie chrétienne (qui pourtant sont aussi la source et la sauvegarde de la véritable humanité). Et cela, sans qu'une raison sérieuse, sans qu'une apparence de justice ait.motivé de tels attentats: soit contre les choses sacrées, celles mêmes que les institutions publiques actuelles sont tenues de protéger; soit contre des citoyens à qui, pour le moins, on devrait garantir la jouissance des droits communs â tous les autres.

Néanmoins, au milieu de cette furieuse tempête qui menace de renverser l'œuvre salutaire entreprise par Nous de concert avec tous ceux en qui l'amour de la religion et de la patrie n'a pas sombré, il faut apporter le plus grand soin à ce que, parmi les Français fidèles, le courage et les forces ne viennent pas à manquer; de même que, pour ce qui Nous concerne personnellement, Nous Nous sentons en devoir de tenir sans cesse en éveil Notre sollicitude pour votre salut, sans que rien, au milieu de conjonctures si graves, puisse empêcher Notre constance de tenir ferme dans les résolutions prises.

Du reste, plus d'une raison se présente pour relever nos âmes plongées dans la tristesse, et raffermir nostre courage à la poursuite du bien commencé. Vous trouvez la première dans le témoignage de votre conscience, quand elle vous montre ce qu'il y a de beau à lutter pour le salut de la religion et de la patrie, précisément alors que les temps deviennent plus difficiles et les circonstances plus critiques.

Pendant que vous méditerez cette leçon, se présenteront naturellement à votre esprit les paroles par lesquelles le Prince des Apôtres consolait les fidèles : « Si, en faisant le bien, vous rencontrez des épreuves à subir, c'est là ce qui vous rendra agréables à Dieu: » et encore: « C'est une grâce, si,pour demeurer fidèle à la, conscience, le serviteur de Dieu sent les poids de la tristesse, en se voyant en butte à d'injustes traitements ». Ces pensées vous deviendront encore plus douces, dès que s'y ajoutera la confiance dans le secours divin, qui jamais ne fait défaut quand on l'implore, et la perspective des fruits promis à votre constance, comme prix de si rudes travaux.

Ne l'oubliez pas non plus, tous les maux qui vous accablent ont pour origine la haine d'une société ténébreuse, irréconciliable ennemie de la foi catholique, qui n'exprime ni la pensée, ni les intentions véritables de votre magnanime nation. Non, jamais celle-ci, livrée à elle-même, n'approuverait cette guerre implacable, qui se plait dans la poursuite des innocents, renverse les notions les plus élémentaires de la liberté et de la justice, pervertit les moeurs du peuple, appelle sur lui le mépris des nations civilisées et l'isole de quiconque comprend encore comment l'ordre et le bonheur publics ont pour fondements le culte de la religion et le respect de l'autorité. Ces réflexions confirmeront en Nous la confiance que la tempête ne peut durer longtemps, surtout si Nous rappelons que, selon les divins oracles: « Dieu ne laissera pas le juste ballotté à tout jamais ».

Nous voulons que ces mêmes espérances vous soutiennent et vous réconfortent, vous et tous les evêques de France; et Nous vous exhortons à n'épargner aucun labeur pour que le clergé, dont vous êtes les chefs, seconde dans ce sens vos efforts. Qu'il ait soin de se tenir sans cesse en rapport avec les fidèles; qu'il leur prodigue, pour le corps et pour l' âme tous les secours dont il dispose; et qu'il sache leur expliquer les enseignements émanés de Nous, dont voici la substance : « Détourner de la nation française deux affreux malheurs, le renversement de la religion et la décadence des moeurs ».

L'empressement de tous le chefs des diocèses de France à suivre cette direction ne peut faire pour Nous aucun doute, quand Nous Nous rappelons tous les gages antérieurs de leur bonne volonté à Notre égard; et Nous sommes convaincu, que pour vous en particulier, vous saurez être des plus empressés à marcher dans cette voie. C'est en Nous reposant dans cette confiance, vénérable frère, que Nous vous accordons très affectueusement, ainsi qu' à votre clergé et aux fidèles confiés à votre vigilance, Notre bénédiction apostolique.

Donné à Saint-Pierre de Rome, le XXXI octobre de l'an MDCCCXCII, de Notre Pontificat le quinzième.

 

Léon XIII, Pape


*AAS, vol. XXV (1892-1893), pp. 267-269.



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