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VOYAGE APOSTOLIQUE
EN RÉPUBLIQUE DOMINICAINE,
AU MEXIQUE ET AUX BAHAMAS
(25 JANVIER - 1er FÉVRIER 1979)

MESSE DANS LA COUR DU GRAND SÉMINAIRE DE PUEBLA

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II 

Puebla de Los Angeles (Mexique), séminaire Juan de Palafox
Dimanche 28 janvier 1979

 

Puebla de los Angeles : le mot sonore et expressif de votre cité se trouve aujourd’hui sur des millions de lèvres à travers l’Amérique latine et dans le monde entier. Votre ville devient un symbole et un signe pour l’Église latino-américaine. C’est en effet ici que se rassemblent à partir d’aujourd’hui, convoqués par le successeur de Pierre, les évêques de tout le continent pour réfléchir sur la mission des pasteurs en cette partie du monde, à cette heure exceptionnelle de l’Histoire.

Le Pape a voulu monter jusqu’à ce sommet d’où semble s’ouvrir toute l’Amérique latine. Et c’est avec l’impression de contempler l’image de chacune des nations que, sur cet autel élevé au-dessus des montagnes, le Pape a voulu célébrer le sacrifice eucharistique pour invoquer sur cette Conférence, ses participants et ses travaux, la lumière, la chaleur, tous les dons de l’Esprit de Dieu, Esprit de Jésus- Christ.

Rien de plus naturel et de plus nécessaire que de l’invoquer en cette circonstance. La grande Assemblée qui s’ouvre est, en effet, en son essence la plus profonde, une réunion ecclésiale : ecclésiale par ceux qui se réunissent ici, pasteurs de l’Église de Dieu qui est en Amérique ; ecclésiale par le thème qu’elle étudie, la mission de l’Église sur le continent ; ecclésiale par ses objectifs, rendre toujours vivant et efficace l’apport original que l’Église a le devoir d’offrir au bien-être et à la paix de ces peuples. Or il n’y a pas d’Assemblée ecclésiale si l’Esprit de Dieu ne s’y trouve pas, dans la mystérieuse plénitude de son action.

Le Pape l’invoque de toute la plénitude de son cœur. Que le lieu où se réunissent les évêques soit un nouveau Cénacle, plus grand que celui de Jérusalem, où les apôtres étaient à peine onze ce matin-là, mais, comme celui de Jérusalem, ouvert aux flammes du Paraclet et à la force d’une Pentecôte renouvelée. Que l’Esprit accomplisse en vous, évêques ici rassemblés, la mission multiforme que le Seigneur Jésus vous a confiée : interprète de Dieu pour faire comprendre son dessein et sa parole inaccessible à la simple raison humaine (cf. Jn 14, 26) ; qu’il ouvre l’intelligence de ces pasteurs et les introduise dans la Vérité (cf. Jn 16 13) ; témoin d e Jésus-Christ, qu’il porte témoignage dans leur conscience et leur cœur et les transforme à leur tour en témoins cohérents, crédibles, efficaces, pendant leurs travaux (cf. Jn 1, 26) ; avocat et consolateur, qu’il donne le courage de lutter contre le péché du monde (cf. Jn 16, 8), qu’il mette sur leurs lèvres ce qu’ils devront dire, surtout au moment où le témoignage exigera souffrance et peine.

Je vous demande donc, fils et filles bien aimés, de vous unir à moi dans cette Eucharistie, dans cette invocation à l’Esprit. Ce n’est pas pour eux-mêmes ou par intérêt personnel que les évêques venus de tous coins du continent se trouvent ici ; c’est pour vous, Peuple de Dieu, sur ces terres, et pour votre bien. Participez donc à cette IIIe Conférence, vous aussi, à votre manière : en demandant chaque jour pour tous et chacun d’entre eux l’abondance de l’Esprit-Saint.

On a dit, sous une forme belle et profonde, que notre Dieu, dans son mystère le plus intime, n’est pas une solitude, mais une famille, puisqu’il porte en lui-même la paternité, la filiation et l’essence de la famille qu’est l’amour. Cet amour, dans la famille divine, est l’Esprit-Saint. Le thème de la famille n’est donc pas étranger au thème de l’Esprit- Saint. Permettez que, sur ce thème de la famille — qui occupera à coup sûr les évêques pendant ces jours —, le Pape vous adresse quelques mots.

Vous savez que c’est en des termes denses et pressants que la Conférence de Medellin a parlé de la famille. Les évêques, en cette année 1968, ont vu, dans votre sens profond de la famille, un trait primordial de votre culture latino-américaine. Ils ont montré que, pour le bien de vos pays, les familles latino-américaines devraient avoir trois dimensions : être éducatrices de la foi, formatrices de personnes, promotrices de développement. Ils ont également souligné les graves obstacles que rencontrent les familles pour accomplir cette triple mission. Ils ont recommandé « pour ce faire », la pastorale des familles comme l’une des attentions prioritaires de l’Église sur le continent.

Dix ans ont passé, et l’Église en Amérique latine se sent fière de tout ce qu’elle a pu faire en faveur de la famille. Mais elle reconnaît avec humilité tout ce qui lui reste à accomplir, cependant qu’elle perçoit que la pastorale familiale, loin d’avoir perdu son caractère prioritaire, apparaît aujourd’hui encore plus urgente, comme élément très important de l’évangélisation.

L’Église, en effet, a conscience que, à notre époque, la famille affronte en Amérique latine de sérieux problèmes. Dernièrement certains pays ont introduit le divorce dans leur législation, ce qui entraîne une nouvelle menace pour l’intégrité familiale. Dans la majorité de vos pays on déplore qu’un nombre alarmant d’enfants, avenir de ces nations et espérance de l’avenir, naissent dans des foyers sans aucune stabilité ou, comme on a coutume de les appeler, dans des « familles incomplètes ». En outre, en certains endroits du « continent de l’espérance », cette même espérance court le risque de s’évanouir, puisqu’elle croît au sein de familles dont beaucoup ne peuvent vivre normalement, du fait que, sur elles, particulièrement, se répercutent les résultats les plus négatifs du développement : taux véritablement déprimant d’insalubrité, de pauvreté et même de misère, d’ignorance et d’analphabétisme, conditions inhumaines de logement, sous-alimentation chronique et tant d’autres réalités non moins tristes.

Pour défendre la famille contre ces maux, l’Église s’engage à apporter son aide et invite les gouvernements à mettre au cœur même de leur action une politique socio-familiale intelligente, audacieuse, persévérante, en reconnaissant que là se trouve sans nul doute l’avenir — l’espérance — du continent. Il faudrait ajouter qu’une telle politique familiale ne doit pas être considérée comme un effort sans discrimination pour réduire à n’importe quel prix le taux de natalité — ce que mon prédécesseur Paul VI appelait « réduire le nombre des invités au banquet de la vie » — alors qu’il est notoire que, même pour le développement, un taux équilibré de population est indispensable. Il s’agit de conjuguer les efforts pour créer des conditions favorables à l’existence de familles saines et équilibrées : « augmenter la nourriture sur la table », pour reprendre une expression de Paul VI.

En plus de la défense de la famille, nous devons parler aussi de sa promotion. À cette promotion doivent contribuer de nombreux organismes : les gouvernements et les organisations gouvernementales, l’école, les syndicats, les moyens de communication sociale, les groupements de quartier, les différentes associations volontaires ou spontanées qui fleurissent aujourd’hui partout.

L’Église doit elle aussi apporter sa contribution dans la ligne de sa mission spirituelle d’annonce de l’Évangile et de conduite des hommes vers le salut, une contribution qui a une énorme répercussion sur le bien-être de la famille. Et que peut faire l’Église en unissant ses efforts à ceux des autres ? Je suis sûr que vos évêques s’efforceront d’apporter à cette question des réponses adéquates justes et valables. Je voudrais vous rappeler la grande valeur de ce que l’Église réalise déjà en Amérique latine, par exemple pour préparer les futurs époux au mariage ; pour aider les familles quand elles traversent dans leur existence des crises normales qui, bien dirigées, peuvent être fécondes et enrichissantes ; pour faire de chaque famille chrétienne une véritable « Église domestique » avec tout le riche contenu de cette expression ; pour préparer de nombreuses familles à la mission d’évangélisatrices d’autres familles ; pour mettre en relief toutes les valeurs de la vie familiale ; pour venir en aide aux « familles incomplètes » ; pour stimules les gouvernants à susciter dans leurs pays cette politique socio-familiale dont nous parlions à l’instant. La Conférence de Puebla appuiera certainement ces initiatives et peut-être en suggérera-t-elle d’autres. Nous nous réjouissons de penser que l’histoire de l’Amérique latine aura ainsi des motifs de remercier l’Église pour tout ce qu’elle a fait, tout ce qu’elle fait et fera pour la famille sur ce vaste continent.

Fils et filles bien-aimés le Successeur de Pierre se sent aujourd’hui, à cet autel, singulièrement proche de toutes les familles d’Amérique latine. C’est comme si chaque foyer s’ouvrait, comme si le Pape pouvait pénétrer dans chacun d’entre eux : les maisons où ne manquent ni le pain ni le bien-être, mais ou manquent peut-être la concorde et la joie ; les maisons où les familles vivent plutôt modestement et dans l’insécurité du lendemain, en s’aidant mutuellement à mener une vie difficile mais digne ; les logements pauvres de la périphérie de vos villes, où existent tant de souffrances cachées, bien qu’au milieu d’elles existe la joie simple des pauvres ; les humbles masures des paysans, des indigènes, des émigrants, etc. À chaque famille en particulier, le Pape voudrait dire une parole d’encouragement et d’espérance. Vous, familles, qui pouvez jouir du bien-être, ne vous enfermez pas dans votre bonheur ; ouvrez-vous aux autres pour partager ce que vous avez de trop et qui manque aux autres. Familles opprimées par la pauvreté, ne vous découragez pas et, sans avoir le luxe pour idéal, ni la richesse comme principe de bonheur, cherchez avec l’aide de tous à surmonter les passages difficiles dans l’attente de jours meilleurs. Familles visitées et angoissées par la douleur physique ou morale, éprouvées par la maladie ou la misère, n’ajoutez pas à ces souffrances l’amertume ou le désespoir, mais sachez adoucir la douleur par l’espérance. Vous toutes, familles d’Amérique latine, soyez sûres que le Pape vous connaît et veut vous connaître encore davantage parce qu’il vous aime avec une délicatesse de Père.

Telle est, dans le cadre de la visite du Pape au Mexique, la Journée de la famille. Accueillez donc familles latino-américaines — par votre présence ici autour de l’autel, à travers la radio et la télévision —, accueillez la visite que le Pape veut faire à chacune d’entre vous. Et faites au Pape la joie de vous voir croître dans les valeurs chrétiennes qui sont les vôtres, pour que l’Amérique latine trouve en ses millions de familles des raisons d’avoir confiance, d’espérer, de lutter, de construire.

 

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