Index   Back Top Print

[ FR ]

DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DE L’ORGANISATION INTERNATIONALE
POUR L’ETUDE DE L’ANCIEN TESTAMENT

Vendredi 19 avril 1968

 

Nous remercions votre éloquent interprète, le très digne Père R.A.F. MacKenzie, Recteur de Notre Institut Biblique, et Nous saluons avec joie, Messieurs, une assemblée de spécialistes aussi distingués et aussi compétents que vous l’êtes dans les études bibliques. Après avoir tenu ses congrès dans différents pays de l’Europe occidentale, l’organisation Internationale pour l’Etude de l’Ancien Testament a cette fois fait choix de la ville de Rome, dont l’immense patrimoine religieux, historique et artistique ne peut manquer d’apporter à vos savantes communications un notable surcroît d’intérêt. Soyez donc les bienvenus et permettez que Nous vous accueillions ici avec les mots que Notre lointain prédécesseur Saint Damase adressait au grand spécialiste des études bibliques de son temps, Saint Jérôme: «Je ne pense pas, lui écrivait-il, qu’il puisse y avoir entre nous un plus digne sujet de conversation que les Saintes Ecritures» («Neque vero ullam puto digniorem disputationis nostrae confabulationem fore, quam si de Scripturis sermocinemur inter nos»; Migne, P. L. XXII, 451).

L’ANCIEN TESTAMENT BIEN COMMUN DE DIVERSES TRADITIONS RELIGIEUSES

Les Ecritures qui font directement l’objet de votre étude sont celles de l’Ancien Testament. Et le grand intérêt qui s’attache à vos congrès, c’est précisément, Nous semble-t-il, le choix d’un domaine d’investigation où puissent se rencontrer et collaborer aussi bien des théologiens chrétiens - catholiques et protestants - que des savants de religion hébraïque. L’Ancien Testament est notre bien commun. Les trois familles, -juive, protestante et catholique, le tiennent également en honneur. Elles peuvent donc étudier et vénérer ensemble ces saints Livres. Nous dirons plus: elles peuvent prier sur les ‘mêmes textes. Quelle prière plus profondément religieuse, plus universelle par son objet, plus émouvante par ses accents, que celle des Psaumes? Il est heureux, en vérité, que l’initiative ait été prise de cette étude en commun: vos précédents congrès ont assez montré combien elle s’était révélée opportune. Voilà une forme vraiment authentique et féconde de travail œcuménique!

PROGRÈS RÉCENTS DES ÉTUDES BIBLIQUES EN FACE DES COURANTS NÉGATIFS

Le progrès des études concernant l’Ancien Testament a été remarquable en ces dernières années. Pour ce qui concerne l’Eglise catholique, Notre prédécesseur Pie XII avait, vous le savez, largement ouvert la voie aux chercheurs par sa Lettre Encyclique Divino afflante Spiritu, du 30 septembre 1943, où il encourageait l’emploi de méthodes critiques solides et adéquates pour l’élucidation du texte sacré. C’est votre honneur de vous consacrer, de manière professionnelle et scientifique, à mettre en valeur toutes les ressources fournies par la technique moderne - dans les domaines littéraire, historique et archéologique - et à les utiliser en vue de faire progresser la connaissance de l’Ancien Testament. Nous ne pouvons que Nous réjouir de savoir à l’œuvre aujourd’hui, dans toutes les parties du monde, nombre de savants spécialisés dans cette étude.

Notre monde, on l’a observé bien des fois, est travaillé par une tendance très forte à la «désacralisation», au «sécularisme». Le problème de la présence et de l’action de Dieu dans ce monde se pose aujourd’hui, pour certains, dans des termes nouveaux, parfois inattendus, souvent déroutants et paradoxaux.

Dans ce bouillonnement des idées et des interprétations, votre spécialisation vous amène à être en quelque sorte les témoins et les hérauts des valeurs traditionnelles, et de celle - précieuse entre toutes - qui est comme la clé de voûte de tout l’édifice religieux de l’humanité: la transcendance divine. Laissez-Nous vous le dire, Messieurs: vos recherches, vos investigations scientifiques, consacrées à l’histoire et à la littérature d’Israël, sont à Nos yeux du plus grand prix pour le rappel des valeurs les plus hautes dans la société moderne.

Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil sur le programme de vos exposés pour en apprécier la richesse et apercevoir tout ce qu’ils représentent pour le progrès de l’interprétation de l’Ancien Testament.

LE MESSAGE DIVIN DE L’ECRITURE ÂME DE L’EGLISE CATHOLIQUE

L’Eglise catholique entend bien n’être pas la dernière ni la moins active en ce domaine. Contrairement à certaines assertions souvent répétées au cours de ces derniers siècles, l’Eglise a toujours porté la plus vive attention à l’Ecriture Sainte. Nous voudrions, chers Messieurs, que le déroulement de vos savants travaux vous laissât le loisir d’une brève visite à la Bibliothèque Vaticane: vous pourriez y voir, par l’abondance des codex et des éditions de la Bible, le souci que l’Eglise a montré, à travers les siècles, pour ce livre incomparable, qu’elle a toujours considéré comme la source privilégiée de la Révélation divine.

Il ne s’agit pas en effet seulement, à ses yeux, d’une œuvre littéraire. Il s’agit d’une œuvre religieuse, rassemblée dans un but religieux, choisie et constituée selon des critères religieux; il s’agit d’une œuvre jalousement préservée et transmise, parce que porteuse d’un message de Dieu; message destiné d’abord au peuple élu, mais aussi à tous ceux qui se considèrent comme les descendants spirituels de l’Ancien Testament. Livre différent, par conséquent, de tous les livres humains; livre inspiré, contenant et transmettant une révélation, dont l’Eglise voit l’harmonieux prolongement et l’accomplissement dans le Nouveau Testament.

Comment dès lors un tel livre ne ferait-il pas de sa part l’objet d’une attention et d’une étude passionnées? L’Eglise étudie la Bible sous tous ses aspects. Elle y consacre d’abord, et en nombre croissant, des travaux scientifiques, comme ceux auxquels vous vous adonnez. Des études théologiques aussi: y a-t-il une «théologie» de l’Ancien Testament? ou plusieurs? ou bien plutôt une seule théologie biblique, englobant l’Ancien et le Nouveau Testament, et plusieurs ordres, ou plusieurs voies dans la présentation et l’organisation du donné révélé? Autant de questions dont disputent ses théologiens (R. de Vaux: «Peut-on écrire une “Théologie de l’Ancien Testament?”» dans «Bible et Orient», Paris, éd. du Cerf, 1967). L’aspect spirituel, enfin, n’est pas moins présent à ses préoccupations, et un de ses religieux pouvait consacrer naguère un livre de près de mille pages à «L’Ancien Testament source de vie spirituelle». (Le Rév. P. Paul-Marie de la Croix, O.C.D., Desclée de Brouwer, 1952).

SYMPATHIE ESTIME ENCOURAGEMENT DU VICAIRE DU CHRIST POUR UNE ŒUVRE VITALE

C’est que la richesse de la Révélation contenue dans les pages de l’Ancien Testament est telle qu’il semble qu’on ne l’épuisera jamais. C’est le Dieu créateur et bon qui nous y est révélé, le Die unique et véritable, le Dieu vivant, le Dieu de toute sainteté; le Dieu offensé, mais qui pardonne, car il a un dessein de salut pour les hommes et le poursuit inlassablement, à travers une «histoire sainte», dont l’Eglise recueille chaque fragment avec une immense vénération et un immense amour.

Que peut désirer l’Eglise, en présence des mutations à la fois audacieuses et inquiétantes du monde moderne, sinon de voir la vérité, la grandeur, la beauté de cette fondamentale théologie de l’Ancien Testament s’imposer à toute âme de bonne volonté et constituer un lien spirituel puissant pour tous ceux qui sont sincèrement désireux de lumière et de paix?

Telles sont, Messieurs, quelques-unes des réflexions que Nous inspire votre présence ici aujourd’hui. Il Nous est agréable de vous recevoir en cette semaine de Pâques, la fête dont le nom évoque à lui seul un des sommets de l’Ancien Testament. Poursuivez vos travaux. Continuez à nous donner une intelligence plus profonde du texte sacré. Rien ne peut être plus conforme à l’esprit du second Concile du Vatican qui, dans la Constitution dogmatique sur la Révélation, consacre, vous le savez, un chapitre spécial à l’Ancien Testament. Et soyez assurés de Notre vive sympathie et de toute Notre estime pour l’œuvre importante que vous accomplissez et sur laquelle Nous implorons de grand cœur les meilleurs bénédictions de Celui qui est et reste à jamais le Dieu de la Bible, le «Dieu de nos Pères», le «Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob».

                                   



Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana