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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DE L'ASSOCIATION EUROPÉENNE
DES MÉDECINS HOSPITALIERS

Samedi 28 avril 1973

 

Chers Messieurs,

Parmi les nombreuses visites que Nous recevons en ces fêtes pascales, la vôtre suscite en Nous un intérêt particulier. Médecins-chefs des hôpitaux, dirigeants des Services hospitaliers, vous êtes affrontés à des tâches immenses, à des problèmes humains dont Nous mesurons la complexité et l’enjeu pour notre société. Vous essayez de mieux les résoudre au sein de votre Association européenne: puissent ces échanges, ces réunions de travail, comme celle que vous tenez actuellement, vous apporter l’information et le soutien dont vous avez besoin!

Mettre en œuvre tous les moyens d’une médecine ou d’une chirurgie en progrès constant, organiser l’assistance sanitaire devant une affluence considérable de patients, aménager pour eux un cadre qui demeure humain, établir et conserver des rapports personnels avec les malades, les assistants, les employés, voilà une mission qui mérite au plus haut point notre éloge et notre encouragement. Au-delà de vos personnes, Nous entrevoyons ces foules qui viennent chercher près de vous guérison, réconfort, espérance: elles nous font penser à celles qui suscitaient la profonde pitié du Christ; il ne négligeait jamais, vous le savez, de tendre les mains vers toute maladie et toute infirmité (Cfr. Matth. 9, 35-36). Au sein de nos grandes villes, ce sont aujourd’hui de véritables cités qui sont confiées à votre vigilance: quel souci pour vous d’apporter le maximum de compétence et d’humanité à ce monde marqué par la souffrance, l’incertitude, la peur, privé du cadre habituel de sa vie et de son activité! Nous souhaitons que, devant une si grave responsabilité, vous trouviez près de la société tout entière compréhension et secours. Il y va de l’honneur d’une civilisation vraiment humaine.

Votre responsabilité s’avère d’autant plus délicate que votre conscience ne saurait séparer médecine et morale. L’une et l’autre poursuivent le même but: le bien de l’homme. Leurs méthodes sont analogues: d’une part, faire retrouver aux membres ou fonctions organiques leur plein exercice au bénéfice de tout le corps; d’autre part, rendre l’intelligence et la volonté de l’homme capables de correspondre à sa dignité, à sa destinée, aux lois inscrites par le Créateur dans sa nature d’être spirituel et social.

Et cependant, Nous ne l’ignorons pas, les cas qui vous sont soumis vous laissent parfois dans un cruel embarras, comme si une opposition semblait s’élever entre leur solution humaine et les principes moraux. Notre prédécesseur Pie XII a voulu plus d’une fois éclairer ce problème devant des groupes de spécialistes. A cet égard, les tentations peuvent vous venir de trois côtés.

Le progrès de la science médicale, et donc l’intérêt de la société actuelle et à venir, requièrent que vous procédiez à des expérimentations, à des interventions nouvelles, et vos hôpitaux peuvent s’y prêter remarquablement: il vous faut cependant concilier la recherche légitime, indispensable, avec les droits personnels du patient, qui ne saurait jamais être sacrifié comme s’il s’agissait seulement d’une partie d’humanité ordonnée au bien de l’ensemble.

Par ailleurs, c’est parfois le consultant lui-même qui, aux prises avec une grande souffrance ou une situation difficile, sollicite de vous une intervention ou un remède dont le procédé ou l’effet dépasse le pouvoir que l’homme possède sur son propre corps ou sur ses facultés, à plus forte raison sur le fruit de la procréation ou sur ses proches. Il vous faut en ce domaine une sagesse et un courage peu communs, pour continuer à agir personnellement en conformité avec votre conscience, éclairée par les principes de la véritable éthique et de la foi, pour amener aussi qui se confie à vos conseils et à votre pouvoir à envisager une solution plus authentiquement humaine et respectueuse de sa conscience droite et des normes imprescriptibles de la morale.

Enfin la loi civile elle-même peut ouvrir le champ à des interventions en contradiction avec vos convictions profondes et les lois de la déontologie médicale qui sont votre honneur. Le légal ne devient pas pour autant le moral: la société ne pourra jamais vous considérer comme des exécutants techniques, ni vous décharger de la responsabilité de vos décisions et de vos actes.

Puissiez-vous demeurer persuadés, et faire saisir à nos contemporains, que les exigences morales, loin d’être un frein, sont un stimulant pour le seul progrès qui soit digne de l’homme. Ceux qui partagent notre foi sauront trouver, dans le mystère de la Passion et de la Résurrection du Sauveur, les grâces de lumière et de force pour affronter leur lourde responsabilité. Tel est notre souhait. L’Eglise vous estime, l’Eglise vous encourage dans votre mission difficile, mais si précieuse pour vos frères de l’humanité souffrante. De grand cœur, Nous prions le Seigneur de vous assister et de vous bénir, vous et tous ceux qui vous sont chers.

                                    



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