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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU XVIIe CONGRÈS INTERNATIONAL
DE
L'INDUSTRIE DU GAZ

Dimanche 28 septembre 1958

 

L' Union Internationale de l'Industrie du Gaz qui vient de tenir à Rome son XVIIe Congrès triennal, rassemble de l'Orient et de l'Occident des représentants hautement qualifiés des grandes entreprises qui assurent en près de vingt pays un service d'intérêt général. Une telle réunion ne saurait Nous laisser indifférent. Vous savez assez, Messieurs, quel intérêt Nous portons à tous les problèmes humains, à tout ce qui concerne la vie sociale et les progrès de la science. Il est beau de voir l'homme au travail sous l'œil de Dieu pour organiser le monde ; en exploitant les ressources toujours nouvelles, qu'il découvre dans l'immense carrière de l'univers. Il met ainsi à la disposition de ses frères une quantité d'énergie toujours plus grande, et leur permet, s'ils écoutent la loi intérieure du progrès spirituel, de conquérir une maîtrise plus assurée de la matière, et de s'affranchir des servitudes du mal, en acquérant une liberté plus grande au service de la vérité, de la beauté et du bien universel.

Une industrie comme la vôtre, née à la fin du XVIIIe siècle des expériences de distillation de la houille, a vu ses techniques se perfectionner lentement et sa clientèle s'étendre progressivement au monde entier pendant près de 150 ans. L'usage du gaz, en effet, est passé depuis longtemps de l'éclairage au chauffage et à de nombreuses applications industrielles. Mais, dans chacun de ces domaines, la concurrence du pétrole et de l'électricité a fait évoluer les marchés et stimulé la recherche. Plus récemment, l'exploitation du gaz naturel a constitué comme un défi à l'industrie gazière, tandis que la conversion chimique des hydrocarbures fournissait une nouvelle source de gaz combustible. Loin de s'opposer purement et simplement à ces nouveaux concurrents, votre industrie a fait alliance avec eux, et vous étudiez avec attention les meilleurs moyens de satisfaire ensemble à une demande toujours accrue des consommateurs.

Il semble, d'autre part, que l'extraction plus coûteuse des gisements de houille européens, souvent très profonds, impose à plus ou moins brève échéance l'utilisation de charbons plus pauvres requérant des procédés nouveaux. À côté de ces questions générales, les problèmes techniques occupent dans les travaux de votre Congrès une place prépondérante. Ils naissent d'année en année, par exemple, de la découverte de matières plastiques aux caractéristiques plus avantageuses, de l'extension des réseaux qui entraine le transport à grande distance et à haute pression, des variations considérables de consommation dues au chauffage en hiver, qui font rechercher de nouveaux procédés de stockage ou des ressources d'appoint plus abondantes. Les études si soigneusement élaborées et si bien présentées qui Nous ont été communiquées, témoignent de la qualité du travail poursuivi d'un Congrès à l'autre.

Il est encore un domaine de vos recherches auquel plusieurs rapports ont été consacrés et qui a retenu particulièrement Notre attention, celui de la sécurité des ouvriers et des consommateurs. C'est un problème aussi vieux que votre industrie et maintes fois étudié, mais il a revêtu quelques aspects nouveaux depuis que l'on emploie couramment certains gaz pratiquement inodores. Et vous comprendrez que les incidences morales de ce problème Nous invitent à en parler quelque peu. Il serait en effet inadmissible que des raisons purement économiques fassent laisser de côté les solutions, même partielles, que la science d'aujourd'hui permet d'y apporter.

Les dangers d'explosion ne peuvent malheureusement être entièrement exclus de l'emploi des gaz combustibles. Chacun sait qu'une certaine proportion d'air mélangée au gaz explosif entraine le risque d'une déflagration. Mais la connaissance, aussi exacte que possible, du comportement d'un gaz donné permet de prévoir et d'écarter la plupart des dangers, inhérents au fonctionnement, à la mise en service et hors de service, des réservoirs, conduites et appareils courants. Aussi bien les lois civiles que les règlements intérieurs y pourvoient de leur mieux. On comprend cependant que ce danger, comme celui d'intoxication, soit rendu beaucoup plus grand, si la présence du gaz n'est trahie par aucune odeur sensible, ce qui est le cas habituel des gaz naturels purifiés, provenant des gisements souterrains.

De ce fait, sont nées des recherches sur l'odorisation des gaz, destinée à les faire reconnaitre en cas de fuites. Si, en principe, le mélange d'un gaz odorant à un gaz inodore ne rencontre pas de difficulté majeure, l'établissement des conditions, auxquelles doit satisfaire le gaz détecteur, se révèle fort compliqué. Il doit en effet, autant que possible, alerter l'odorat des sujets normaux dans toutes les circonstances, où le danger d'explosion ou d'intoxication est réel, et en celles-là seules. Cela suppose que l'intensité minimum perceptible demeure constante partout, où le gaz, qui le véhicule, se trouve en quantité dangereuse dans l'air ambiant, quels que soient la température, le temps et la distance qui séparent la production de la consommation. En l'absence d'instruments précis et commodes pour mesurer objectivement les odeurs, une telle constance est difficile à déterminer. De plus, on constate chez les sujets, qui doivent percevoir l'odeur du gaz, de grandes différences d'acuité de l'odorat, selon qu'ils sont jeunes ou vieux, éveillés ou endormis, accoutumés ou non à l'odeur en question. Malgré tout, la présence d'oxyde de carbone en quantité dangereuse dans l'atmosphère, constitue un péril tel qu'il faut la manifester par tous les moyens possibles. Et l'odorisation semble le seul actuellement susceptible de donner l'alerte dans la plupart des cas.

Il y aurait, certes, une solution plus radicale. Si l'on pense au triste usage, que trop de désespérés font encore du gaz pour mettre fin à leurs jours, et aux accidents mortels dus aux fuites de gaz, pendant la nuit surtout, Nous souhaitons vivement qu'elle s'impose : c'est de fabriquer du gaz domestique non toxique. On Nous assure qu'il est possible, moyennant une certaine augmentation de prix, de diminuer considérablement les risques d'accident, en abaissant la teneur d'oxyde de carbone à environ %. Une telle mesure suppose évidemment des garanties économiques, que seuls peuvent assurer les pouvoirs publics ; mais son importance est si grande, qu'elle relève de leur autorité et pèse sur leur responsabilité. Nous espérons que tous ceux, dont dépend la solution de ce problème, s'y appliqueront avec la conscience d'accomplir un service social, et sauront écarter un inconvénient qui grève encore l'emploi d'un combustible par ailleurs si utile et si commode.

Ces quelques réflexions rejoignent les pensées que Nous formulions au commencement de ce discours : l'homme est astreint par la nature à progresser sans cesse. Pour lui, s'arrêter, c'est déchoir. Il doit avancer, il est en marche vers des horizons toujours nouveaux, vers des synthèses toujours plus vastes. Il cherche l'explication fondamentale, qui ramènera toutes choses à l'unité. Or cette explication ne peut se trouver dans le seul domaine scientifique. Elle est d'un autre ordre. La science ne définit que des rapports de cause à effet entre les phénomènes, mais la raison dernière de toute chose lui échappe. Et l'esprit humain, s'il est sincère, comprend pourquoi : ce n'est pas lui qui a fait le monde. Il se sent plus grand que le monde, il le domine par l'intelligence, mais il n'en est point l'auteur, et ne s'est pas non plus donné l'existence à lui-même. Aussi la quête du savant s'achève-elle normalement en adoration devant Celui, dont il dépend au plus intime de son être et dont les œuvres grandioses lui révèlent « la puissance éternelle et la divinité » (Rm 1, 20). Puisse cette vérité essentielle éclairer et fortifier vos cœurs au milieu de vos travaux quotidiens. Puisse-t-elle aussi transformer ceux-ci à vos propres yeux et leur donner leur vraie valeur, car votre devoir en organisant le monde n'est pas de construire une cité terrestre définitive, mais d'y faciliter pour vous-même et vos contemporains la recherche et la découverte qui seule compte : celle de Dieu.

En formulant ces vœux devant le Seigneur de 1'Univers, Nous lui demandons que le séjour que vous venez de faire à Rome marque une étape et un progrès dans votre vie spirituelle. Que la grâce vous soutienne et vous accompagne dans les pays respectifs, où vous allez retourner. Et pour que cette prière soit plus sûrement exaucée, en gage de Notre bienveillance, Nous vous accordons à vous tous qui êtes ici, à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

 


* Discours et Messages-radio de S. S. Pie XII, XX,
Vingtième année de Pontificat, 2 mars - 9 octobre 1958, pp. 395-398
Typographie Polyglotte Vaticane 

 



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