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DISCOURS DU PAPE PIE XII
À L'AMBASSADEUR D
E COLOMBIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
S.E.M. LUIS IGNACIO ANDRADE
*

Mardi 14 novembre 1950

Monsieur l’Ambassadeur,

Le changement du Chef de Mission à l’Ambassade de Colombie auprès de Nous ne signifie aucun changement dans les relations réciproquement amicales qui, par une heureuse tradition, unissent le Siège Apostolique et votre beau pays, comme il convient à une nation dont l’histoire est mêlée à celle de l’Église même, en Amérique espagnole, depuis le jour où Alonso de Ojeda, à la fin du XVe siècle, aperçut pour la première fois vos côtes ; ou, plus tard, depuis qu’une pléiade de vaillants et chrétiens explorateurs espagnols, – Juan de la Cosa, Vasco Núñez de Balboa, Belalcázar et, surtout, Gonzalo Jiménez de Quesada – pénétrèrent au plus profond de vos forêts vierges pour leur apporter en même temps la civilisation et la véritable foi.

Les profondes pensées, que vient de manifester Votre Excellence en inaugurant sa mission, sont la meilleure garantie de ce que, choisi par le Chef de l’État pour représenter l’illustre nation colombienne, vous serez poussé à considérer de plus en plus la nature particulière de la haute mission qui vous a été confiée, en lui apportant toutes les forces de votre esprit et toutes les ressources de vote volonté.

Cette considération, en vérité, conduit par elle-même à reconnaître comme nécessaire et affirmer ouvertement le rôle providentiel et la mission irremplaçable qui correspondent à ce Siège de Pierre, au service des plus hautes fins de la chrétienté et de l’humanité ; pour ensuite, dans l’exercice quotidien de sa charge personnelle, en déduire ces conclusions logiques, psychologiques et pratiques, qui mûrissent au soleil des problèmes concrets de chaque jour.

Parce que s’il a jamais été nécessaire de passer tout de suite des paroles aux actes ; s’il a jamais été urgent de passer du terrain des principes à celui de la véritable réalisation, en adaptant son propre rythme au rythme vertigineux des événements environnants, c’est le cas de cette période turbulente d’un après-guerre, agité par tant de désaccord, voire sans accord, et affaibli par un manque d’énergie morale, et qui n’a pas toujours été, malheureusement, à la hauteur de ce qu’il aurait dû être.

Ce n’est qu’avec un esprit de plus en plus résolu, plus vigilant et plus actif que les nations s’appuyant sur une base chrétienne pourront réaliser comme il convient ce qu’elles doivent à elles-mêmes et à leurs naturelles et vénérables traditions.

Aujourd’hui, devant la poussée progressive des puissances antichrétiennes, ce qui, en des temps normaux et tranquilles, n’était pour le simple citoyen et pour l’homme d’État qu’un postulat naturel de la conscience nationale et chrétienne, s’est transformé en une nécessité primordiale pour l’affirmation et la conservation de la dignité morale et de la juste liberté humaine.

Cela a été pour Nous, monsieur l’Ambassadeur, un motif de grandes satisfaction et joie de pouvoir entendre de vos lèvres que les enseignements éthico-sociaux, émanant de ce Siège de Pierre, sont pour le fidèle et religieux peuple colombien et pour ceux qui, en ces moments si troublés, dirigent ses destinées, une sorte d’étoile conductrice, dont on désire suivre la lumière avec une pleine volonté et une claire confiance,

Quiconque connaissant l’impressionnante série de ces enseignements pourra savoir que la voix du Père de la chrétienté, avec ses avertissements et ses exhortations, visant toujours au sain progrès et au développement harmonieux de la vie sociale, s’est toujours fait entendre avec un accent énergique et sans équivoque ; toujours, dans toutes les occasions où les nécessités ou les erreurs de l’époque ont exigé d’une manière spéciale cette lumen de coelo, cette lumière d’En-Haut pour éclairer les pas vacillants de l’humanité.

Comme notre monde vivrait plus heureux, comme il vivrait plus pacifique et tranquille, si la parole du Vicaire du Christ, qui s’élève au-dessus du terrain où s’affrontent les intérêts opposés et les partis adverses, avait trouvé, chez les gouvernants et les gouvernés, l’écho naturel et la résonance qu’elle méritait certainement, pour le plus grand avantage de la prospérité authentique et du véritable intérêt de chacune des nations et de toute la société des peuples.

Monsieur l’Ambassadeur, la Providence a voulu que le début de votre mission coïncidât avec un moment où une grande partie de l’humanité, qui, malgré son aspiration à la paix, se trouve encore bien loin d’une vraie et saine organisation pacifique, tourne ses regards angoissés vers la roche de Pierre et les enseignements qui en émanent, pour pouvoir atteindre au port si désiré.

Dans tous les cœurs et tout particulièrement dans le Nôtre, vibrent encore les impressions ineffaçables de cette heure magnifique, où les délégations et les pèlerins du monde entier ont rendu, avec une ferveur extraordinaire, leur hommage filial à la Reine de la Paix, à la Vierge fière du Roi de la paix, qui s’est fait homme.

Parmi les privilégiés, qui en ces journées mémorables avaient pris les chemins qui mènent à la Ville Éternelle, se trouvaient également les représentants de la Colombie, fils d’une Amérique éminemment mariale, qui rien que parmi ses plus antiques cathédrales en compte pour le moins quatorze dédiées à l’Assomption, et parmi celles-ci quelques-unes si fameuses comme celles de Mexico, de Santiago du Chili, d’Aréquipa et de Cuzco ; héritiers de la foi d’un saint Toribio de Mogrovero, à qui sont attribuées les fameuses litanies dans lesquelles, déjà en plein XVe siècle, on implorait la Très Sainte Vierge « per gloriosam Assumptionem tuam », « pour ta glorieuse Assomption » ; citoyens d’une nation qui, ainsi que Nous avons pu Nous-même le noter dans un récent radio-message, (au Congrès Marial national de Col., 16-VII-1946), « parmi ses nombreux titres de gloire et de noblesse,... compte comme un des premiers celui d’être un peuple ardemment marial ».

Aussi, que pourrions-nous donc faire de mieux, en cette solennelle occasion que d’invoquer la protection maternelle de la sainte Mère du ciel pour un peuple qui l’aime et la vénère si profondément ?

Colombie, pays de hautes chaînes de montagnes, de volcans imposants et de fleuves vastes au point de rappeler la mer ; Colombie, terre des climats les plus variés et des productions les plus diverses, depuis les plages que caresse la mer jusqu’aux plateaux élevés qui arrêtent les vents ; Colombie, la terre classique de l’« Eldorado », pays de légendes et de traditions chrétiennes ! Il semblerait que peu de lieux en ce monde fussent appelés plus qu’elle à la prospérité et à la paix.

Que Dieu Notre Seigneur bénisse la Colombie, S. Exc. M. le Président de la République avec son gouvernement, ses décisions et résolutions dans le domaine national et international, et tous et chacun de ses fils, pour que, des heures si orageuses d’aujourd’hui, elle parvienne à un heureux et proche avenir, où tous les Colombiens, toujours si près de Notre cœur, jouissent d’une paix sûre, d’une prospérité croissante et du progrès le plus sain

Avec cette confiance et cette certitude, Nous donnons de tout cœur à Votre Excellence, à tous les gens de votre peuple généreux et travailleur, dans toute l’effusion de Notre cœur paternel, la Bénédiction apostolique implorée.


* L’Osservatore Romano. EÉition hebdomadaire en langue française n° 50 p.1, 2.

Documents Pontificaux 1950, p.529-532.



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